Intervention de Adelaide Aglietta - rapporteur de la Commission C.E./Roumanie
19 février 1991.
Monsieur le Président, chers collègues, l'accord de coopération entre la Communauté européenne, la Communauté européenne de l'énergie atomique et la Roumanie sur lequel nous devons nous prononcer est le dernier des accords dits de première génération décidés par notre Communauté pour supporter les processus d'évolution démocratique dans les pays de l'ex bloc soviétique.
Le contenu de l'accord ne diffère en rien des accords qui l'ont précédé, mais il a revétu une valeur politique différente étant donné la spécificité de la Roumanie et les évènements qui en ont accompagné l'évolution. Ainsi les différentes évaluations sur l'évolution démocratique et politique de la Roumanie sont très certainement de nature politique. Des évaluations différentes qui se sont exprimées au travers d'un vote divisé au sein de la commission pour les relations extérieures, meme s'il fut de courte mesure favorable à l'accord de coopération. Comme rapporteur, bien qu'ayant été parmi ceux qui avait soutenu en juin le gel de l'accord de coopération, je m'arreterai sur les raisons qui, à mon avis, militent profondément en faveur d'un déblocage immédiat de cet accord.
L'histoire de la Roumanie c'est l'histoire d'un pays qui, en substance, n'a connu pas une dimension démocratique et qui, en particulier durant les vingt dernières années, a vécu sous un régime, celui de Ceaucescu - qui a trouvé tant d'appuis dans les pays membres de notre Communauté - qui a fait terre brulée de toute ressource, de toute potentialité économique, de toute activité d'entreprise, professionelle ou meme seulement humaine et qui a contraind à des conditions de misère absolue, de dégradation culturelle et sociale, de violence de tout type, de vie consommée dans la peur et dans la méfiance envers quiconque, l'entière population roumaine.
Je ne veux pas reprendre ici les faits qui ont amené au renversement de Ceaucescu et à l'évolution successive jusqu'aux élections de mai qui ont donné naissance au premier parlement de la République de Roumanie. Les faits survenus en juin et qui ont porté au gel de l'accord de coopération déjà conclu en mai, sont, je crois, tout aussi connus des collégues. Huit mois exactement sont passés depuis lors et il y a eu en Roumanie une évolution positive, certainement marquée aussi par la juste suspension de l'accord voulu par le Parlement européen et par la Commission européenne. Durant le mois de novembre, la délégation pour les rapports avec la Roumanie a effectué, sous ma présidence, une visite de travail très intense dans ce Pays. Au cours de celle-ci elle a pu vérifier la situation du Pays et en approfondir les problèmes avec toutes les forces présentes au Parlement et en particulier avec les partis d'opposition, avec les responsables des ministères-clé, avec les forces syndicales, avec les représentants des
étudiants et du groupe pour le dialogue social, outre qu'avec le Premier Ministre Roman et le Président de la République Iliescu.
Bien que des difficultés et des contradictions demeurent dans le déroulement effectif de la vie démocratique du Pays, comme cela a été souligné par les partis et les mouvements d'opposition, la délégation est convaincue que les institutions légitimes du Pays sont engagées à réaliser un ensemble de réformes politiques, institutionnelles, économiques et dans la structure de l'Etat qui vont certainement dans la direction de créer les prémisses et les conditions pour installer et faire croitre les institutions, la culture, les mentalités et la vie démocratique dans le Pays.
Quelques étapes: les principes de la Constitution déjà approuvés par le Parlement, desquels on déduit la volonté de la Roumanie de s'intégrer dans le filon des démocraties occidentales; la conclusion des travaux de la commission d'enquete sur les faits de la Place de l'Université du mois de juin, avec deux rapports, un de la majorité et un de la minorité qui cherchent à faire la lumière sur les responsabilités et sur le déroulement de ces évènements; la réforme des structures judiciaires dans la ligne de la division des pouvoirs et de l'autonomie du pouvoir judiciaire; les premières réformes économiques avec la privatisation de la terre et la réforme agraire, meme si celle-ci est encore partielle pour le moment; la loi pour la constitution des entreprises privées; la création d'un système bancaire et d'un système fiscal, inexistents jusqu'ici; la conscience et la volonté d'etre partie de l'Europe démocratique; tout cela représente autant de pas dans la bonne direction.
Les conclusions de la délégation ont été unanimes pour reconnaitre que la condition de profonde misère et difficulté, d'arriération technologique et d'absence de biens fondamentaux dans laquelle verse le Pays ainsi que la situation politique encore très fragile et instable requièrent de facon urgente de faire sortir la Roumanie de l'isolement dans lequel elle a été tenue jusqu'ici. Ne faisant pas cela nous nous assumerions la responsabilité non seulement de ne pas aider la population, accroissant la misère et l'émigration déjà considérable, mais aussi celle de maintenir des conditions favorables à d'éventuelles forces intéressées à destabiliser la situation.
C'est dans ce meme sens que la communauté internationale s'est mue. Le Conseil de l'Europe a accueilli la Roumanie avec un statut d'observateur spécial. Le groupe des 24 lui a donné accès au programme PHARE, la Banque Mondiale a exprimé une évaluation positive sur les premières mesures économiques prises. Je crois alors, Monsieur le Président, qu'en l'état actuel des choses, notre avis positif sur cet accord de coopération soit un pas du et nécessaire pour aider effectivement le cours démocratique de ce Pays