Chambre des Députés, document n. 4414-1422-2976-3095-3381-3395-3461-3659-4246-A-bisSOMMAIRE:
I - Le démon de l'illégalité et l'illusion de la punissabilité.
II - Les dégâts du prohibitionnisme. C'est l'offre criminelle qui engendre la demande de drogues
III - Repenser à fond la stratégie: vers l'antiprohibitionnisme.
IV - Pour affronter la drogue, vingt ans de réponses radicales.
V - Les raisons théoriques et pratiques de notre opposition.
5.1. Une loi inconstitutionnelle.
5.2. Une loi illibérale et autoritaire.
5.3. Une loi impraticable.
5.4. Une loi dangereuse et illusoirement répressive.
5.5. Une loi injuste et à effet contraire.
VI - Les principales propositions de modification de la loi.
6.1. La dépénalisation de l'usage personnel.
6.2. La dose moyenne journalière comme la petite quantité?
6.3. Pourquoi la légalisation du chanvre indien.
VII - Par calcul politique et par image on risque le désastre.
I. LE DEMON DE L'ILLEGALITE ET L'ILLUSION DE LA PUNISSABILITE
COLLEGUES DEPUTES! - Le point central et innovateur du projet de loi gouvernemental sur lequel a été engagé le Parlement pendant plus d'un an et sur lequel a été accomplie une opération adultérée de communication de masse est l'introduction du principe d'"illégalité" des drogues et par conséquent de "punissabilité" aussi de l'usage personnel.
Le Ministre de la Justice, Giuliano Vassalli, l'a réaffirmé nettement et avec autorité, en répliquant au Sénat le 28 novembre 1989:
»Pour ses aspects judiciaires et pénaux, toute la discussion a dû se dérouler sur le thème de l'illégalité ou non de l'usage de drogues et de la punissabilité du détenteur de celle-ci pour un usage personnel non-thérapeutique; une chose certainement compréhensible, si l'on considère que le projet de loi contient sûrement sur ce point une innovation importante par rapport à la normative en vigueur depuis décembre 1975...
»La position du Gouvernement sur ce point part d'une affirmation extrêmement simple et claire, celle selon laquelle dans la lutte contre la drogue on ne peut pas se limiter au front de l'offre, mais qu'il faut s'étendre au front de la demande; et que s'occuper du front de la demande ne signifie pas se limiter à une oeuvre de prévention, fondamentale, primordiale, essentielle et à laquelle on ne peut pas renoncer, mais partir du principe de l'illégalité de se droguer et donner à cette illégalité la seule marque sensible: la sanction. Une sanction qui, comme la sanction pénale, a un effet de prévention générale dans lequel la note de coexistence pour ceux qui doivent s'orienter, le contre-motif, est lié, et en quelque sorte subordonné, à la note éducative, à l'indication, par la prévision de la sanction, d'une valeur sociale négative, d'un chemin à ne pas suivre...
Plus loin, le coeur de la mesure est indiqué encore plus clairement:
»... en réalité, avec cette mesure l'Etat renonce à une position de neutralité par rapport à l'usage de stupéfiants et affirme leur valeur sociale négative aussi bien pour les conséquences personnelles, familiales et sociales, que pour les effets induits sur la criminalité mineure, et pas toujours telle (crimes comme moyen de se procurer de la drogue) et sur la grande criminalité détentrice du marché de l'offre. Cela n'amène pas à la criminalité indistincte, mais ajoute à l'approche solidariste un élément de sévérité conséquentiel à la valeur négative...
De la part des proposants du projet de loi et de leurs défenseurs, on donne du crédit à une théorie qui fait justement levier sur l'aspect innovateur de l'illégalité-punissabilité par rapport à la législation précédente. On a affirmé et on a fait croire que l'accroissement de la diffusion de drogues dans notre pays avec sa charge de violences, de souffrances, de morts et de dommages individuels et collectifs serait dû à une soi-disant culture permissive qui aurait au fond favorisé l'élargissement en tâche d'huile de l'usage personnel de drogue. L'aspect normatif qui aurait permis ce processus aurait été la "quantité modique" prévue par la loi 685 de 1975, par laquelle serait passée une distribution capillaire et un encouragement à la drogue.
Cette prémisse sur laquelle s'appuie la partie essentielle de la loi est en réalité totalement erronée et trompeuse, manquant de tout fondement scientifique et historique. Une grande partie de la littérature internationale sur le sujet, quel que soit le point de départ économique, social, culturel ou sanitaire, est d'accord pour reconnaître que le ressort principal de la diffusion de la drogue dans les sociétés occidentales et opulentes n'est pas la croissance spontanée de la demande mais plutôt la sollicitation de l'offre soigneusement et puissamment organisée par la grande criminalité organisée.
Du reste, si l'hypothèse selon laquelle la punition de l'usage personnel servirait de dissuasion contre l'accroissement de la diffusion de la drogue était vraie, on devrait trouver un rapport entre la rigueur du système punitif à l'égard de l'usage personnel et les indicateurs qui mesurent la diffusion des drogues et les dommages sociaux et sanitaires qu'elles produisent (nombre de toxicomanes, morts par drogue, malades du SIDA et séropositifs venant de la drogue, crimes contre la personne et la propriété liés à la drogue).
Il est par contre reconnu que ce rapport non seulement n'existe pas dans un sens positif mais qu'on enregistre au contraire un rapport inversement proportionnel. Il suffit de lire les données relatives à certains pays européens comparables au nôtre pour comprendre que là où existent des systèmes plus répressifs comme en Allemagne, tous les indicateurs enregistrent des pourcentages supérieurs aux italiens, alors que dans les pays avec une législation plus tolérante comme la Hollande, la Grande-Bretagne et l'Espagne les mêmes indices sont beaucoup moins alarmants et se présentent avec une dynamique de progression beaucoup plus lente, et il arrive même que, dans le cas hollandais, le phénomène soit stable ou régressif.
II. LES DEGATS DU PROHIBITIONNISME. C'EST L'OFFRE CRIMINELLE QUI ENGENDRE LA DEMANDE DE DROGUE.
La question de départ qu'il faut se poser est alors si vraiment la diffusion de la drogue est le résultat de la culture permissive ou si elle a par contre des racines différentes, plus complexes, notamment de type pour ainsi dire "structurelles". On doit répondre préalablement à cette question pour fournir un jugement sur la loi en discussion.
Il est opportun de rapporter certains passages du rapport le plus récent de l'Organisme international de contrôle des stupéfiants: »L'usage des drogues illégales, aussi bien naturelles que synthétiques, a connu une croissance si rapide dans les vingt dernières années qu'il menace aujourd'hui tous les pays et toutes les couches sociales. Le phénomène n'est pas propre aux grands centres urbains, ni aux intellectuels ou aux analphabètes, aux riches ou aux pauvres: il s'est désormais diffusé partout, dans les écoles, sur les lieux de travail, dans les loisirs, dans le sport . Et plus loin: »La production et la fabrication clandestine de drogues atteint un nombre croissant de pays, dans de nombreuses régions du monde. Ces activités, qui atteignent des proportions alarmantes, sont financées et dirigées par des organisations criminelles qui ont des ramifications internationales et qui bénéficient de complicités dans le système financier. Les gros trafiquants de drogues utilisent des canaux empruntés par d'impo
rtantes sociétés multinationales absolument légales. Ayant à disposition des fonds quasiment illimités, les trafiquants corrompent les fonctionnaires, diffusent la violence et le terrorisme, influencent l'application des conventions internationales pour la lutte contre la drogue et exercent en fait un véritable pouvoir politique et économique dans beaucoup de régions du monde... . Un autre document récent du Département d'état américain affirme que »la production, la consommation et le trafic sont hors de contrôle, au-delà des capacités de chaque gouvernement de les supprimer et il ajoute que »les trafiquants de drogue peuvent utiliser leurs milliards pour corrompre et même pour acheter les gouvernements de l'hémisphère occidental . En 1986 une commission d'enquête du Parlement Européen, dont le rapporteur était le conservateur anglais Stewart Clark, était parvenue aux mêmes conclusions en affirmant entre autre que le trafic de drogues illégales a échappé totalement au contrôle et que par conséquent les dro
gues sont en réalité en vente libre.
Passant de la référence générale sur le pouvoir international de la Narcocratie à la situation italienne, on peut prendre comme indice l'estimation faite par le quotidien de la Confindustria "Il Sole - 24 Ore" qui estime à 35.000 milliards le chiffre d'affaire du commerce de la drogue en Italie. Il s'agit d'un chiffre qui se rapproche du chiffre d'affaire de la première entreprise privée italienne, FIAT. A ce chiffre il faudrait ajouter les bénéfices de la mafia italienne qui agit au niveau international, comme intermédiaire entre les pays producteurs d'opiacés et les pays consommateurs d'Europe du Nord et d'Amérique du Nord. C'est avec les forces explosives d'un tel trésor que l'argent de la drogue envahit les instituts de la société civile, les banques, la Bourse, les activités économiques légales et illégales, qu'il se transforme en corruption, chantage, violence armée à l'égard des institutions judiciaires et politiques.
L'argent de la drogue alimente la criminalité, la criminalité alimente le marché de la drogue. Le nombre de toxicomanes d'héroïne augmente chaque année, parce que chaque nouveau arrivant est obligé, pour payer sa dose quotidienne, de devenir le commis voyageur de l'héroïne. Ou bien à voler, tuer, se prostituer: de l'Allemagne aux Etats-Unis, de l'Espagne à l'Italie, du Canada aux mégalopoles latino-américaines, le trafic de drogue est indiqué comme étant à l'origine de la plupart des crimes pénaux, de 80% des hold-up, des vols à la tire et des homicides. Chaque année, il y a dans le monde des millions de victimes d'une violence insensée, qui n'appartient à la nature ni de la drogue ni des drogués, mais à une nécessité impérieuse d'argent provoquée par des lois prohibitionnistes et punitionnistes. Des millions de personnes sans voix, pour lesquelles ne vaut pas l'impératif chrétien ou humanitaire de se mettre du coté des victimes. Un prix de violence que les divers Etats sont prêts à faire payer au nom d
e l'idée abstraite et velléitaire de la guerre contre la drogue. C'est l'argent de ces millions de contribuables anonymes qui va enrichir et rendre de plus en plus fort et invincible le même ennemi que la prohibition voudrait mettre en déroute et dont elle ne réussit par contre même pas à égratigner la puissance.
III. REPENSER LA STRATEGIE CONTRE LA DROGUE. VERS L'ANTIPROHIBITIONNISME.
Face à l'échec de toutes les politiques prohibitionnistes et punitionnistes, également là où ont été utilisées des ressources importantes comme aux Etats-Unis, nous considérons que seul un changement d'avis radical basé sur l'antiprohibitionnisme puisse offrir des lignes directives pour établir une lutte efficace contre la diffusion de la drogue. Ce courant de pensée et de stratégie politique s'établit et acquiert une autorité au niveau international parmi les experts et les opérateurs des secteurs les plus divers: criminologues, philosophes, économistes, sociologues, personnalités du droit et de la médecine et également hommes engagés directement dans les gouvernements locaux, nationaux et internationaux.
Il a paru opportun de reproduire un passage d'une intervention de Marie-Andrée Bertrand, criminologue, consultante du gouvernement canadien et auteur de plusieurs rapports officiels sur la question.
»Lorsque, il y a quinze ans, au terme de quatre ans d'étude et de recherche à travers tout le pays et à l'étranger, j'ai présenté au gouvernement canadien une relation de minorité demandant l'abolition du contrôle sur les drogues, j'étais motivée par les raisons suivantes:
1. Le crime de simple possession est un instrument de dissuasion futile;
2. d'une manière plus générale, l'emploi du droit pénal dans le cas de crimes sans victimes: a) est inefficace; b) comporte le recours à des procédures contraires aux droits de la personne: des inspections, des perquisitions sans mandat, des délateurs, des agents infiltrés; c) est toujours fortement arbitraire, car les instruments habituels de contrôle sont inadéquats et seule une partie ingénue ou dépourvue est sujette à la répression. Du reste, nombreux sont les philosophes du droit et les hommes d'état qui ont reconnu que le recours au droit pénal dans le but de réduire les crimes sans victimes est illégitime;
3. le coût de la prohibition, plus exactement les coûts, sont énormes: coûts sociaux, moraux, économiques; les Etats y gaspillent leur propre honneur et les fonds public, et ces coûts sont disproportionnés par rapport à l'efficacité improbable et minime de la loi;
4. la fonction pédagogique du droit pénal, qui doit rappeler aux citoyens les valeurs les plus importantes pour la communauté sociale, est déviée par l'inclusion au hasard, dans la même loi, de substances dont la nocivité est très variable, et de comportements d'une gravité extrêmement diverse;
5. la prohibition crée et fait proliférer les marchés illégaux et toutes les déviations qui s'ensuivent;
6. le crime de simple possession ou d'utilisation, autorise certains Etats à recourir au traitement forcé à l'encontre des accusés, une ultérieure violation des droits de la personne mais surtout débordant d'ignorance et d'hypocrisie, car il n'est jamais arrivé que le traitement forcé ait poussé quiconque à modifier son comportement; on sait bien d'autre part que les prisons et les pénitenciers, dans lesquels sont prisonniers un certain nombre d'utilisateurs, débordent de substances psychotropes de tout genre et qu'on y pratique un trafic tout autant, sinon plus important que celui qui a lieu dans le monde libre.
Tous ces arguments en faveur de l'abolition des lois sur les drogues sont encore valables. De plus, les années en ont augmenté la portée. En effet, en les réexaminant un par un, on remarque que:
1. l'effet de dissuasion s'est révélé nul, sauf sur quelque consommateur, du moins sur l'ensemble des populations intéressées. Le nombre d'utilisateurs a augmenté, le trafic s'est raffiné dans le cas où c'était nécessaire, mais le plus souvent la plupart des transactions illégales relatives à de petites quantités a lieu au vu et au su des autorités de police qui ont renoncé à intervenir; il se peut que la consommation de certaines drogues populaires dans les années soixante et soixante-dix ait diminué (LSD, colle, hallucinogènes puissants), mais nous savons qu'en cela le droit pénal n'a eu aucun mérite. Ce furent les utilisateurs eux-mêmes et l'opinion publique qui rendirent ces substance impopulaires en dénonçant efficacement leurs effets nocifs;
2. le contrôle pénal de l'utilisation et du trafic s'est révélé hautement discriminatoire, frappant en premier lieu, dans les années soixante, les jeunes et les personnes d'aspect anticonformiste; ensuite, les membres des communautés ethniques, et récemment, dans plusieurs pays européens, les étrangers, les pauvres et les chômeurs;
3. le coût de l'application des lois sur les drogues n'a pas cessé d'augmenter; ces lois ont comporté la création d'unités spéciales de police, elles ont surchargé les tribunaux, les prisons, les services de soins et de réhabilitation pénale;
4. les prophéties épidémiologiques se sont révélées sans fondement; certes, il y a des toxicomanes qui ont besoin de soins, mais les services des urgences des hôpitaux sont moins affolés qu'ils ne l'étaient dans les années soixante-dix de patients atteints de "bad trips";
5. la politique abolitionniste a en effet, et comme prévu, stimulé les marchés illégaux; le commerce international s'intensifie; les corps de police de tous les pays ont perdu la guerre contre la drogue;
6. le traitement forcé et l'emprisonnement des toxicomanes afin de réduire leur accoutumance se sont conclus par des échecs retentissants.
D'autre part, d'autres éléments sont venus s'ajouter aux raisons qui me poussaient à recommander l'abolition des lois sur les drogues.
1. Dans de nombreux pays occidentaux, on est arrivé à la conclusion que beaucoup de drogues légales provoquent des dégâts certains à la santé des citoyens et que les coûts que comporte l'abus de ces substances dépassent le seuil de tolérance. Cette constatation a deux effets. En premier lieu, elle montre la nette incohérence des Etats qui s'inquiètent de certaines substances pour les rendre des objets d'interdiction dans le code pénal, mais qui encouragent en même temps secrètement et tolèrent publiquement la consommation de nicotine et d'alcool; en second lieu, les réactions sociales aux dégâts de ces deux drogues se révèlent beaucoup plus salutaires et efficaces que celles qui l'emportent dans le cadre des drogues illégales.
2. Comme beaucoup d'autres, je suis restée frappée par la montagne de résistances auxquelles se sont heurtées les conclusions et les recommandations de toutes les commissions d'étude, de tous les pays, sur la question de la drogue. En effet, à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix, pas moins d'une douzaine de pays avaient procédé, à travers des Comités nationaux ou des Commissions d'étude, à l'examen de ce que l'on appelait alors "le problème de la drogue": sa diffusion, ses causes, les instruments pour y porter remède. Aucun de ces comités, aucune de ces Commissions, sauf peut-être le Comité Pelletier en France, n'a recommandé de s'en tenir au statu quo. L'un soutenait la dépénalisation de certaines substances, l'autre l'abolition du crime de simple détention, etc. Néanmoins, nulle part, dans aucun pays, les rapports de ces Comité n'ont eu des effets importants sur la législation. Il est vrai que la pratique pénale s'est modifiée sous de nombreux aspects, et qu'on a assisté à u
ne certaine dépénalisation de facto, mais avec tout le caractère arbitraire que cela comporte, autrement dit la persistance de la poursuite dans le cas où le consommateur ou le petit trafiquant, le petit dealer, soit un étranger, un marginal, ou tout simplement lorsque sa figure n'est pas du goût du policier ou du juge.
En analysant les origines de ces résistances à la modification des lois sur les drogues, l'immoralité, l'hypocrisie et l'illégitimité de la prohibition m'ont été clairement révélées.
Ces résistances se situent au niveau national et international. Tous ceux qui ont à coeur la modification des lois actuelles doivent se charger de les analyser pour les combattre".
Ce fut surtout en vertu du prohibitionnisme que dans beaucoup de pays occidentaux se sont développés les phénomènes très graves liés à la drogue qui peuvent être schématisés de la manière suivante: a) l'augmentation énorme des consommateurs épisodiques et habituels d'héroïne et de cocaïne; b) la croissance exponentielle des morts par abus des mêmes substances; c) la diffusion sans précédents de la violence et de l'illégalité comme conséquence des nécessités de trouver illégalement de l'argent de la part de consommateurs habituels; d) le développement de l'empire le plus puissant et le plus ramifié du crime organisé à l'échelle internationale avec une accumulation de profits sans pareille en mesure d'asservir et de corrompre des hommes et des Etats tout entiers.
A notre avis, la voie principale pour affronter efficacement ces quatre phénomènes, qui se sont énormément dilatés en rapport direct avec la taux de prohibition, c'est-à-dire de répression de l'usage personnel, est la légalisation des substances dont la fabrication et la distribution sont aujourd'hui dans les mains du grand crime organisé.
La légalisation de la production, du commerce et de la vente des drogues aujourd'hui interdites, de la marijuana à l'héroïne à la cocaïne, aurait l'effet d'assimiler ces substances à des drogues déjà légalisées - du moins dans certains pays - comme l'alcool (du vin aux spiritueux) et le tabac. Leur prix baisserait de 99% et il appartiendrait à l'Etat de fixer les taxes nécessaires pour décourager la consommation et garantir en même temps leur qualité, de façon à réduire au minimum leurs effets nocifs, y compris l'infection du Sida ou d'autres maladies. La mafia internationale subirait par conséquent une défaite que même la coalition de toutes les armées de l'Est et de l'Ouest n'est pas aujourd'hui en mesure de lui infliger, perdant d'un coup la source essentielle de sa richesse et la cause de son invincibilité.
La légalisation effacerait d'un jour à l'autre la raison d'être de millions d'actes de violence accomplis aux dépends de personnes pour la plupart faibles et sans défense. Elle libérerait les forces de l'ordre et la magistrature du poids de ces crimes en leur donnant automatiquement une efficacité et une capacité d'intervention pour défendre la sécurité de la population. Elle rendrait disponibles, pour des campagnes de dissuasion et pour la récupération des toxicomanes des sommes énormes dépensées actuellement dans une inutile chasse à l'homme.
Il s'agit bien sûr d'une voie problématique qui doit être parcourue à pas et à phases successives, et qui doit surtout être réalisée avec un accord international. Dans les stratégies à entreprendre dès à présent, il est toutefois nécessaire d'agir dans la juste direction aussi bien dans le changement d'avis théorique que dans les solutions concrètes pour affronter justement les très graves problèmes causés par le binôme drogue/organisations criminelles.
Personne ne propose aujourd'hui en Italie - parce qu'il n'en existe ni les conditions internationales ni internes - une solution antiprohibitionniste. Ce que nous proposons aujourd'hui, si les observations concernant les effets de la législation sur le phénomène drogue, sur sa diffusion et ses dégâts ont un fondement, c'est de s'employer dans la juste direction pour réussir à minimaliser les dégâts et pas dans la direction contraire (hyper-punitionnisme) qui aggrave encore plus la situation.
C'est ce qui inspire notre attitude vis-à-vis de la loi gouvernementale à laquelle nous opposons certaines propositions.
VI - POUR AFFRONTER LA DROGUE, VINGT ANS DE REPONSES RADICALES
"Nous n'avons pas de raisons d'avoir une estime particulière pour celui qui fume du haschich. Nous considérons même qu'il existe des horizons suffisamment vastes, physiques et mentaux, à explorer et à parcourir pour ne pas avoir besoin d'évasions ou d'autres 'voyages'. Moralement, idéalement, nous devrions tous être capables de renoncer à l'alcool, aux tabacs, aux dérivés du chanvre indien, aux tranquillisants, aux excitants, qu'une intoxication publicitaire font consommer à flots. Et pourtant nous ne le faisons pas. Moralement condamnables, nous n'en sommes pas pour autant arrêtés, vilipendés, criminalisés." C'est ainsi que Marco Pannella dans une lettre publiée par le "Messaggero" résumait la position des radicaux sur la drogue. Ces mots conservent toute leur actualité, non seulement parce que ces dernières années tous les approfondissements scientifiques (pharmacologiques ou sociologiques) ont prouvé la vérité de ces thèses, mais parce qu'il n'a jamais été aussi vrai comme à présent que notre cultur
e pratique une distinction profonde entre les diverses drogues qui se transforme ensuite en une diverse tolérance à l'égard de ceux qui consomment les unes et non les autres.
Confortés par la littérature scientifique internationale, les radicaux ont soutenu depuis toujours que la toxicité du cannabis est extrêmement basse, de toute façon égale ou inférieure à celle de l'alcool et du tabac. D'autre part il faut démystifier certains postulats que l'on donnait et que l'on donne pour sûrs avec une grande superficialité, en tout premier lieu le rapport présumé et contraignant entre l'usage du cannabis et l'usage de drogues dures, et le fantomatique lien de hasard qui existerait entre l'usage de cannabis et les comportements criminels. Ces raisons ont donc poussé les radicaux à définir le haschich et la marijuana comme des substances à basse nocivité et à en demander par conséquent la légalisation dès le début des années 70.
Pour demander une loi rapide qui sanctionnât la différence profonde entre drogues douces et drogues dures, qui séparât le consommateur du trafiquant en prévoyant pour ce dernier des peines plus sévères, le 2 juillet 1975 Marco Pannella - comme acte de désobéissance civile - fuma à titre de provocation un 'joint' pour lequel il fut arrêté et emprisonné à Regina Coeli. Ce geste éclatant suscita un profond débat qui, sollicitant celui du Parlement sur la nouvelle normative sur la drogue, amena à la loi 685.
L'insatisfaction pour la nouvelle loi fut grande. Non seulement les radicaux, mais également d'autres communautés comme le groupe Abele, dénoncèrent tout de suite le fait que la loi n'aurait pas servi à freiner la diffusion de la drogue et que d'autres solutions adoptées (en tout premier lieu celle de la quantité modique) étaient ambiguës et dangereuses. Si bien qu'en 1979, les radicaux explicitèrent d'une manière cohérente leur position avec la proposition Teodori (acte de la Chambre 1077) qui trouva l'adhésion de nombreux socialistes parmi lesquels Claudio Martelli, Valdo Spini, Mario Raffaelli, Giacomo Mancini, Loris Fortuna, Francesco Forte et Franco Bassanini. Les radicaux et les socialistes signèrent une proposition de loi qui prévoyait la distribution contrôlée des substances stupéfiantes et psychotropes, ainsi que la libéralisation du cannabis. On se proposait d'interrompre le cercle de la criminalité forcée à laquelle les toxicomanes sont contraints pour se procurer l'argent nécessaire à l'acha
t d'une dose et on voulait créer pour le toxicomane des conditions de vie sans marginalisation, qui n'étaient donc pas liées à la recherche quotidienne de la dose, ainsi qu'interrompre ce marché noir qui est à l'origine des nombreuses morts pour drogue. Bien que la proposition de loi Teodori fut la plus radicale, dans la VIII législature il y eut également d'autres propositions qui prévoyaient une légalisation; nous rappelons notamment celle du socialiste Seppia qui proposait la dépénalisation de la détention et de la consommation du haschich et de la marijuana jusqu'à 10 grammes, reprise par la suite dans la IX législature par les socialistes Formica, Artioli, Aniasi, Marianetti, Piro, Di Donato et Spini.
Ces propositions furent uniquement discutées dans les commissions parlementaires de la Chambre et à peu servit aussi le référendum proposé par le Parti Radical avec lequel, grâce à l'abrogation de certains articles de la loi 685, on aurait obtenu la libéralisation du cannabis. La proposition de référendum avec plus de 700.000 signatures fut déclarée inadmissible par la Cour Constitutionnelle car il violait les obligations assumées par le Gouvernement italien dans la Convention Unique sur les stupéfiants (New York 30/3/61) et dans le Protocole de Genève (25/3/72) préparés par l'ONU.
La proposition de libéralisation du cannabis a donc été présentée une nouvelle fois dans la X législature (acte Chambre 3095). Successivement, en décembre 1988, on présente la première proposition de loi dans laquelle on essaye de traduire en normes l'hypothèse antiprohibitionniste: "Réglementation légale des substances psychoactives pour soustraire le trafic de drogue aux organisations criminelles" (Teodori et autres, acte Chambre 3461) fondée sur les points suivants:
1) la réglementation légale de toutes les substances psychoactives c'est-à-dire des soi-disant "drogues";
2) la reclassification des substances psychoactives avec l'inclusion dans les trois derniers tableaux réglementés (en ordre décroissant de risque et de dangerosité) des alcools supérieurs à 20·, des tabacs et du chanvre indien;
3) l'inclusion dans la Pharmacopée officielle de l'héroïne et de la cocaïne et leur assujettissement au régime de monopole;
4) la légalisation du chanvre indien;
5) une taxation visant à décourager l'usage de toutes les drogues, de manière à déterminer un prix de vente au public progressivement associé au risque; par exemple, le chanvre indien avec un prix égal à celui du tabac; l'héroïne avec un prix dix fois plus élevé et la cocaïne avec un prix vingt fois plus élevé que celui des spiritueux;
6) l'interdiction de toute publicité ainsi que la publicité négative sur les risques pour toutes les substances y compris les spiritueux et les tabacs;
7) la distribution de toutes les substances psychoactives (y compris l'héroïne et la cocaïne et en excluant les alcools, les tabacs et le chanvre indien) uniquement en pharmacie avec ordonnance médicale;
8) la possibilité pour chaque médecin de prescrire des substances (pour un maximum d'une dose quotidienne multipliée par trois) avec le devoir d'informer le demandant sur les caractéristiques des substances, sur ses effets vérifiés et sur les risques conséquents à sa consommation ("consensus informé");
9) la possibilité de garantir une distribution contrôlée et prolongée aux toxicomanes qui en fassent une demande explicite grâce à une carte qui assure la substance pendant 90 jours;
10) la répression rigoureuse, avec un système de peines sévères, de toutes les activités de production, de fabrication, de vente, de distribution, d'achat, d'import-export de substances psychoactives (drogues) hors des procédures légales décrites ci-dessus.
Avec la proposition où est sanctionnée la stratégie antiprohibitionniste, on entend poursuivre certains objectifs:
a) interrompre radicalement le trafic de drogue et l'organisation criminelle qui y prospère;
b) créer des conditions telles pour que ne doivent plus se vérifier des actes de violence sur la population pour trouver de l'argent;
c) réduire de manière drastique les morts par abus de drogues et faire face aux situations de marginalisation et de dégradation des toxicomanes obligés de mener des existences illégales sous le contrôle de la criminalité;
d) affronter sérieusement la diffusion du SIDA qui concerne en Italie pour les deux tiers des sujets toxicomanes à risque.
Cette proposition est aux actes, associée dans la discussion au projet gouvernemental, et elle en représente en quelque sorte par inspiration et par mécanismes normatifs le contrepoint ponctuel.
V. LES RAISONS THEORIQUES ET PRATIQUES DE NOTRE OPPOSITION
Les raisons théoriques et pratiques de notre opposition à la loi gouvernementale sont multiples: nous pouvons les regrouper dans les motivations suivantes. Toutes de caractère rationnel.
1) La loi est inconstitutionnelle;
2) la loi est illibérale et autoritaire;
3) la loi est impraticable;
4) la loi est dangereuse et illusoirement répressive;
5) la loi est injuste et à effet contraire.
5.1. Une loi inconstitutionnelle
La loi est un document inquiétant pour la désinvolture avec laquelle elle bouleverse des principes fondamentaux de civilité, dont beaucoup sont sanctionnés par la Constitution.
La première violation est celle faite par les "sanctions dites administratives" instituées par l'art. 14, au monopole juridictionnel de l'activité judiciaire sanctionné par l'art. 102 de la Constitution. L'application de ces sanctions trois fois de suite à celui qui détient une quantité de drogue inférieure à la dose moyenne journalière a l'effet de produire la transformation de cette même illégalité, si elle est commise une quatrième fois, en illégalité pénale. Il est clair, toutefois, que sur cette condition le juge n'a aucun pouvoir de contrôle. Comment pourra-t-il vérifier que les infractions précédentes ont bien été commises? Comme pourra-t-il, face à la simple certification bureaucratique des sanctions infligées précédemment, pourvoir ou suppléer au manque de garanties de défense et en général des garanties de procès qui président à un jugement correct? De plus: ce mécanisme contourné et jusqu'à présent inédit viole aussi l'art. 101 de la Constitution sur l'indépendance de la fonction judiciaire.
Il est en effet évident que le juge en est réduit à devenir un passe-papiers de l'administration, le dernier anneau d'une chaîne bureaucratique, appeler à donner son aval en blanc à l'arbitraire administratif.
D'autre part ce même article viole un second principe constitutionnel: la réserve de juridictionnalité en matière de liberté personnelle sanctionnée par l'art. 13 de la Constitution. Des soi-disant "sanctions administratives" prévues par le nouvel art. 72 pour la détention de doses de stupéfiants "qui ne dépassent pas la moyenne journalière" - la suspension du permis de conduire ou du passeport ou du permis d'arme et l'interdiction de s'éloigner de la commune de domiciliation - cette dernière a en effet une incidence sur la liberté personnelle. Et elle contredit par conséquent le principe, énoncé par l'art. 13, selon lequel "aucune forme de... restriction de la liberté personnelle n'est admise, si ce n'est par un acte motivé par l'autorité judiciaire".
Il y a ensuite un troisième aspect d'inconstitutionnalité, qui est peut-être le plus grave, et qui concerne la norme plus paradoxale et injuste de la loi. L'art. 13 prévoit l'incroyable peine de 8 à 20 ans de prison non seulement pour celui "qui cultive, produit, fabrique, extrait, raffine, vent, offre ou met en vente, cède, distribue, commerce, transporte, exporte ou procure à d'autres", mais aussi pour qui "achète" ou "reçoit à n'importe quel titre" ou de toute façon "détient" de la drogue en quantité supérieure à la dose journalière. Il est évident qu'une telle norme est en contraste avec le principe d'égalité établi par l'art. 3 de la Constitution. La Cour Constitutionnel a toujours affirmé que des situations différentes ne peuvent être traitées de la même façon et que seule une "raisonnable" analogie peut en justifier l'égalité de traitement. Eh bien: comment peut-on considérer raisonnable d'infliger la même peine à celui qui produit ou qui vent et à celui qui détient simplement des stupéfiants mêm
e uniquement pour usage personnel?
Une telle aberration, présente aussi à vrai dire dans la loi en vigueur qui punit la détention de quantités de drogues "qui ne sont pas des quantités modiques", s'explique par la présomption que cette détention soit en réalité destinée au trafic. La structure du délit est celle du délit de soupçon: dans le soupçon que la drogue détenue en excès, c'est-à-dire en quantité supérieure à celle d'un usage journalier, soit destinée à la vente, on la punit comme la vente, même s'il n'en existe pas la preuve, autrement dit, pour éluder le fardeau de la preuve du trafic et simplifier le travail judiciaire, on a construit une forme de délit qui rend automatique la répression en mettant au même niveau la détention et le trafic.
Le résultat de cette opération est évidemment une injustice manifeste, du moins pour ceux qui pensent que le trafic de drogue est incomparablement plus grave que son utilisation et que la différence entre les deux choses est la même qui existe entre les pourvoyeurs de mort et leurs victimes. Sans compter les effets criminogènes d'une telle norme: avant tout, pour ne pas tomber dans un délit puni par une peine de 8 à 20 ans le toxicomane devra se procurer la drogue quotidiennement, avec un renforcement conséquent du pouvoir de chantage des trafiquants et une augmentation de la petite délinquance des vols et des vols à la tire; deuxièmement, la même peine étant prévue pour la détention et pour le trafic, la transformation des toxicomanes en petits trafiquants en sera même encouragée. Du reste la figure du toxicomane qui détient pour usage personnel une seule dose journalière est une figure idéale, étant donné que les doses continueront de fait à être distribuées (et détenues) dans les quantités imposées p
ar la logique du marché.
Un quatrième aspect de l'inconstitutionnalité de la loi est représenté d'autre part par le contraste entre le mécanisme punitif préparé par l'art. 13 et les principes de stricte légalité des peines et de sujétion des juges à la loi établis par les art. 25 et 101 de la Constitution. La prévision de la peine draconienne "de 8 à 20 ans" pour celui qui trafique et à la fois pour celui qui détient de la drogue en quantité supérieure à la dose journalière est en effet accompagnée du pouvoir du juge de réduire la peine à un an "pour toute circonstance inhérente à la personne du coupable": autrement dit à sa pleine discrétion. Est prévue en outre la diminution de la peine de deux autres tiers pour celui qui confesse et collabore avec l'accusation. Cela signifie que la peine pourra osciller de fait entre 4 mois (susceptibles évidemment de suspension conditionnelle) et 20 ans, selon le schéma pré-moderne des peines arbitraires; et que la juridiction en matière de drogue deviendras le lieu de la discrétionnalité l
a plus totale et des abus les plus incontrôlés.
En dernier lieu la stricte légalité et la sujétion des juges à la loi apparaissent vidés par l'incertitude totale de la frontière qui sépare l'acte administratif illégal et le délit (peine de 8 à 20 ans). Cette frontière incertaine est en effet tracée, dans l'art. 14 par l'élément de la "dose moyenne journalière". Que signifie "dose moyenne journalière"? Qui en déterminera la mesure? Il est clair que si ce pouvoir pouvait être délégué à des circulaires ou à des directives administratives, un élément de crime, au lieu d'être attribué à la loi, le serait à l'administration publique, avec une violation conséquente du principe de légalité pénale. Et ensuite: cette mesure est-elle déterminable, encore avant d'être déterminée? N'est-il sans doute pas vrai qu'elle varie selon les sujets et les circonstances? Et comment se fait-il que la condamnation d'un citoyen à une peine qui peut atteindre 20 ans dépende d'un dosage aussi incertain, aussi discutable et toujours trompeur?
5.2. Une loi illibérale et autoritaire
Notre opposition a sa première racine dans le fondement théorique de la loi qui est aux antipodes de la pensée et de la doctrine libérale. Elle contredit l'esprit-même de la Constitution, bouleversant des principes élémentaires de civilité juridique: le principe libéral de la non-punissabilité des actes contre soi-même, chacun étant naître de son propre corps; celui de la dignité de la personne et de son immunité d'interventions et de traitements sanitaires de type plus ou moins coercitif; enfin, la source même de légitimation de l'intervention pénale de l'Etat, qui ne se justifie que si elle est susceptible de prévenir des violences et des souffrances plus grandes que celles qui se produisent en son absence.
L'innovation la plus importante pour les proposants et la plus grave pour nous est celle qui se rapporte à la punissabilité de l'usage personnel qui provient directement de l'énoncé de l'art. 12: »L'usage personnel de substances stupéfiantes ou psychotropes est interdit .
Pour nous la référence théorique encore valable reste la tradition libérale qui avec John Stuart Mill s'opposait déjà à l'interdiction de l'alcool et de l'opium parce qu'elle considérait que les citoyens ne devaient pas être traités comme des enfants et comme des sauvages incapables de discerner. Les lois prohibitionnistes étaient considérés comme un indice du droit paternaliste.
Selon l'auteur du fameux essai "Sur la liberté" »le seul but pour lequel la force peut être exercée rationnellement sur un membre d'une société civilisée, contre sa volonté, est de l'empêcher de faire du mal aux autres. Sur lui-même, sur son propre corps et son esprit, l'individu est naître... Chacun est le seul gardien de sa propre santé morale, physique et intellectuelle... .
Sur l'aspect autoritaire de la loi, nous citons ici intégralement ce qu'a observé le prof. Luigi Ferrajoli dans une intervention récente au congrès "Drogue et peines" sur 'Toxicomanies, punition et fondements du droit pénal':
»La punition de l'usage personnel de drogues porte atteinte à un postulat fondamental de la tradition juridique libérale: la non-punissabilité des actes contre soi-même. Ce principe, affirmé par toute la culture juridique illuministe en polémique avec la tradition théologique du droit pénal pré-moderne, forme un corollaire de la séparation entre droit moral, en vertu de laquelle la fonction du droit pénal est uniquement celle de prévenir des comportements nuisibles aux tiers. Que l'on se souvienne des batailles de Montesquieu, de Voltaire, de Beccaria, de Bentham et ensuite de John Stuart Mill contre la punition des actes internes, de la tentative de suicide, de l'homosexualité, de l'adultère et autres actes semblables. Ce fut de cette sécularisation du droit pénal qu'eurent origine la plupart des éléments structurels de l'état de droit moderne: la liberté des actes qui ne portent pas atteinte à tiers, l'autonomie des personnes, la tolérance juridique des diversités, les limites infranchissables des pro
hibitions et des peines et leur fonction exclusive de défense des citoyens contre les violences d'autrui.
Mais le projet de loi gouvernemental contre la drogue ne punit pas uniquement une activité qui n'est pas nuisible pour autrui comme le consommation de drogues. En punissant la consommation, elle aboutit inévitablement à la punition de la toxicomanie en tant que telle: et autrement dit d'une condition personnelle tragique et malheureuse de dépendance et de souffrance qui la plupart du temps, dans les cas extrêmes, ne dépend pas de la volonté de la personne. Je ne m'attarde pas sur le fait qu'une telle criminalisation de figures sociales marginalisées, nécessitant une assistance et certainement pas une punition, marque un réflexe d'ordre de type autoritaire et, dans la meilleure des hypothèses, l'illusion répressive jamais éteinte qui confie aux peines la solution de problèmes sociaux et existentiels dramatiques. Ce qui est grave c'est précisément la punition d'une telle condition personnelle, qui contredit un autre principe classique de l'état de droit: celui selon lequel on peut être puni uniquement pou
r ce que l'on fait et non pour ce que l'on est, pour la façon dont on agit et non pour sa propre identité.
Il y a ensuite un troisième profil important sous lequel cette loi contredit le paradigme libéral du droit pénal. Ce qui légitime l'intervention pénale c'est sa capacité de prévenir des violences et des souffrances plus grandes que celles qui se produisent en son absence. Eh bien: on peut prévoir qu'une loi comme celle qui est en discussion ne réussirait pas à prévenir et donc à réduire de manière significative l'usage personnel des drogues et le phénomène conséquent de la toxicomanie, mais seulement à augmenter les formes clandestines et donc la charge de souffrances qui y sont liées. Sous cet aspect, il existe une analogie entre la punition des toxicomanies et celle de l'avortement. Ce qui était le plus honteux et immoral dans la punition de l'avortement c'était le fait que, quoi que l'on pensât sur le caractère moral licite ou illicite des avortements, ça ne servait aucunement à les prévenir et à en diminuer la quantité, mais uniquement à les pousser à la clandestinité et à en empêcher la réalisation
avec l'assistance sanitaire nécessaire. Preuve en est le fait qu'après la loi sur l'avortement, les avortements n'ont pas augmenté mais au cas où diminué, et qu'ils semblent encore en diminution constante.
Cela signifie que le droit pénal est totalement impuissant et qu'il n'est pas pertinent pour affronter des phénomènes engendrés par des facteurs puissants concernant l'assistance ou le social comme l'avortement, la toxicomanie, l'adultère, le concubinage, etc; et que par conséquent le recours aux peines, manquant d'efficacité de dissuasion, a dans ces cas la seule fonction symbolique de sanctionner un principe moral. Une fonction qui contredit précisément la laïcisation moderne du droit pénal et contre laquelle se bat depuis trois siècles la culture libérale et garantiste.
Ce qui nous vient à l'esprit ce sont les grands débats du dix-septième et du dix-huitième siècle qui opposèrent Jeremy Bentham et sir Edward Blackstone, John Stuart Mill au juge victorien James Fitzjames Stephen et, encore dans ce siècle, Herbert Hart à Lord Denning, à propos de la punition de la tentative de suicide, de l'homosexualité, de l'ivresse, de la prostitution et de l'avortement. A la culture libérale qui, au nom de la séparation entre le droit et la morale, revendiquait la non-punissabilité de ces actes car ne portant pas atteinte à autrui et surtout ne pouvant pas être évités par des peines, le moralisme réactionnaire opposait la fonction "déclamatoire" et propagandiste du droit pénal comme instrument d'affirmation juridique de la morale. La même thèse, je le rappelle, fut soutenue par la Conférence épiscopale italienne (CEI) à l'occasion de la bataille en Italie pour la légalisation de l'avortement: contre l'argument de l'incapacité totale de la loi de prévenir ou même uniquement de réduire
le nombre d'avortements, le document de la Conférence épiscopale italienne du 18 novembre 1974 proclama que ce qui compte, au-delà des effets pratiques, c'est la consécration juridique du principe moral qu'est l'avortement, qui est un péché et également un crime.
Eh bien: cette thèse, battue au dix-huitième siècle et ensuite au siècle dernier, a toujours représenté le discriminant entre les doctrines pénales laïques et les cultures autoritaires et éthiques-étatistes: les premières formées à une conception utilitaristes du droit pénal comme instrument de défense des personnes contre les offenses d'autrui, les secondes à une conception moraliste comme facteur de promotion de la morale en dépit des effets nuisibles qu'il produit. Il me semble que cette seconde conception correspond exactement à la caractérisation du "fanatisme" fournie par Richard Hare in Freedom and Reason. Le "fanatique", écrit Hare, est précisément celui qui laisse que son propre idéal moral "piétine impitoyablement les intérêts d'autrui", même de ceux qui ne partagent pas cet idéal; autrement dit ceux qui défendent et mettent en acte leurs propres principes moraux sans les proportionner, et en restant même indifférent aux dégâts même désastreux produits par leur mise à effet "pour les intérêts
les plus cruciaux d'un très grand nombre de personnes".
Ce n'est pas par hasard, du reste, que le front qui soutient la loi est le même qui contrasta à l'époque ou qui tend aujourd'hui à remettre en discussion la loi sur l'avortement. De même que ceux qui étaient contre l'avortement préféraient l'affirmation juridique du principe moral à l'inefficacité de sa punition mais aussi au terrible fléau de l'avortement clandestin de masse, ainsi les défenseurs de la loi qui pénalise la consommation de drogues poursuivent surtout l'affirmation de principe de l'illégalité des toxicomanies, ignorant le manque d'effets dissuasifs et les effets importants qui s'ensuivront de passage à la clandestinité et d'ultérieure marginalisation des toxicomanes, qui seront dans l'impossibilité d'avoir recours aux soins, à l'assistance publique et à la solidarité sociale .
5.3. Une loi impraticable
Prenant en considération les mécanismes opérationnels de la proposition en examinant concrètement son fonctionnement au cas où elle deviendrait une loi et qu'elle serait appliquée, une série d'aspects apparaissent qui non seulement sont erronés et confus mais aussi décidément impraticables.
Il est avant tout nécessaire d'avoir une idée des sujets auxquels les normes pénales ou même les normes administratives prévues devraient être appliquées. On estime qu'il y a en Italie environ 300.000 toxicomanes d'héroïne et d'opiacés, auxquels il faut ajouter les consommateurs de cocaïne et les consommateurs non-toxicomanes et non habituels des diverses substances "dures". Il faut ensuite prendre en considération les consommateurs (habituels ou épisodiques) des dérivés du chanvre indien et du haschich qui, selon des estimations approximatives, ne sont pas moins d'un million. Par conséquent, avec la punissabilité également de l'usage personnel, épisodique ou habituel qu'il soit, les sujets auxquels s'adresse le système répressif arrivent à un ordre de grandeur supérieur au million. C'est à un tel nombre d'individus potentiellement à punir que devrait faire face le système judiciaire, le système des prisons, le système administratif (Préfet) et le système socio-sanitaire.
En ce qui concerne le système judiciaire, le poids des procès pour drogue qui est déjà fort lourd (environ 40% du total) deviendrait absolument insupportable au moment où l'on passerait à l'application de la loi à l'encontre de tous ceux auxquels elle s'adresse, compte tenu de la caractéristique constitutionnelle de notre pays où l'action pénale est obligatoire. L'impraticabilité sous ce profil vient donc de la quantité des procès à activer mais aussi, sous d'autres aspects, de la nature des questions dont le juge est appelé à s'occuper à cause de l'enchevêtrement pervers entre les problèmes pénaux et le parcours thérapeutique que les nouvelles normes indiquent.
En effet, la loi attribue aussi au juge un rôle de "prêtre de la moralité" sur la base duquel il doit décider de la valeur du traitement que le toxicomane doit suivre plus que sur la peine à infliger: la procédure qu'il doit entamer doit en effet servir à menacer le toxicomane en le poussant à entreprendre un programme thérapeutique plutôt qu'à juger un crime spécifique.
Même les sanctions administratives alternatives à la prison sont caractérisées par leur impraticabilité concrète. Ce qui a été escogité pour donner suite à la déclaration d'illégalité de l'art. 12 est un mécanisme complexe et confus de trois sanctions administratives successives (qui sont constituées par la suspension du permis du conduire, du passeport, du permis d'armes ou par l'interdiction de s'éloigner de la commune de domiciliation) confiées au préfet et suivies, à partir de la quatrième fois qu'une personne soit trouvée avec une petite quantité de drogue, par les mêmes sanctions plus l'obligation d'aller signer au commissariat de Police ou des Carabiniers: une norme qui devient une sanction pénale parce qu'elle est infligée par le juge.
Ce système qui révèle tout l'effort vain pour concilier deux concepts inconciliables, autrement dit l'"illégalité-punissabilité" avec la non-punition et la non-prison, présente en réalité des aspects ridicules. En effet, comment peut-on imaginer que les 100 préfets d'Italie s'occupent du million de sujets à admonester? Mis à part les problèmes de garanties dans lesquels nous n'entrons pas ici, comment peut-on gouverner une telle machine monstrueuse si ce n'est par la création d'une bureaucratie colossale (avec des archives, des fichiers) qui ne peut que produire des effets opposés à ceux qui sont prévus?
Il est hors de toute logique de penser que ces sanctions administratives - en admettant qu'elles puissent être gérées - aient la force d'induire une personne qui consomme de la drogue à renoncer à l'utiliser. En essayant de résoudre le problème insoluble, dans cette partie de la loi la tentative apparait d'éviter la prison à une figure abstraite de consommateur pur, avec l'illusion de l'induire, à coups de sanctions administratives ridicules, à se faire soigner avec la conséquence que les préfectures et les tribunaux eux aussi ne pourront y faire face.
La fonction du système socio-sanitaire, destiné à la réhabilitation et aux soins des toxicomanes, aussi bien dans ses aspects publics que privés (communauté) se heurtera à un bouleversement complet. La loi prévoit fondamentalement pour le service public et pour les communautés des fonctions qui concernent aussi (ou surtout) le contrôle social à effectuer en étroite collaboration avec les autorités de contrôle disciplinaire: ces services finiront par devenir de la sorte principalement interlocuteurs de ces agences répressives plutôt que de leurs utilisateurs.
Ce bouleversement naît d'une série d'articles dans lesquels se mêlent les aspects pénaux et socio-sanitaires.
Dans l'art. 96 "le service public a l'obligation d'appeler la personne signalée pour la définition d'un programme thérapeutique" en cas de signalement venant de l'autorité judiciaire ou du préfet; dans l'art. 97 "le service pour les toxicomanies contrôle la réalisation du programme de la part du toxicomane" pour le sujet soumis à un programme de réhabilitation; dans l'art. 97 bis "un rapport périodique est envoyé par l'Unité Locale de Santé compétente par territoire aux autorités compétentes" en cas de sujets qui bénéficient de la suspension d'une procédure pénale ou de l'exécution de la peine. Le service sanitaire est intéressé par l'hypothèse de punissabilité du consommateur et il doit avoir un rapport avec la préfecture (art. 72), avec le juge (art. 72 bis), avec le juge de surveillance (art. 82 bis); il est appelé à des fonctions de contrôle et de vérification de l'adhésion au programme thérapeutique de la part du sujet avec un rapport périodique (art. 97 bis); et il doit aussi signaler à l'autorité judi
ciaire ou au préfet lorsqu'il vient à connaissance de personnes qui font usage de stupéfiants ou de substances psychotropes (art. 96).
En ce qui concerne notamment la transformation du rôle des communautés, il suffit de citer ce qu'a observé don Angelo Cupini du CNCA: »Avec la nouvelle loi les communautés risquent de s'homologuer à la prison, de devenir le bras faible de la loi. Cela marquerait la fin de notre expérience qui s'exprime avant tout dans la capacité d'être un terrain libre, où l'on formule une proposition, qui naît de la collaboration avec le toxicomane et qui doit aussi pouvoir être modifiée et reformulée à plusieurs reprises .
Le système des prisons lui aussi n'est pas à l'abri des conséquences désastreuses de la loi. Actuellement nos prisons sont équipées pour tout au plus 35.000/40.000 places qui sont déjà surchargées à plus de 60% par des détenus pour des questions de drogue. Avec l'augmentation exponentielle des condamnés - quelle que soit l'efficacité des sanctions administratives - c'est le système des prisons tout entier qui saute (des dizaines ou des centaines de milliers de prisonniers pour drogue en plus?) non seulement pour la quantité des nouveaux hôtes potentiels mais aussi pour toutes les questions qui se posent avec les détenus toxicomanes et avec, parmi eux, tant de séropositifs et de malades du SIDA. Avec l'approbation de la loi est ainsi remise totalement en discussion la réforme des prisons avec les milliers et les milliers de toxicomanes qui iront engorger définitivement les prisons italiennes déjà surpeuplées en imposant une longue série d'amnisties et d'autres mesures plus radicales.
5.4 Une loi dangereuse et illusoirement répressive
On a beaucoup insisté et fait de la propagande sur l'aggravation des peines contenues dans la proposition de loi en diffusant et soulignant son caractère dissuasif. Donnons encore une fois la parole à Luigi Ferraioli pour comprendre ce que signifie en réalité cette exagération répressive.
»Un des aspects les plus inquiétants de cette loi est l'incroyable peine minimale de 8 ans de prison prévue pour la détention de drogue en quantité supérieure à la dose quotidienne, sauf la possibilité du juge de la réduire à un an "pour toute circonstance inhérente à la personne du coupable" et de deux autres tiers pour celui qui confesse ou collabore avec l'accusation. Cela signifie que la peine pourra de fait osciller entre 4 mois (susceptibles évidemment de suspension conditionnelle) et 20 ans, selon le schéma pré-moderne des peines arbitraires.
L'effet principal d'une telle norme sera d'autre part que le toxicomane, pour ne pas encourir un crime plus grave, devra se procurer la drogue quotidiennement. Avec un pouvoir de chantage renforcé de la part des trafiquants et une augmentation de la petite délinquance des vols et des vols à la tire. Et à la dépendance de la drogue s'ajoutera la dépendance quotidienne vis-à-vis de la grande délinquance du trafic et de la petite délinquance de subsistance. La norme agira en somme comme un facteur criminogène et comme un multiplicateur de violence: non plus le contact de temps à autre avec le trafiquant mais le contact quotidien, précédé de vols, de petits vols et de prostitution tout aussi quotidiens.
La chose la plus absurde est toutefois une autre: c'est que la peine prévue pour la détention de drogue en quantité supérieure à la dose quotidienne est la Même qui est prévue pour sa vente. Une telle aberration, présente également dans la loi en vigueur qui punit la détention de quantités supérieures "à la quantité modique", s'explique avec la présomption que cette détention soit en réalité destinée au trafic. La structure du crime est celle du crime de soupçon: dans le soupçon que la drogue détenue en excès, c'est-à-dire non en quantité modique ou en quantité supérieure à celle de l'usage quotidien, soit destinée au trafic, on la punit comme le trafic Même s'il n'en existe pas la preuve. Autrement dit, pour éluder le fardeau de la preuve que le trafic a eu lieu et pour simplifier le travail judiciaire, on a construit une figure de crime qui rend automatique la répression en assimilant la détention au trafic.
Le résultat de cette opération n'est pas seulement une évidente injustice, du moins pour ceux qui considèrent que le trafic de drogue est incomparablement plus grave que son utilisation et que la différence entre les deux choses est la Même qui existe entre les pourvoyeurs de mort et leurs victimes, mais également une solidarité pénible entre toxicomanes et trafiquants qui ira évidemment aux dépends des premiers et à l'avantage de ces derniers. Du reste, la figure du toxicomane qui détient pour usage personnel une dose journalière est une figure idéale, vu que les doses continueront de fait à être distribuées (et détenues) dans les quantités requises par la logique du marché.
Tout cela, on l'a dit, vaut en partie également pour la loi 685 de 1975 encore en vigueur. Aujourd'hui aussi la punissabilité de l'usage de stupéfiants n'est que de principe, étant contredite par la punition de fait des détenteurs de quantités "non-modiques" de drogue. Et la loi actuelle - en punissant comme crime de soupçon la détention de quantités "non-modiques" de drogue avec des peines très sévères (de 4 à 15 ans) Même si inférieures à celles qui sont prévues par la loi en discussion - se résout de fait par la pénalisation de la toxicomanie en tant que telle. Même si la loi actuelle contredit le paradigme libéral classique du droit pénal sous plusieurs profils: celui du caractère péremptoire et du caractère offensif et celui du fardeau de la preuve éludé par les crimes de soupçon. Que signifie en effet quantité "non-modique"? Les interprétations judiciaires sont les plus diverses, vu que cette expression n'a pas un caractère descriptif mais d'évaluation et qu'il remet donc à la décision du juge l'intégr
ation des tenants et aboutissants pénaux. Et pourquoi donc punir la simple détention, là où manque la preuve du trafic, et la punir de plus avec la Même peine prévue pour cet autre crime plus grave?
5.5 Une loi injuste et à effet contraire
Le système des lois prévues et des mécanismes créés auront un effet contraire à celui que l'on voulait. Le message global de la loi, et qui en représente l'aspect le plus emphatique, est de décourager l'utilisation des drogues par des menaces, des avertissements, des constrictions psychologiques et, en définitive, en faisant levier sur la peur de la répression.
Les diverses institutions qui devraient s'occuper du toxicomane et du consommateur, habituel ou pas, de substances psychoactives qui créent ou non accoutumance, sont toutes bouleversées dans leurs rôles et leurs fonctions. On demande au juge de faire le thérapeute, aux communautés et aux services publics socio-sanitaires d'exercer des fonctions de contrôle social et disciplinaire, au préfet de servir on ne sait pas bien si de prêcheur ou de maître policier.
En somme, toutes les conditions sont réunies pour que cette confiance que parfois le toxicomane, très souvent marginal et labile, accorde à une figure institutionnelle déterminée, soit justement interrompue par le bouleversement des rôles que la loi détermine.
Le point théorique et concret de plus grande confusion de la loi est de vouloir résoudre les questions socio-sanitaires très délicates avec l'instrument pénal et de vouloir fournir une réponse aux crimes qu'elle envisage au moyen d'un parcours thérapeutique. Toute stratégie législative et opérationnelle pour l'univers drogue doit partir de l'assertion que la question criminelle doit être gardée nettement distincte de la question socio-sanitaire.
La proposition de l'instrument constrictif aux soins en alternative à la sanction pénale ou administrative manque de tout fondement. Actuellement dans la loi 685, les art. 99 et 100 prévoyaient les mesures d'urgence du juge, du parquet et de toute façon une action coercitive, toutes des normes qui sont restées lettre morte. Ce qui est prévu maintenant par l'art. 72 sur l'alternative aux sanctions administratives, par l'art. 72 quinquies sur la suspension du procès pénal et donc sur la suspension de la peine de prison sont tous des mécanismes qui s'appuient sur une sorte de chantage psychologique à l'encontre du toxicomane: "ou tu te soignes ou tu vas en prison".
Mais aussi bien la doctrine que l'expérience des pays occidentaux pour ne pas avoir recours à l'avis des experts, convergent sur le fait que l'instrument de la constriction psychologique et donc les soins obligatoires ne produisent aucun effet. Presque de façon unanime, les psychiatres et les psychologues considèrent que le traitement coercitif ne sert à rien et qu'un élément indispensable de tout traitement est l'adhésion du toxicomane.
Du reste en France, cet institut était prévu avec la possibilité pour le toxicomane de bénéficier d'une option thérapeutique dans la phase d'exécution de la peine, et il a été récemment abandonné. Le choix d'hyper-criminaliser la consommation n'a pas tenu à l'épreuve des faits: après 7 ans, sans aucune modification législative, le Ministère de la Justice a invité par une circulaire les ministères publics à ne plus poursuivre la simple consommation, en laissant aux juges la décision de fixer la quantité destinée au besoin personnel.
En définitive, le système de sanctions prévues, les divers mécanismes où s'entremêlent les chantages psychologiques et le caractère discrétionnaire de l'action de la part des pouvoirs publics, aura l'effet d'éloigner le toxicomane des institutions en le reléguant en marge et en contact étroit avec la grande et la petite criminalité.
S'il est vrai que sur le versant des soins et de la re-socialisation de ceux qui sont atteints de toxicomanie et d'accoutumance à la drogue, la question cruciale est l'accrochage institutionnel, la loi ne pourra que produire un résultat à effet contraire dont les principales victimes seront justement les sujets les plus faibles et les plus marginaux auxquels la loi devrait pourtant s'adresser.
VI. NOS PROPOSITIONS DE MODIFICATION DE LA LOI
Nous considérons que le projet de loi en discussion soit difficilement modifiable dans son échafaudage normatif si l'on n'influe pas sur l'art. 12 (déclaration d'illégalité) et, conséquemment, sur tout le système des peines et des sanctions administratives. Naturellement, beaucoup d'amendements parmi ceux que présentent les députés radicaux et du groupe Fédéraliste Européen visent à modifier ce postulat qui bouleverse, comme nous l'avons déjà soutenu, toute règle du droit pénal et toute garantie individuelle.
Nous sommes donc obligés d'intervenir sur un texte profondément contradictoire dans lequel se perdent souvent ces principes constitutionnels qui devraient par contre être adoptés comme paramètre inéluctable. Nos propositions alternatives concernent essentiellement 4 points fondamentaux sur lesquels s'articulent nos principaux amendements outre que tous les autres amendements qui essayent d'améliorer le texte.
6.1 La dépénalisation de l'usage personnel.
Les poins essentiels de notre contreproposition sont: a) la dépénalisation de l'usage personnel des substances stupéfiantes; b) la libéralisation du cannabis et la différenciation conséquente du marché des drogues dites douces des drogues dites dures; c) la distribution contrôlée aux toxicomanes; d) l'inclusion dans les tableaux de l'alcool et du tabac; e) un système différent de sanctions pénales qui prévoit la plus grande rigueur pour les gros trafiquants.
Les amendements ont été formulés suivant deux lignes: une garantiste et une antiprohibitionniste. Celle antiprohibitionniste représente notre drapeau, conscients que pour le moment il n'y a pas une majorité au Parlement de cette orientation. Sur la ligne garantiste par contre, qui tend à atténuer l'aspect répressif inutile de la loi, nous souhaitons que se forme une coalition majoritaire visant à l'amélioration du texte gouvernemental.
Nous intervenons surtout sur les articles 13, 14 et 15 pour chercher ne fut-ce qu'un minimum de juste cohérence formelle; dans ce sens nous avons préparé des solutions à même d'éliminer toute sanction administrative ou du moins la contradiction pour laquelle un comportement représente d'abord une violation administrative et ensuite une violation pénale.
L'usage personnel est donc permis et les cadres où existe le petit et grand trafic sont sévèrement déterminés.
Du reste si les drogues dites douces ne peuvent pas être considérées dangereuses, ni pour soi ni pour les autres, la solution logique est celle de la libéralisation; si cela n'est pas possible il faut permettre en sous-ordre de détenir pour usage personnel ce que l'on doit considérer comme une quantité raisonnable de substances 'douces'. A ce propos deux paramètres qui proposent deux solutions différentes ont été adoptés: celui adopté avec succès par certains états des Etats-Unis, c'est-à-dire la faculté de posséder jusqu'à une once de haschich ou de marijuana, l'autre celui qui hier encore était proposé par le Parti socialiste, c'est-à-dire la faculté de détenir les mêmes substances jusqu'à un maximum de 10 grammes.
Pour les drogues dures la limite proposée est de 2 grammes pour l'héroïne et 3 grammes pour la cocaïne de sorte que si notre proposition était acceptée, elle résoudrait définitivement la vieille question jamais résolue de la quantité modique transformée aujourd'hui en question de la dose moyenne journalière.
En gardant toujours bien à l'esprit la nécessité de fixer les limites de la détention, les limites du petit trafic sont établies pour la détention jusqu'à 5 grammes pour l'héroïne, jusqu'à 10 grammes pour la cocaïne et jusqu'à 200 grammes pour les drogues dites douces. Le petit trafic qui, pour les drogues dures, est souvent étroitement lié à la nécessité de gagner le nécessaire pour se garantir la dose personnelle, doit être à notre avis puni avec une contravention: jusqu'à un an de prison et 9 millions d'amende pour les drogues dures, jusqu'à deux mois de prison et un million d'amende pour les drogues douces. Au dessus de ces quantités il y a le grand trafic qui est combattu avec un régime de peines très sévères.
Un amendement spécifique établit que la distinction en classes différentes (libre détention, petit et grand trafic) doit être faite pour toutes les substances des tableaux joints à la loi 685. Nous nous proposons d'ailleurs de reformuler les mêmes tableaux selon une conception non pas de la dangerosité mais de la dépendance et de l'accoutumance des diverses substances. Et c'est justement à ce point de vue que nous avons proposé d'introduire l'alcool et le tabac parmi les substances psychotropes.
D'autres amendements tentent de poser des limites de contrôle sur l'activité des organes de police et visent donc à abroger ces 'concessions' qui permettraient un emploi trop discrétionnaire des pouvoirs qui dérivent de l'autorité d'office. On intervient également dans le domaine de la prévention en essayant de réduire l'excès de bureaucratie qui imprègne chaque article et en établissant exactement les critères nécessaires avec lesquels les communautés socio-thérapeutiques seront conventionnées. On essaye autrement dit d'éviter le développement de l'industrie des communautés, c'est-à-dire de spéculations faciles qui, sur la vague d'une forte demande, peuvent facilement se développer.
D'autres interventions visent à garantir certaines catégories professionnelles qui voient dénaturé leur rôle professionnel et leur code déontologique. Notamment les médecins, qui se trouvent dans la situation paradoxale de devoir exercer un rôle d'enquête et signalement en interrompant ainsi le rapport de confiance nécessaire qui doit exister entre le médecin et le patient.
Une attention particulière a enfin été prêtée aux problèmes émergents, tels que le SIDA, ou à des groupes particuliers de sujets intéressés tels que les prisonniers.
Malgré nos efforts, il y a de toute façon dans la loi des aspects comme la concentration d'autorité et de pouvoir entre les mains du Ministre de l'Intérieur qui faussent la vision du problème drogue. Nos amendements, s'ils étaient approuvés, permettraient moins de dégâts même s'ils ne peuvent fournir une formulation différente adaptée au problème de la drogue.
6.2 La dose moyenne journalière comme la quantité modique?
Dans le projet de loi, le principe de "quantités modiques" est remplacé par celui de "dose moyenne journalière" (art. 72); celle-ci devra être déterminée 'par un décret du Ministre de la Santé avec l'avis préalable de l'Institut Supérieur de la Santé' (art. 72 sexies) qui devra être émané quatre mois après l'entrée en vigueur de la loi. Il est difficile d'imaginer quels seront les critères que le Ministre suivra pour la détermination de la dose moyenne journalière: ne fut-ce que pour la condition individuelle fort différente de chaque toxicomane, les paramètres qui seront adoptés auront une valeur relative.
D'après les experts de l'Institut Mario Negri, qui représente certainement dans le domaine de la pharmacologie la source la plus autorisée, le principe de dose moyenne journalière représente "un artifice et il est par conséquent techniquement une fausseté si on l'utilise tout seul, sans qu'il soit associé de manière très spécifique à chaque substance chimique et, également, sans faire abstraction du problème en particulier pour lequel la substance est donnée (...) il n'y a ni la catégorie pharmaceutique, ni pharmacologique de la drogue, car la famille de substances qui sont utilisées est fondamentalement indéfinissable en ce qui concerne la biodisponibilité, le métabolisme, le rapport spécifique dose-réponse". Des perplexités ultérieures et significatives ont également été soulevées par des experts de l'Institut Supérieur de la Santé qui seront appelés à aider le Ministre à identifier la dose moyenne journalière: "il est inacceptable d'utiliser pour la toxicomanie la définition de dose moyenne journaliè
re, qui dans la pharmacopée concerne des doses minimes de substances et qui s'applique uniquement dans des situations thérapeutiques (...). Le jugement sur l'hypothèse gouvernementale a été unanime, et on a souligné ses limites technico-scientifiques dont on n'a absolument pas tenu compte dans la rédaction définitive de la loi".
La dose moyenne journalière risque donc de devenir, comme déjà dans le passé le principe de quantité modique, un terrain incompréhensible où les hypothèses les plus diverses pourront avoir une légitimité. Il est opportun de rappeler que l'un des concepts les plus contestés de la loi 685 fut justement celui de la quantité modique qui a suscité ensuite tant de conflits durant son application.
Même la Cour Constitutionnelle n'a pas réussi à résoudre la question, si bien qu'elle a indiqué dans le Parlement l'organe qui aurait dû déterminer le contenu exact de l'expression "quantité modique", celle-ci étant absolument discrétionnaire (sentence n. 136 du 16/04/1987).
Quelle que soit la décision que le Ministre prendra à propos de la dose moyenne journalière, les recours plus que légitimes à la Cour Constitutionnelle ne pourront qu'obtenir des réponses analogues. C'est pour cela aussi qu'il nous a semblé plus croyable sur le plan scientifique et plus garantiste sur le plan juridique de répondre par des amendements qui quantifient exactement les substances qu'il est permis de détenir.
6.3 Pourquoi la légalisation du chanvre indien
Notre proposition de légalisation du chanvre indien n'est pas le fruit d'une vision culturelle et elle ne répond même pas à un préjugé positif. C'est le résultat d'observations scientifiques désormais consolidées. En effet, sur l'usage du cannabis, beaucoup de pays et d'organismes scientifiques ont créé des commissions spéciales d'enquête interdisciplinaires qui ont affronté le problème de chaque point de vue: médical, pharmacologique, psychologique, social, juridique. De ces initiatives est née une série de rapports du contenu desquels ressortent les considérations suivantes:
a) il n'existe aucun rapport de hasard entre usage de cannabis et comportements criminels; b) il n'existe aucun rapport de hasard entre usage de cannabis et maladies mentales; c) il n'existe aucun rapport de hasard entre usage de cannabis et usage de drogues plus dangereuses; d) il n'existe pas une dépendance physique de cannabis; la dépendance psychique est inférieure à celle qui est provoquée par des substances légales (alcool, tabac); il n'existe pas une toxicomanie de cannabis; e) la toxicité aiguë de cannabis est extrêmement basse; la littérature scientifique n'a signalé jusqu'à présent aucun cas certain d'intoxication aiguë et mortelle; f) la toxicité chronique de cannabis est basse; des recherches effectuées sur l'usage intense et prolongé n'ont pas trouvé chez les consommateurs une incidence significative d'effets pathologiques; g) globalement, les effets toxiques du cannabis sont nettement inférieurs à ceux de l'alcool et du tabac.
Cette dernière constatation peut être clairement déduite d'une série de données récapitulatives sur les conséquences de l'abus d'alcool et de tabac, comme:
a) L'usage d'alcool est directement responsable de comportements agressifs; selon des données gouvernementales USA la moitié des homicides et un quart des suicides dérivent de l'usage d'alcool; b) l'intoxication chronique d'alcool provoque entre autre de graves maladies mentales; c) l'alcool engendre une dépendance physique, une toxicomanie, un syndrome d'abstinence (délirium tremens); le tabac aussi, selon certaines études plus récentes, engendre une véritable dépendance physique; la dépendance psychique de tabac est, parmi toutes les substances, la plus forte que l'on connaisse; d) la toxicité aiguë de l'alcool est très élevée (324 morts par overdose en Italie rien qu'en 1970); e) la toxicité chronique de l'alcool se concrétise en une longue série de troubles, dont les plus graves sont l'atrophie cérébrale et la cirrhose du foie; l'usage chronique de tabac provoque surtout l'infarctus, l'emphysème et le cancer du poumon, avec une incidence impressionnante de mortalité: selon les autorités sanitaires c
anadiennes »l'usage de cigarettes est une des causes prévisibles les plus importantes de maladie, d'invalidité et de mort .
Ne pouvant pas invoquer les résultats scientifiques sur les effets du cannabis qui sont d'autant plus incontestables qu'ils viennent de l'accumulation de recherches, d'études et de rapports désormais consolidés dans le temps, les opposants de la légalisation argumentent en ayant recours aux accords internationaux auxquels l'Italie serait soumise. Notre pays, selon les défenseurs du statu quo - a souscrit la "Convention Unique de l'ONU sur les stupéfiants" qui ne permettrait aucune forme de légalisation du cannabis, sous peine d'une sortie de notre part de l'ONU, de la Convention et l'écroulement conséquent du système mondial de contrôle sur le trafic de stupéfiants.
Une telle objection est alléguée comme prétexte du moment qu'il existe beaucoup de voies praticables pour l'abolition du contrôle légale dans le cadre de la Convention. En premier lieu le cannabis peut être effacé de la Convention suite à un amendement proposé par n'importe quel pays adhérent à la Convention elle-même et mis en discussion par une conférence spéciale convoquée ad hoc par le Conseil social et économique (ECOSOC) de l'ONU. Deuxièmement, chaque pays peut se retirer de la Convention avec un préavis de six mois sans compromettre ni son appartenance à l'ONU ni l'efficacité des contrôles internationaux. En effet, la normative de contrôle sur le trafic international de stupéfiants est en vigueur dans tous les pays de l'ONU indépendamment de leur adhésion à la Convention. Troisièmement, la Convention de Vienne de 1969 a introduit la procédure de "dénonciation sélective" par laquelle chaque pays adhérent peut refuser unilatéralement une partie de la Convention sur la base d'"erreurs de fait" relat
ives au contenu de la Convention elle-même.
VII. PAR CALCUL POLITIQUE ET PAR IMAGE ON RISQUE LE DESASTRE
Autour du projet de loi, connu comme Jervolino-Vassalli mais en réalité voulu fortement par le leader socialiste Craxi, un affrontement politique est en cours qui va au-delà du contenu de la proposition elle-même. Depuis plus d'un an une campagne a été lancée qui vise à accréditer certaines images qui ont peu à voir avec le contenu des normes à l'étude du Parlement et avec leurs effets possibles. On a d'abord fait croire qu'il fallait un tournant "fort" vis-à-vis d'une attitude permissive présumée et que ce tournant aurait pu contribuer décidément à arrêter la drogue. Puis on a essayé d'accréditer l'idée que celui qui est en faveur des lois veut combattre la drogue, alors que celui qui s'y oppose en favoriserait implicitement la diffusion ou serait même en collusion avec les trafiquants.
Cette opération mystifiante a continué dans le temps avec la complicité des moyens de communication de masse qui ont accompli un travail constant de désinformation ou qui, tout au plus, ont créé ce terrorisme psychologique qui ne sert à rien pour affronter convenablement, également en termes d'éducation et de prévention de masse, la "question drogue".
A l'image d'une loi au "poing dur" s'est ajoutée, essentiellement par l'initiative de la leadership du Parti socialiste, l'image du "décisionnisme" parlementaire contre des lenteurs et des inefficacités prétendues. Et c'est justement sur la base de ces conditions que dernièrement l'examen en siège référant s'est interrompu dans les Commissions Justice et Affaires sociales réunies, en soumettant à la discussion de la salle un texte rafistolé et qui n'est absolument pas instruit.
Cette série de comportements met en évidence comment l'affrontement sur la drogue de la part de ceux qui ont voulu cette loi ne concerne pas le fond de la loi lui-même, autrement dit le type de réponse culturelle, pénale, sociale et sanitaire à donner au problème dramatique de la drogue, mais plutôt l'image politique à affirmer afin d'en faire un élément de propagande.
C'est hélas la réalité sur laquelle s'est bloqué le pays et le Parlement pendant longtemps. C'est aussi la raison pour laquelle partout de la part des défenseurs de la loi, on évite constamment la confrontation sur le fond de la loi après que de plus en plus de spécialistes et d'intéressés en ont mis en évidence les nombreux aspects négatifs.
En ce qui nous concerne, également avec cette relation, nous accomplissons une dernière tentative de garder ouverte une discussion sur le fond avec l'énonciation explicite de nos positions radicales et des propositions relatives d'amendement. D'ailleurs, nous essayons depuis longtemps d'affronter avec cohérence et constance et avec un engagement total le drame de la drogue. Un drame non seulement pour les victimes qui en font usage mais aussi pour ceux qui, y étant étrangers, subissent les conséquences du prohibitionnisme et, surtout, pour la démocratie qui partout est de plus en plus mise en danger par le pouvoir du Narcotraffic.
COLLEGUES DEPUTES - Aux politiques, plus occupés à affirmer des images qu'à s'inquiéter des problèmes réels, nous voudrions dire enfin que l'approbation de cette loi risque d'être non seulement un désastre pour la société italienne et pour ses parties les plus faibles mais également pour ceux qui à tout pris ont voulu l'imposer sur la base d'un calcul erroné et de parti. Nous espérons qu'un changement d'avis soit possible pour éviter que toute l'opération soit un dramatique boomerang.
Massimo TEODORI,
Rapporteur de minorité.