M. Gil-Robles présente son rapport, fait au nom de la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités, sur la demande de levée de l'immunité parlementaire de M. Taradash (A3-67/91).
M. le Président déclare clos le débat.
VOTE
Le Parlement adopte la décision.
DECISION A3-067/91
relative à la demande de levée de l'immunité parlementaire de M. TARADASH
Le Parlement européen,
- saisi d'une demande de levée de l'immunité parlementaire de M. Taradash, transmise par le ministre de la Justice de la République italienne, en date du 21 novembre 1990, et communiquée en séance le 14 décembre 1990,
- vu l'article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, du 8 avril 1965, ainsi que l'article 4 paragraphe 2 de l'Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, du 20 septembre 1976,
- vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 mai 1964 et du 10 juillet 1986 ,
- vu l'article 68 de la Constitution italienne,
- vu l'article 5 de son règlement,
- vu le rapport de la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités (A3-0067/91),
1. décide de ne pas lever l'immunité parlementaire de M. Taradash;
2. charge son Président de communiquer immédiatement la présente décision et le rapport de sa commission à l'autorité compétente de la République italienne.
RAPPORT
de la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités sur la demande de levée de l'immunité parlementaire de M. Marco TARADASH
Rapporteur : M. GIL-ROBLES
SOMMAIRE
A. PROPOSITION DE DECISION
B. EXPOSE DES MOTIFS
I. LES FAITS
II. IMMUNITES DES MEMBRES DU PARLEMENT EUROPEEN: TEXTES ET PRINCIPES
III. EXPOSE DES MOTIFS DE LA PROPOSITION DE DECISION
IV. CONCLUSION
ANNEXE I: Texte de la plainte déposée par M. Giurato
ANNEXE II: Texte de l'article auquel se réfère la plainte
ANNEXE III: Article 68 de la Constitution italienne
Au cours de la séance du 14 décembre 1990, le Président du Parlement européen a annoncé qu'il avait reçu une demande de levée de l'immunité parlementaire de M. Taradash, transmise par le ministre de la Justice de la République italienne, en date du 21 novembre 1990, sur requête du Procureur de la République près le Tribunal de Monza, et qu'il l'avait renvoyée à la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités, conformément à l'article 5 paragraphe 1 du règlement.
Au cours de sa réunion du 10 janvier 1991, la commission a nommé M. GIL-ROBLES, rapporteur.
Au cours de sa réunion des 5 et 6 février 1991, elle a examiné la demande et a tenu un échange de vues sur les raisons qui militent pour ou contre la levée de l'immunité parlementaire de M. Taradash, qui, cité conformément à l'article 5 paragraphe 1 du règlement, n'a pas comparu.
Au cours de sa réunion du 20 mars 1991, elle a examiné le projet de rapport et a adopté la proposition de décision à l'unanimité.
Ont participé au vote les députés Galle, président ; Harrison, vice-président ; Gil-Robles, rapporteur ; Bru Puron, Defraigne, Herman (suppléant M. Janssen van Raay), Lalor, Patterson (suppléant Sir Christopher Prout), Pierros, Stamoulis, Stewart (suppléant M. Hoon) et von Wechmar (suppléant Mme Salema).
Le rapport a été déposé le 22 mars 1991.
A. PROPOSITION DE DECISION
sur la demande de levée de l'immunité parlementaire de M. TARADASH
Le Parlement européen,
- saisi d'une demande de levée de l'immunité parlementaire de M. Taradash, transmise par le ministre de la Justice de la République italienne, en date du 21 novembre 1990, et communiqué le 14 décembre 1990,
- vu l'article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes, du 8 avril 1965, ainsi que l'article 4 paragraphe 2 de l'Acte portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, du 20 septembre 1976,
- vu les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 mai 1964 et du 10 juillet 1986 ,
- vu l'article 68 de la Constitution italienne,
- vu l'article 5 de son règlement,
- vu le rapport de la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités (A3-0067/91),
1. décide de ne pas lever l'immunité parlementaire de M. Taradash ;
2. charge son Président de communiquer immédiatement la présente décision et le rapport de sa commission à l'autorité compétente de la République italienne.
B. EXPOSE DES MOTIFS
I. LES FAITS
1. Le 26 février 1988, M. Luca Giurato, journaliste de profession, déposait une plainte contre M. Taradash, estimant que celui-ci, dans son article intitulé "RAI - LA STAGFLATION DU GR 1", publié en décembre 1987 dans le mensuel "Prisma", avait attenté à sa réputation. Le texte de la plainte est joint à l'annexe I.
2. Le texte intégral de l'article figure à l'annexe II. La plainte et le texte du Procureur - qui adresse la demande de levée - en mettent en évidence les parties suivantes :
- "... selon l'opinion qui prévaut parmis ses journalistes, Guirato a dilapidé en une année tout le crédit que lui avait accordé la rédaction au moment où il est arrivé de "LA STAMPA"...."
- "... le GR 1 a un ennemi, Guirato (juré) ...."
- ... les seules initiatives prises par le directeur sur le plan de l'organisation ont consisté à accorder toute une série de promotions ..."
- "... en raison de son inexpérience, après une période de trève, le spectre des coteries s'est réveillé ..."
3. Le Procureur a, comme l'exige la procédure, demandé l'autorisation d'engager des poursuites contre M. Taradash, présumé coupable du délit visé et sanctionné à l'article 595 du Code pénal et aux articles 13 et 21 de la loi 47/47.
II. IMMUNITE DES MEMBRES DU PARLEMENT EUROPEEN : TEXTES ET PRINCIPES
4. L'article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes annexé au traité instituant un Conseil unique et une Commission unique des Communautés européennes , qui reprend les dispositions de l'article 9 de chacun des protocoles annexés aux traités instituant la CECA, la CEE et la CEEA, est rédigé dans les termes suivants :
"Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient :
a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du Parlement de leur pays ;
b) sur le territoire de tout autre Etat membre, de l'exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire.
L'immunité les couvre également lorsqu'ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou en reviennent.
L'immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l'immunité d'un de ses membres".
5. Les faits dont est accusé M. Taradash, député européen de nationalité italienne, auraient été commis sur le territoire de la République italienne. En conséquence, M. Taradash bénéficie des immunités reconnues aux membres du Parlement italien conformément aux dispositions de l'article 68 de la Constitution italienne.
6. La procédure que suit le Parlement européen est régie par l'article 5 de son règlement .
7. Depuis l'élection au suffrage universel direct des membres du Parlement européen, celui-ci a cherché, en se fondant sur des principes de caractère général, à éviter que ses décisions sur les demandes de levée de l'immunité parlementaire de ses députés ne soient influencées par des considérations d'appartenance politique ou de nationalité.
8. Au cours de sa séance du 10 mars 1987, le Parlement européen a approuvé une résolution basée sur le rapport de M. Donnez sur un projet de protocole relatif à une révision du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965 concernant les membres du Parlement européen (doc. A2-121/86).
Lesdits principes de caractère général, applicables au cas qui nous occupe, sont les suivants :
A) Finalité de l'immunité parlementaire
L'immunité parlementaire n'est pas un privilège dont bénéfice l'un ou l'autre membre du Parlement, mais une garantie d'indépendance du Parlement et de ses membres vis-à-vis des autres pouvoirs. En vertu de ce principe, la date des faits incriminés n'a pas d'importance ; elle peut être antérieure ou postérieure à l'élection du parlementaire. Seule doit être prise en considération la protection de l'institution parlementaire à travers celle de ses membres.
B) Absence d'effet juridique de la renonciation à l'immunité
La commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités estime ne pas devoir, s'écarter du principe suivi jusqu'à présent par le Parlement européen, selon lequel la renonciation à l'immunité parlementaire par le député concerné est dépourvu d'effet juridique.
C) Limite de l'immunité dans le temps
A deux occasions, la Cour de justice a été appelée à interpréter les mots "pendant la durée des sessions du Parlement européen" contenus dans l'article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes.
Il ressort des deux arrêts de la Cour (Wagner/Fohrmann et Krier du 12 mai 1964, 101/63, Recueil 1964, p. 397, et Wybot/Faure du 10 juillet 1986, 149/85, Recueil 1986, p. 2403) que le Parlement européen tient une session annuelle pendant laquelle ses membres bénéficient de l'immunité prévue par ledit Protocole, y compris pendant les périodes d'interruption de la session.
En outre, c'est la finalité même de l'immunité parlementaire qui donne effet à celle-ci pendant toute la durée du mandat, qu'il s'agisse de l'introduction de poursuites judiciaires, d'actes d'instruction, de l'exécution de sentences déjà rendues ou de procédures en appel ou en cassation. L'immunité cesse à la fin du mandat du député.
D) Caractère autonome de l'immunité parlementaire européenne par rapport à
l'immunité parlementaire nationale
Le fait que l'article 10 paragraphe 1 lettre a) du Protocole renvoie aux immunités reconnues aux membres des parlements nationaux ne signifie pas que le Parlement européen ne puisse édicter des normes propres, qui en quelque sorte, fassent "jurisprudence". Il convient de ne pas confondre levée d'immunité parlementaire avec immunité parlementaire. La première est du ressort de chacun des parlements concernés ; la deuxième est identique pour les députés nationaux et européens. Ces normes, qui découlent de décisions déjà prises sur des cas de demandes de levée d'immunité, tendent à créer une notion d'immunité parlementaire européenne cohérente et, en général, indépendante de celle dont se réclament les procédures appliquées par les parlements nationaux. S'il en était autrement, on accentuerait entre les députés d'un même parlement les disparités dues à leur nationalité.
9. Au cours de sa réunion des 17 et 18 septembre 1990, la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités a approuvé une résolution dans laquelle le libre exercice du droit à l'expression d'idées et d'opinions politiques était exclu des motifs pouvant justifier une levée d'immunité. Les seules exceptions qui y étaient faites à l'exercice de ce droit fondamental concernaient les cas d'incitation à la haine, les cas de diffamation, d'outrage à l'honneur et à la réputation de groupes ou d'individus et d'attaques contre les droits fondamentaux de l'homme.
III. EXPOSE DES MOTIFS DE LA PROPOSIITON DE DECISION
10. De l'examen de cette demande de levée de l'immunité parlementaire de M. Taradash, transmise au Président du Parlement européen le 21 novembre 1990, il ressort que les propos attribués au député ont été tenus par celui-ci dans l'exercice de son droit à la liberté d'expression.
Même isolées de leur contexte, les phrases incriminées ne traduisent ni offense ni vitupération dépassant le niveau de critique auquel peut légitimement s'attendre le responsable d'un moyen d'information.
Cette critique peut se traduire par des appréciations positives ou négatives. Affirmer que celui qui est responsable de la direction d'un moyen d'information n'a pas la capacité ou l'impartialité nécessaires à l'exercice de sa fonction est une appréciation subjective et discutable, mais qui, en aucune manière, n'outrepasse le droit légitime de critique. Accepter la thèse contraire reviendrait à limiter gravement l'exercice du droit à la liberté d'expression.
IV. CONCLUSION
A la lumière de ces considérations et sur la base de l'examen qu'elle a fait des raisons qui militent pour ou contre la levée de l'immunité, conformément à l'article 5, paragraphe 4 alinéa 2 du règlement, la commission du règlement, de la vérification des pouvoirs et des immunités recommande au Parlement européen de rejeter la demande de levée de l'immunité parlementaire de M. Taradash.