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Berthelemy Jean-Claude, Girardin Eric - 9 luglio 1991
(1) Les nouvelles stratégies d'allégement de la dette des pays en voie de développement

New strategies for developing countries debt relief (1)

Jean-Claude Berthélemy

OCDE centre de développement

Eric Girardin

Université de Bordeaux 1 LARE

Revue d'Economie Politique 101

(Les opinions exprimees par les auteurs le sont sous leur seule responsabilité, et n'engagent en aucune maniere les institutions auxquelles ils appartiennent.

Cet article a bénéficié de discussions aux Journées AFSE-GRECO EFIQ de mai 1990 à Bordeaux et au CESEFI Université de Paris 1, dont les participants sont ici remerciés.)

SOMMAIRE: Alors que de progrès semblent avoir été faits depuis le plan Brady en matière de résolution de la crise de la dette, il est bon de passer en revue la mesure dans laquelle les progrès de l'analyse économique ont participé à ce mouvement.

Cet article resitue dans un premier temps les nouvelles stratégies d'allègement de la dette dans leur contexte historique, empirique et analytique. La notion de surendettement des pays en voie de développement joue un rôle central dans ce contexte. L'examen des solutions de marché montre ensuite qu'un rachat peut engendrer un gain pour le débiteur au détriment des créanciers et ne peut être Pareto-améliorant que dans des situations de surendettement prononcé. Des stratégies concertées sont également étudiées dans cet article qui débouche ainsi sur une analyse des menus d'options mis en place dans le cadre du plan Brady.

ABSTRACT: While progress seems to have been made with the Brady plan concerning a solution to the debt crisis, it is useful to review the extent to which progress in economic analysis has shared in this move.

This paper first puts the new debt relief strategies in their historical, empirical and analytical context. The debt overhang of developing countries plays a major role here. The study of market solutions shows that a buy-back can generate a gain for the debtor at the expense of the creditors and can only be Pareto-improving in sharp debt-overhang situations. Concerted strategies are also examined in this paper which thus leads to an analysis of option-menus established within the Brady plan.

TABLE DES MATIERES

Introduction

1. Le contexte historique et empirique

1.1 Historique

1.2 Les nouveaux instruments de marché

1.3 Les solutions d'allègement concerté

2. Les fondements analytiques de la littérature récente

2.1 Les modèles de répudiation

2.2 La prévention du défaut et l'opportunité d'apport de

nouveaux prets

2.3 La notion de surendettement

2.3.1 L'intuition de départ: l'analyse de Sachs

2.3.2 L'effet du surendettement sur les efforts

d'ajustement: l'analyse de Corden

2.3.3 L'effet du surendettement sur l'investissement:

l'analyse de Helpman

2.3.4 La courbe de Laffer de la dette

3. Les solutions de marché

3.1 Le rachat de la dette au marché secondaire dans un jeu à

somme nulle

3.1.1 La thèse de Bulow et Rogoff: un effet négatif pur le

débiteur

3.1.2 La critique de l'hypothèse de Bulow et Rogoff sur le

coefficient de captation

3.1.3 L'application de la thèse de Bulow et Rogoff au cas

bolivien

3.2 Les rachats dans des modèles de jeu à somme variable

3.2.1 L'introduction de gains d'efficacité liés à la

réduction de la dette

3.2.2 Les gains d'efficacité en l'absence de problèmes

d'information

3.2.3 Introduction d'une asymétrie d'information

3.2.4 Introduction de l'aversion pour le risque

3.3 Echange de dette contre actifs

3.3.1 Le principe d'équivalence avec un rachat

3.3.2 Le prix de rachat de la dette dans une opération

d'échange contre actifs

3.3.3 Les effets sur la structure des paiements futurs

3.3.4 Les effets maaoéconomiques

3.4 La titrisation (bons de sortie)

3.4.1 Les gains potentiels de la titrisation pour le

débiteur

3.4.2 Les difficultés de mise en oeuvre

4. L'allégement concerté

4.1 L'équivalence réduction volontaire solution de marché

4.2 Allégement de la dette et nouveaux prets

4.2.1 L'argument de la capacité d'investissement

4.2.2 La combinaison optimale: apport de liquidités et

remise de dette

4.3 L'approche des menus d'options

4.3.1 L'analyse de la mécanique des menus

4.3.2 La clause de novation

4.3.3 Application à l'évaluation de l'accord mexicain de

1990

4.4 Une facilité internationale

4.4.1 L'analyse de Corden

4.4.2 La critique de la facilité par Bulow et Rogoff

4.5 La modification des règles du jeu

4.5.1 La transformation de la nature des contrats

4.5.2 L'indexation des contrats

Annexe 1: les incitations réglementaires et fiscales

Conclusion

Bibliographie

INTRODUCTION

Depuis l'été 1982, la crise de la dette des pays en développement a dominé l'actualité économique internationale. Malgré l'imagination dont ont fait preuve les économistes et les financiers pour concevoir des stratégies de réponse à cette situation de crise, beaucoup reste sans doute à faire pour parvenir à des solutions viables. La récente décision d'augmenter de 50% les quote parts au Fonds Monétaire International, pour permettre à cet organisme d'aider plus efficacement les pays en crise de balance des paiements, n'est que le dernier épisode en la date d'aujourd'hui d'une longue série d'initiatives, publiques et privées.

De 1982 à 1985, l'accent a été mis sur les politiques d'ajustement, les pays endettés devant trouver l'essentiel des moyens pur résoudre la crise dans leurs propres ressources, tout en bénéficiant de rééchelonnements du service de la dette pour pallier leur manque de devises à court terme. Cette première stratégie a très vite révélé ses insuffisances, car l'ajustement par le bas, en comprimant à l'extrème les possibilités de croissance des pays en développement, s'est avéré insoutenable. Deux séries de problèmes sont apparus progressivement, qui ont orienté profondément les nouvelles stratégies: des problèmes de liquidité, qui se sont traduits par l'incapacité des pays endettés à investir en l'absence d'apports d'argent frais, et des problèmes d'incitation, liés à la difflculté de faire accepter des efforts d'ajustement dont le seul résultat tangible serait d'accroitre les transferts nets de ressources au profit des créanciers.

Le plan Baker, qui insistait sur la nécessité de compléter les efforts d'ajustement par des apports d'argent frais de la part des banques, a connu un succès très limité, car les banques étaient peu disposées à accroitre des actifs dont la valeur était déjà incertaine. Rappelons notament qu'en 1987 les banques ont commencé à constituer d'importantes provisions pour créances douteuses sur les pays en développement, après l'annonce de l'établissement d'une provision de 3 milliards de dollars par la Citibank.

De fait, la communauté financière internationale s'est orientée plutot vers des stratégies de transformation de la dette, les banques cherchant à se défaire de, ou à convertir, leurs titres de créances. C'est à partir de 1987 que se sont développées les techniques reposant plus ou moins sur le marché gris sur lequel s'échangent les titres de créances bancaires, telles que l'émission de bons de sortie, l'échange de dette contre des droits de propriété et le rachat de la dette au marché secondaire. De telles opérations, en réduisant l'endettement ou en modifiant l'évolution des charges de la dette, devaient correspondre à l'intéret des pays endettés, par l'assainissement de leur situation flnancière. Fondées sur des échanges volontaires analogues à des échanges de marché, ces opérations devaient aussi satisfaire les banques, en limitant les pertes subies sur les prêts consentis antérieurement.

Les économistes ont dans une large mesure contribué à renforcer ces évolutions en cherchant à montrer, à partir d'analyses reposant sur des effets d'incitation et sur le partage des risques, que de telles opérations visant à modifier la nature des engagements financiers des pays en développement pouvaient etre dans l'intéret des deux parties, les créanciers et leurs débiteurs. Mais ces efforts d'analyse ont été sensiblement plus loin en montrant aussi qu'il pouvait être dans l'intéret des banques de procéder volontairement à un allégement de la dette des pays considérés comme surendettés. On a enfin également mis en évidence l'opportunité pour les banques d'apporter simultanément de l'argent frais aux pays en développement.

De telles considérations ont progressivement conduit à développer une stratégie en termes de menus d'options ouvertes aux banques et aux débiteurs, combinant les différentes approches de transformation et d'allègement de la dette et d'apport d'argent frais. La conséquence la plus importante de cette évolution, qui met en jeu non seulement les banques créancières et les gouvernements des pays endettés, mais aussi les institutions financières internationales et les gouvernements des pays développés, a été l'initiative Brady de mars 1989, qui s'est déjà traduite par la signature d'un accord phare entre la communauté financière internationale et le Mexique en février 1990, suivi ensuite par d'autres accords du meme type.

Encore faut il noter que l'initiative Brady ne sera probablement pas la conclusion de cette histoire. Tout d'abord seulement 10% des banques ont opté pour la solution d'apporter de l'argent frais au Mexique, alors qu'il est clair que de tels efforts sont une nécessité pour le succès de l'opération. Par ailleurs, les banques se plaignent de ce qu'elles n'ont finalement accepté la réduction de dette que sous la contrainte, et non pas volontairement. Enfin, et surtout, celles ci considèrent que l'annonce de l'initiative Brady a créé de nouveaux effets d'incitation négatifs, en encourageant les pays endettés à accroître leurs arriérés de paiement vis à vis des banques: ces arriérés sont passés de 6,53 milliards de dollars à la fin de 1988 à 15 milliards à la fln de 1989, 24,2 milliards à fin 1990 et 26,8 milliards en mars 1991, (LDC Debt Report).

En raison de la complexité, voire parfois de la confusion, de la littérature sur ce sujet des nouvelles stratégies financières, chacun rivalisant pour proposer sa solution au problème de la dette, il nous a paru opportun d'essayer simplement de faire une synthèse des contributions disponibles à ce jour, sans chercher à proposer notre propre solution. Ce faisant, nous sommes conscients du fait qu'il ne s'agit ici que d'un propos d'étape, tant il est vrai que ce domaine est encore à l'heure actuelle en pleine évolution.

Nous procéderons tout d'abord à des rappels sur le contexte historique et empirique dans lequel se place cette littérature. Nous examinerons ensuite ses fondements analytiques. Dans une troisième partie nous éudierons les solutions de marché, c'est à dire les stratégies de rachat ou d'échange volontaire des titres de créances bancaires, avant d'examiner, dans un quatrième temps, les stratégies d'allègement concerté .

1 LE CONTEXTE HlSTORlQUE ET EMPIRIQUE

1.1. Historique

La crise d'endettement international des années 1980 n'a pas été dans l'histoire récente le seul épisode important de crise du système de financement international. De ce point de vue, le rappel de l'expérience historique peut apporter un éclairage utile sur les évolutions des dernières années. Ceci est vrai notamment pour ce qui concerne la crise des années 1930, qui a été elle aussi une crise généralisée de la dette extérieure des pays en développement (et de certains pays d'Europe orientale), en grande partie déclenchée par l'évolution de l'environnement macro économique international.

La différence la plus marquante entre la situation des années 1930 et celle des années 1980 réside dans la forme juridique de la dette internationale contractée par les pays en développement. Jusqu'aux années 1930, l'essentiel des dettes internationales était constitué par l'émission d'obligations internationales, alors que les dettes actuelles prennent surtout la forme d'emprunts bancaires. En principe, cette différence rend les deux situations peu comparables pour deux raisons principales. En premier lieu, il existe pour les obligations internationales un marché secondaire organisé. En second lieu, les détenteurs d'obligation étaient dans une assez large mesure des petits porteurs disposant de peu de moyens de pression sur leurs débiteurs, contrairement aux grandes banques internationales qui détiennent aujourd'hui des créances sur les pays en développement.

Toutefois, ainsi que le montrent diverses études historiques, notamment celles de Eichengreen et Portes (1986,1989) et de Lindert (1989), les différences entre la situation des années 1930 et celles des années 1980 ne doivent pas être surestimées. Sur trois points essentiels, qui concernent le rachat des dettes au marché secondaire, la concertation des créanciers et la proposition de solutions négociées sous forme de facilités internationales, il y a des similitudes tout à fait marquantes entre les deux périodes.

Dans les années 1930, un élément important de la gestion de la crise de la dette a été constitué par le marché secondaire des obligations émises par les pays endettés. Dès les années 1920, la dette mexicaine s'échangeait au marché secondaire à un faible pourcentage de sa valeur faciale, pour tomber à 1,4% en 1932 (Dornbusch, 1988). Ce mouvement s'est généralisé dans les années 1930, en raison du caractère mondial de la crise d'endettement. Les pays débiteurs ont ainsi pu réduire, fortement dans certains cas, leur endettement, en rachetant eux memes leur dette au marché secondaire. On estime ainsi que certains pays endettés ont pu racheter dans les années 1930, à un prix nettement inférieur à sa valeur faciale, une partie importante de leur dette (Eichengreen et Portes ,1989). Le Pérou aurait racheté 31% de sa dette à 21% de sa valeur, la Colombie 22% à 22% de sa valeur, le Chili 18% à 59% de sa valeur. Ce role attribué au marché secondaire semble bien être un élément structurel des crises d'endettement

. En effet, bien qu'il s'agisse de dettes bancaires et pas d'obligations, un phénomène analogue a vu le jour dans les années 1980, avec l'organisation informelle d'un marché "gris" sur lequel s'échangent des titres de créances bancaires.

En ce qui concerne la concertation des créanciers, la situation des années 1930, avec des créanciers individuels dispersés, n'était que pour partie différente de celle des années 1980. Les détenteurs d'obligations disposaient d'un organisme de défense de leurs intérets depuis 1868: la British Corporation of Foreign Bondholders. Aux Etats Unis, un tel organisme a été créé en 1933: le Foreign Bondholders Protective Council. Avant cette date, les épargnants américains face à un débiteur défaillant recourraient en général à la formation de comités ad hoc chargés de défendre leurs intérets. Les banques, qui avaient assuré le placement des obligations dans le public, jouaient dans cette organisation un role essentiel. Ainsi, dans le cas du Mexique, un "International Committee of Bankers" a été créé dès les années 1920, pour tenter (sans succès jusqu'aux années 1940), de parvenir à une solution négociée (Dornbusch, 1988). Autrement dit, meme si la concertation entre les créanciers était à certains égards moin

s facile à réaliser que dans les années 1980, la nécessité ne s'en faisait pas moins sentir.

Enfin, la crise des années 1930 a été aussi marquée, à l'instar de la crise des années 1980, par l'apparition de propositions d'action et de coordination au niveau international, qui préfigurent les propositions actuelles. L'une de ces propositions, associée au nom de Hubert Henderson, consistait à faire intervenir la Banque des Règlements Internationaux, créée en 1930 dans le cadre du plan Young de règlement de la question des réparations allemandes. La Banque des Règlements Internationaux aurait émis un emprunt international pour aider au financement des charges des pays endettés, et aurait joué ainsi un role similaire à celui qui est dévolu actuellement à la Banque Mondiale et au Fonds Monétaire International. La création d'une agence multilatérale spécialisée, dont la fonction aurait été de preter aux débiteurs en difficulté, a été également envisagée, notamment dans un plan proposé par le Gouverneur de la Banque d'Angleterre. Cette agence aurait, comme le fait actuellement la 8anque Mondiale, émis

des emprunts auprès du public pour fournir des financements aux pays débiteurs incapables d'en obtenir directement par le marché.

Au total, malgré des contextes institutionnels quelque peu différents, il existe certaines similitudes entre les "nouvelles" stratégies financières face à la crise de la dette des années 1980 et les stratégies et mécanismes proposés ou mis en place dans les années 1930. En fait, le caractère "nouveau" des stratégies financières actuelles ne réside pas uniquement, dans ces stratégies elles memes, mais plutot aussi dans l'approfondissement des analyses économiques qui les sous tendent.

1.2. Les nouveaux instruments

Malgré ces similitudes avec la gestion de la dette obligataire internationale des années 1930, l'imagination des financiers a conduit dans les années récentes à de multiples innovations, dont le résultat est une très grande diversification des nouveaux instruments de réaménagement de la dette. A coté des rachats de dette proprement dits au marché secondaire, les dettes peuvent maintenant s'échanger contre des obligations, des actions et différentes formes de créances contingentes. Dans plusieurs cas, par ailleurs, les négociations avec la communauté financière internationale ont conduit les pays endettés à proposer aux banques un "menu" diversifié pour alléger les charges de leur dette, reposant sur la combinaison d'échanges de titres de créances bancaires et de nouveaux apports de financements. On rappelle tout d'abord, dans cette section, la définition des principaux instruments utilisés ou proposés dans les années récentes, avant d'examiner leur application concrète. Une liste plus complète des prop

ositions qui ont pu être faites en matière de nouveaux instruments de gestion de la crise de la dette apparaît dans Miller (1989).

Les rachats de dettes, ou "buybacks", reposent sur la cession par une banque des flux futurs de remboursement auxquels lui donne droit en principe un titre de créance. Cette cession se fait alors à un prix qui enregistre une décote, liée au caractère incertain des flux effectifs de remboursement. En principe, la dette ne devrait pas pouvoir être rachetée par le débiteur lui-même. Dans la pratique, le rachat a pu être effectué via des intermédiaires financiers nationaux, voire dans certains cas avec l'accord explicite des créanciers.

Les échanges de dettes contre actifs, ou "debt equity swaps", sont une cession de titres de créances bancaires contre des titres de propriété nationaux. Ces titres peuvent être en particulier des actions d'entreprises privées ou, dans le cadre de programmes de privatisation, d'entreprises du secteur public. L'opération prend souvent la forme d'un échange de titres de créance contre de la monnaie nationale du pays endetté, suivi de l'achat de titres sur le marché financier national. Encore une fois, ces échanges se font en tenant compte en général d'une décote des créances bancaires.

Les échanges de dettes contre obligations garantie (titrisation, ou "securitization") sont des opérations dans lesquelles les banques substituent des titres obligataires à

leurs créances bancaires. En principe, ces titres obligataires bénéficient d'une meilleure garantie. Ils sont exclus des négociations futures de rééchelonnement et sont plus facilement cessibles. Ces obligations peuvent aussi faire l'objet d'une garantie formelle de la part du pays endetté, et/ou des institutions financières internationales, sous la forme d'un nantissement d'actifs financiers internationaux. Dans cette catégorie des opérations de titrisation figurent notamment les bons de sortie, ou "exit bonds", émis par l'Argentine et le Mexique en 1987.

Les titres de créances bancaires peuvent aussi être échangés contre des obligations indexées sur les prix de matières premières, ou "commodity linked bonds", ou contre toute forme de créance contingente. Dans le même ordre d'idées, on peut citer la proposition de Norman Bailey en 1983, d'échanger la dette contre des titres garantissant aux créanciers une part donnée des recettes d'exportation. Ce type d'obligations, qui associent un contrat financier traditionnel avec un contrat d'assurance, sont difficiles à mettre en place, en raison du problème d'aléa de moralité inhérent aux contrats d'assurance (Voir sur ce point la quatrième partie de cet article).

Le tableau 1.1 fournit quelques indications statistiques sur les différentes formes de conversion de titres de créances bancaires dans les années récentes.

Les échanges de dettes contre actifs ont été la première innovation mise en ceuvre pour gérer la crise de la dette. Ainsi que le rappelle Blackwell et Nocera (1989), cet instrument a été même en fait antérieur à la crise des années 1980. En 1962, le Brésil a autorisé certains non résidents à échanger des titres de créance contre des actions brésiliennes. Cet échange s'effectuait toutefois sans décote. En 1980, la Turquie a proposé le règlement d'arriérés de paiement par des paiements en monnaie nationale, pouvant etre utilisés pour acheter des actions sur le marché financier national. Dans ce cas là, le règlement s'est effectué avec une décote.

Depuis l'apparition de la crise de la dette des années 1980, plusieurs accords formels d'échanges de dettes contre actifs ont été proposés par les principaux pays endettés. Le premier d'entre eux a été le Brésil, qui a ainsi échangé 2 milliards de dollars de dette de 1983 à la mi 1987. Il a été suivi par l'Argentine à la fin de 1984, le Chili en mai 1985, le Mexique, les Philippines et l'Equateur en 1986. L'opération chilienne a comporté une innovation importante, sous la forme de l'autorisation faite à des résidents de procéder à de tels rachats. Cette autorisation avait pour but de permettre le rapatriement des sorties antérieures de capitaux nationaux. D'une manière générale, chacun de ces accords, contractés entre les gouvernements des pays débiteurs et les créanciers, comporte des clauses particulières. La décote peut être sensiblement moins forte que celle qui correspond au cours du marché gris, et peut dépendre, comme dans le cas de l'échange proposé par le Mexique, de la nature des actifs qui s

ont acquis par les créanciers en échange des titres de créances bancaires. En contrepartie, il y a des clauses restrictives, telles que, dans le cas de l'échange argentin, l'obligation d'adjoindre à l'opération d'échange un apport d'argent frais pour un montant équivalent.

TABLEAU 1.1: Conversions de dettes (hors inter bancaires)

_________________________________________________________________

1986 1987 1988 1989 1990

_________________________________________________________________

Argentine 180 1067 1224 6950

Bolivie 446 235 149

Brésil 173 300 5668 2318 1000

Chili 927 1854 2889 3122 978

Colombie 336 -

Costa Rica 7 104 29 130 989

Equateur 128 261 24 45

Jamaïque 9 25 22

Mexique 413 4252 5731 2623 9782

Nigeria 10 50

Philippines 81 450 931 614 1551

Rep. Dominicaine - - - 1 -

Uruguay 118 27 25

Vénézuela 340 230 390 2619

Yougoslavie 134 1400 710

__________________________________________________________________

TOTAL 1601 7608 17513 12479 24860

dont:

Echanges contre actifs 822 3271 6236 4608 10933

Paiements en monnaie

locale 63 87 3422 1531 730

Rachats 1874 968 10333

Conversions (*) 438 796 1639 2238 2374

Restructurations par le

secteur privé 279 3454 4340 3113 500

--------------------

(*) en actifs ou titres libellés en monnaie locale.

Source: World Bank. Financial Flows to Developing Countries. Quarterly Review. Décembre 1990.

Dans la plupart des cas, le gouvernement local est le débiteur en dernier ressort et représente donc la principale partie concernée dans l'échange. Une exception notable est le Chili où le secteur privé en tant que tel a une dette extérieure importante et a réalisé lui même des conversions. C'est ce que reflète la ligne "restructurations par le secteur privé" du tableau 1.1.

Ainsi que cela apparait au tableau 1.1, des échanges informels de titres de créances contre des actifs sont apparus aussi à partir de 1987. L'inconvénient des échanges réalisés dans le cadre d'accords formels avec les débiteurs est que, en se livrant à de tels échanges, les banques donnent une information négative explicite sur la valeur réelle de leur portefeuille de créances internationales. A l'opposé, les échanges sur le marché gris évitent une telle publicité, et peuvent ainsi être préférés par les Banques.

Les accords en vue d'une titrisation, sous la forme d'émission de bons de sortie, sont apparus plus récemment, avec l'Argentine en 1987 et le Mexique au début de 1988. Par nature, ils sont conclus dans le cadre de négociations formelles et pas sur le marché gris. Le cours auquel les banques acceptent d'échanger leurs créances contre des obllgations ne peut toutefois pas être incompatible avec la décote observable au marché secondaire. Dans le cas du programme ambitieux tenté par le Mexique avec le soutien de la banque Morgan en 1987, celui ci a procédé par mise aux enchères auprès des banques. La décote proposée par les banques a tenu compte non seulement de la décote des créances bancaires initiales sur le marché secondaire, mais aussi du fait que, seul le capital, et non les intérêts dus sur les nouvelles obligations, étant garanti par le Mexique, la valeur financière réelle des bons de sortie était elle même inférieure à leur valeur faciale (voir notamment Folkerts-Landau et Rodriguez, 1989).

Le marché gris est par contre le lieu privilégié pour les rachats de dette, tels que ceux effectués par la Bolivie en 1987 et le Chili en 1988. En raison de l'étroitesse du marché secondaire, ces rachats de dette ne portent, sauf dans le cas de la Bolivie, que sur une proportion relativement réduite de la dette totale. Encore, dans le cas de la Bolivie, s'est il agi d'une opération concertée avec les créanciers. Le marché secondaire sert aussi dans une large mesure, dès son apparition en 1982, de iieu d'échange de créances entre les banques. En moyenne plus de la moitié des échanges de dette sont des échanges interbancaires. Ainsi en 1988 ces échanges ont représenté plus de 20 milliards de dollars contre 17,5 pour les seules conversions (Claessens et Diwan, 1989). Ces échanges ont permis aux banques de recomposer leurs portefeuilles, en fonction de leurs avantages comparatifs, ainsi qu'à de petites banques de se désengager.

__________________________________________________________________

TABLEAU 1.2 Cours des créances bancaires au marché secondaire

(Cents par $ de valeur faciale, cours acheteur)

__________________________________________________________________

juin juin juin juin déc mars

1986 1987 1988 1989 1990 1991

------------------------------------------------------------------

Argentine 64 47 24 14,25 16,75 19,6

Bolivie 6 9 11 11 9 8

Brésil 75 61 50,25 31 25 28

Chili 66 69 60,50 62 72 85

Colombie .. .. 65 57 64 70

Côte d'Ivoire 74 62 29 14 3 3

Equateur 63,50 49 25,50 12 19 26

Mexique 60 56 50 40 43 55,7

Nigéria 55 29 28 23 36 40,1

Philippines 59 69 53,50 48,50 37 47,2

Vénézuela 76 70 54,25 37 49 59,6

__________________________________________________________________

Source: Salomon Brothen et LDC Debt Report.

Le tableau 1.2. fournit des indications sur l'évolution des cours des titres de créances bancaires au marché secondaire. Ces cours indiquent clairement une décote substantielle pour tous les pays, et une détérioration sensible au cours du temps pour la plupart d'entre eux qui n'a pu être inversée que très récemment à la suite de la mise en place du plan Brady. On note enfin que, d'un pays à l'autre, les décotes sur le marché secondaire varient sensiblement, reflétant le degré de confiance qu'ont les banques dans les différents pays débiteurs.

1.3. Les solutions d'allégement concerté

Depuis 1989, la stratégie d'allégement de la dette a évolué, par la mise en place de politiques plus volontaristes de la part des institutions financières internationales, visant à promouvoir au cas par cas un allégement concerté de la dette. En pratique, il s'agit surtout du plan Brady, qui a vu un début d'application pratique en 1990 avec les Philippines (janvier/février 1990), le Mexique (février 1990), le Costa Rica (octobre 1990), le Vénézuela (décembre 1990) et l'Uruguay (février 1991). Le Maroc a également élaboré avec les banques un accord de principe, dont on peut espérer qu'iis se concrétisera dans un avenir plus ou moins proche (la réalisation de ce programme est soumise à la signature d'un accord avec le Fonds Monétaire).

Le principe de base des accords Brady consiste en la définition, par les institutions flnancières internationales et le comité consultatif des banques, d'un menu d'options entre lesquelles chaque banque peut choisir de réaménager ses créances. Typiquement, trois options principales peuvent se combiner dans de tels accords:

- un rachat par le pays d'une partie de sa dette, avec décote,

I'échange d'une partie de la dette contre des obligations

avec décote ou portant un taux d'intéret réduit,

I'apport d'argent frais.

A ces options vient se rajouter un nantissement qui garantit le paiement du principal et d'une partie des intérets dûs au titre des nouvelles obligations émises en échange de la dette ou au titre de l'apport de nouveaux crédits. Du point de vue du financement, c'est surtout là qu'interviennent les institutions financières internationales, qui prètent au débiteur tout ou partie des fonds nécessaires pour la constitution du nantissement. De la sorte, ces institutions (ainsi que le Japon, qui finance une partie du plan Brady), se substituent partiellement aux banques comme créancier du pays débiteur.

Les accords sont signés au cas par cas, et les options du menu ne sont pas nécessairement toutes présentes simultanément dans chaque accord. Par exemple, les accords mexicain et vénézuélien ne comprennent pas de rachat, l'accord du Costa Rica ne comprend pas d'apport d'argent frais de la part des banques, l'accord des Philippines ne prévoit pas de réduction de la dette par échange contre des obligations. En conséquence, une comparaison des plans Brady déjà réalisés ou négociés indique que le traitement obtenu par les débiteurs diffère sensiblement d'un cas à l'autre.

Le plan Brady mexicain est souvent présenté comme le cas test du plan Brady (voir par exemple Reisen (1991). De fait, l'accord conclu avec le Mexique est, au regard des sommes en jeux, le plus important et le plus ambitieux de tous. Ce pays a ainsi bénéficié d'une rduction de sa dette équivalente à 15.4 milliards de dollars (World Bank (1990) et d'un flux moyen d'apport de liquidité de 1.8 milliards sur la période 1990 1994. Le Vénézuela a obtenu 3 à 4 fois moins et le Costa Rica et les Philippines 10 fois moins en stock de dette et 25 fois moins en termes de flux de liquidités. En dehors des effets de taille, une différence essentielle entre les différents accords tient au fait que certains d'entre eux procurent peu de liquidité à court terme au pays débiteur, notamment quand ils induent un rachat de dette et/ou quand ils excluent la solution d'apport de nouveaux crédits.

En marge du plan Brady, quelques pays ont également discuté avec les banques des accords en vue d'un allégement de leur dette commerciale. L'initiative peut venir du consortium des banques, comme dans le cas du Nigéria, qui a négocié récemment (mars 1990) un accord de restructuration de dette offrant un menu d'options aux banques. Elle peut venir aussi de créanciers publics, bilatéraux (cas du rachat Bolivien en 1988) ou multilatéraux. L'apparition d'initiatives multilatérales, notamment le fonds (appelé Debt Reduction Facilitv) créé par l'IDA pour financer le rachat de la dette commerciale des pays pauvres, peut être considérée comme l'application, certes partielle et limitée, des propositions de création d'une facilité internationale qui prendrait à sa charge le rachat de la dette commerciale. Cette initiative de l'IDA a conduit à une première opération de rachat par le Niger, qui a conclu (février 1991) un accord en vue d'un rachat d'une partie de sa dette commerciale à l'aide de fonds de l'IDA, à 1

8 pour cent de sa valeur. Quatorze autres pays africains sont sur les rangs pour bénéficier de cette Facilité. Mais on est encore loin d'une opération de réduction de la dette commerciale par une facilité internationale qui prendrait à sa charge l'essentiel des risques, telle que proposée dès 1983 par Kenen et par Rohatyn.

Le problème de la dette dûe aux créanciers publics se pose aussi, en particulier pour les pays les plus pauvres, qui ont peu de dette commerciale. L'accord de Toronto a permis pour ces pays de timides progrès en vue d'une réduction de la dette bilatérale, par l'intermédiaire de rééchelonnements au Club de Paris à des conditions avantageuses. Des propositions plus ambitieuses ont été avancées, notamment la proposition faite par John Major, alors Ministre des Finances britannique, à Trinidad en septembre 1990. Mais il n'y a pas eu à ce jour à proprement parler d'innovation financière décisive dans les politiques des créanciers publics et celle ci ne seront pas examinées dans cet article.

 
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