Intervention de Marco Pannella au Parlement européenSOMMAIRE. En Italie, comme on le sait, dans les syndicats et les usines le doit de vote n'existe pas. Les directions syndicales sont, ainsi, éternelles et se cooptent. Mais à présent, quelque chose de semblable se passe avec le prof. Schwartzenberg, condamné de façon outrageuse par son ordre des médecins, fort d'une législation déléguée "d'une jurisprudence exceptionnelle". On rencontre la même autodéfense corporative dans l'ordre des journalistes, en Italie. Ces situations sont contraires aux droits de l'homme, parce qu'elles se réfèrent à des juridictions corporatives. Le prof. Schwartzemberg a posé le problème de l'"acharnement thérapeutique" contre ceux qui auraient au contraire le droit à une mort "digne de la condition humaine". Seule l'idéologie de notre société condamne un homme à une souffrance immonde, grâce au pouvoir absurde, athée, d'une science qui devient "science d'Etat". Les ordres professionnels de Vichy font mal à la France comme les ordres fascistes à l'Italie.
(DISCUSSIONS DU PARLEMENT EUROPEEN, 11 septembre 1990)
Pannella (NI). Monsieur le Président, Monsieur le Président du Conseil, je m'adresserai à vous, Monsieur le Président du Conseil, en français, puisque, dans notre langue, en italien, il n'est pas arrivé souvent au cours de cette décennie que nous nous tombions d'accord. Peut-être qu'en m'exprimant en français, trouverons-nous une base de réflexion et d'action commune.
Monsieur le Président, je crois que nous touchons, en cette occasion, un argument qui a été analysé sous presque tous ses aspects, et le presque est important. Je pourrais par exemple évoquer ici, et j'en profiterais, le droit des travailleurs et le droit des travailleurs face à leurs syndicats. En Italie, le Président du Conseil sait qu'on va voter bientôt peut-être jusque dans les casernes, mais on ne vote pas dans les usines et on ne vote pas dans les bureaux. Les directions syndicales se perpétuent, se cooptent, et le droit réel du citoyen travailleur de déterminer d'une façon démocratique la gestion de ses instruments historiques de présence dans la société, ne compte pas. Je voudrais quand même et surtout me concentrer sur une situation qui est celle du travail intellectuel des professions soi-disant libérales, et je dis soi-disant en pensant à ce qu'elles deviennent et non pas à ce qu'elles devraient être. J'ai patienté jusqu'à maintenant, en attendant que l'un ou l'autre collègue français, de gauche
si possible, ou de droite libérale, exprime son indignation et sa solidarité avec notre collègue le professeur Schwartzenberg qui, a été condamné d'une façon moyenâgeuse et violente à une sanction très grave et déshonorante par l'Ordre des médecins.
Chaque fois qu'un médecin, qu'un homme de science, qu'un homme de conscience, qu'un homme de coeur, pose des problèmes de déontologie véritable, donc de recherche, c'est la même chose. C'etait la même chose au moment de l'avortement, je crois, avec le professeur Minel. Voilà que les ordres professionnels interviennent et châtient, empêchent et, de plus en plus, cette loi de l'interna corporis, que nous retrouvons encore dans certains parlements, enlève toute liberté et tout droit réel aux professions libérales. C'est la même histoire avec l'ordre des journalistes chez nous et nous n'en disons mot. J'ai dit, au début, qu'il y avait cette sorte de tabou. Quand on parle des travailleurs, en réalité, on parle des syndicats qui devraient, sans attitude critique, toujours les représenter, même lorsque les syndicats ne vivent pas d'une façon démocratique. Mais, lorsque nous touchons au problème des médecins, lorsque nous avons et ma solidarité est grande, mon indignation est grande devant notre silence ici lors
que nous avons un collègue, un homme tel que le professeur Léo Schwartzenberg qui est touché dans son honneur, dans sa conscience et dénoncé comme quelqu'un qui manque à sa déontologie par l'ordre professionnel qui, fort d'une législation déléguée d'une jurisprudence exceptionnelle qui était la base même du fascisme, le fascisme insupportable aboutit à l'abolition des droits de tout homme et du devoir de tout homme et de l'égalité de tout homme face à la loi de tous pour avoir des juridictions corporatistes, des corporations, alors on touche à la conception de la vie et voilà que les points de vue les plus conservateurs, les points de vue les plus critiques, les points de vue les plus cruels, ceux qui défendaient l'avortement clandestin, ce fléau immonde, voilà que l'Ordre des médecins essaie d'enlever l'honneur et la capacité professionnelle aux hommes médecins qui, selon leur déontologie et leur courage, essaient de guérir un fléau social et de guérir aussi ses patients.
Mamtenant, Léo Schwartzenberg pose le problème immonde de cet acharnement thérapeutique barbare, qui est un acte de superber scientifique, contre ceux dont la nature, dont Dieu si vous préférez estime qu'ils doivent avoir accompli leur temps et avoir droit, après une vie, à une mort digne de la condition humaine. Nous voyons, condamner Schwartzenberg, notre collègue, qui est notre honneur à nous, l'honneur de notre Parlement, car il pose ce problème en âme et en conscience, alors que c'est seulement l'idéologie de la société qui empêche une mort telle que Dieu, telle que la nature la permettent et cloue à une souffrance immonde un être humain seulement par le pouvoir absurde et athée d'une science, qui devient science de l'Etat. Que devons-nous faire? N'est-il pas le moment de dire non à tous ceux-là? Eh bien, alors je pose ce problème à la Commission, au Conseil, au Parlement: les ordres professionnels de Vichy font mal à la France et au Paris d'aujourd'hui! Les ordres professionnels des journalistes, en It
alie, sont les chiens de garde d'un régime qui déforme et n'informe pas. Cela se passe également en Espagne, dans d'autres pays. Je crois que le problème des droits concerne même des travailleurs, des citoyens travailleurs, travailleurs manuels, travailleurs intellectuels. Les centaines d'excellentes pages de rapport que nous avons faites, Monsieur le Président, ne disent pratiquement pas un mot de cet aspect de la question, comme si le patron était toujours le patron d'antan, de l'époque de Dickens, et pas souvent aussi le cul de plomb, bureaucrate, assis sur les travailleurs, sur leurs droits et sur le droit.