SOMMAIRE: Le drame de l'Amérique Centrale, ravagée par des conflits sanglants, est celui de l'équivoque créé par le principe de l'indépendance nationale et de son application, l'Etat-Nation. C'est au nom de telles conceptions que des dictatures militaires se sont établies en Amérique Latine, et que l'armée y a paradoxalement combattu, avant tout, le peuple. Face à cela, l'Europe, ne tirant pas les leçons de convivialité pacifique de la démocratie transnationale qui est inhérente à l'idée d'Union européenne, est dramatiquement incapable de la proposer là où il n'y a ni paix, démocratie, ni transnationalité. (16-1-90)
Pannella (NI). - (IT) Monsieur le Président, j'ai l'impression que nous sommes en train de discuter comme des experts comptables, ou des amis loyaux de l'une ou l'autre partie, d'une tragédie qui ne pourra, dans ces conditions, que se poursuivre, Monsieur le Président, depuis que la culture conjointe du stalinisme, du fascisme, de positions jacobino-militaires tardives a donné au monde le mythe des indépendances nationales, auquel la droite et la gauche ont rendu hommage - ce mithe infâme de la mort des peuples: 130, 140 dictatures qui ont créé une réalité pire que celle de l'époque coloniale, pour les peuples -, tant que nous continuerons de penser que les Etats nationaux pourront engendrer autre chose que tragédie et violence, tant que les chancelleries européennes ne ressentiront pas l'intérêt qu'a également l'Europe à ce que cette position soit finalement abandonnée et à ce que s'impose une conception de l'Etat à la fois fédérale et fédérative antijacobine, antistalinienne, anticommuniste, antifasciste,
antiétatique, tant que nous n'aurons pas d'Etats plurinationaux avec 20, 30, 50 langues et ethnies, nous assisterons à des luttes internes et connaîtrons des Etats asphyxiés, dans lesquels, à droite, ce seront toujours les plus démagogues et les plus salauds qui vaincront ou tendront à vaincre, et à gauche, hélas, les plus désespérés par lesconditions d'oppression et de misère qu'ils représentent.
Mais c'est précisément cette lutte entre le désespoir et les solutions violentes que nous propose l'histoire de ce siècle, qui nous empêche de voir la réalité telle quelle est également en Amérique latine. Ces Etats, comme le Honduras ou le Nicaragua, meurent surtout du mythe et des intérêts qui veulent qu'ils restent des Etats en tant que tels. Toute l'Amérique latine, et pas seulement l'Amérique centrale, a connu des dictatures militaires alors que l'armée n'y a jamais combattu d'autres Etats mais s'est toujours battue contre son peuple et contre la démocratie. Alors c'est certes douleureux, mais nous allons suivre cette spirale: ces élections se dérouleront bien, ils ont tué ce prêtre, ils en ont tué un autre; et tous ensemble nous serons les auteurs de ces événements, Monsieur le Président, par manque de stratégie politique, parce que nous ne croyons pas aux Etats-Unis d'Europe, parce que nous ne les offrons pas à l'Est européen, et parce que nous sommes en train de nous endormir sur la tragédie des illu
sions nationaldémocrates qui se présentent là; et comme nous ne sommes pas fédéralistes, comme nous n'y croyons pas, comme ces choses sont effacées, la tragédie, Monsieur le Président, menace là où nous avons de l'espoir.
La vérité est, par exemple, que cette réalité est la réalité des narcoguérillas, des narcodollars, et moi, qui ai toujours été à droite des libéraux américains sur la guerre du Viet-Nâm parce que je ne me posais pas le problème de l'injustice américaine, mais bien celui de la possibilité de vie du Cambodge et des autres, je voyais juste. Pour la même raison, je semble injuste à l'égard des problèmes du Moyen-Orient parce que je ne me pose pas tant le problème des injustices d'Israël que celui du droit à la vie dans la future indépendance des Palestiniens, pour qu'ils ne soient pas réduits au massacre auquels sont soumis les Syriens et tous les autres habitants du Moyen-Orient. Voilà. A ce propos, je dois dire qu'aujourd'hui, les Américains, avec cette guerre contre la drogue, avec les justes causes, avec Panama, la Colombie, ce qu'ils font dans les Andes... douze secondes, Président. D'accord, vous voulez être un peu plus sévère avec moi. Je vous remercie de votre vigueur.