La stratégie antiprohibitionniste
SOMMAIRE: La proposition radicale pour mettre fin au trafic de drogue et à l'organisation criminelle qui en tire sa prospérité, pour éviter les actes de violence provoqués par les toxicomanes en quête d'argent, réduire les morts par abus de drogue, arrêter la diffusion du SIDA causée par l'usage de seringues non-stérilisées.
(Le parti nouveau, n.4, Septembre 1991)
Le 15 décembre 1988, le groupe des élus sur les listes radicales à la Chambre des Députés italienne présente une proposition de loi qui tente pour la première fois de traduire par une norme législative la stratégie antiprohibitionniste. Ses objectifs sont les suivants:
a) mettre fin au trafic de drogue et à l'organisation criminelle qui en tire sa prospérité;
b) créer des conditions telles que l'on ne doive plus assister à des actes de violence sur la population de la part de toxicomanes en quête d'argent;
c) réduire les morts par abus de drogue et affronter la situation de marginalisation et de dégradation des toxicomanes contraints à mener une existence illégale sous le contrôle de la criminalité;
d) affronter la diffusion du SIDA causée par l'usage de seringues non-stérilisées.
La relation qui accompagne la proposition de loi en résume les points essentiels de la manière suivante:
1) la réglementation légale de toutes les substances psycho-actives (appellation scientifiquement plus rigoureuse que celles utilisées communément comme »stupéfiants et psychotropes ), c'est-à-dire ce que l'on appelle les »drogues ;
2) la reclassification des substances psycho-actives avec l'inclusion (en ordre décroissant de risque et de dangerosité) des alcools supérieurs à 20·, des tabacs et du chanvre indien;
3) l'inclusion dans la pharmacopée officielle de l'héroïne et de la cocaïne, et leur asujettissement au régime de monopole;
4) la légalisation du chanvre indien;
5) une taxation qui détermine un prix de vente au public lié de manière progressive au risque encouru: le chanvre indien avec un prix identique à celui du tabac; l'héroïne et la cocaïne avec un prix respectivement de dix à vingt fois celui des alcools forts;
6) l'interdiction de la publicité, et en même temps une publicité négative sur les risques de toutes ces substances, y compris l'alcool et le tabac;
7) la distribution de toutes les substances psycho-actives (y compris l'héroïne et la cocaïne, et à l'exclusion de l'alcool, du tabac et du chanvre indien) uniquement en pharmacie et sur prescription médicale;
8) la possibilité pour tout médecin de prescrire des substances (avec un maximum d'une dose par jour multipliée par trois), avec le devoir d'informer le demandeur sur les caractéristiques des substances, de leurs effets établis et les risques qui résultent de leur usage (»consensus informé );
9) la possibilité de garantir une distribution contrôlée et prolongée aux toxicomanes qui en font la demande explicite à travers une carte qui leur assure la substance dont il dépendent pendant 90 jours;
10) la répression rigoureuse de toutes les activités de production, fabrication, vente, distribution, achat, import/export de substances psycho-actives (drogues) en dehors des procédures légales décrites ci-dessus.
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Les amis de Capone veulent prohiber
SOMMAIRE: La riposte de l'Amérique à l'organisation criminelle d'Al Capone fut la légalisation, la taxation et la vente réglementée de liqueurs de qualité contrôlée. Aujourd'hui, il peut être mis fin au trafic de drogue avec la même stratégie.
(Le parti Nouveau, n.4, Septembre 1991)
The Economist
mars 1988
»On a apporté des solutions à des tragédies au moins aussi graves que l'est actuellement le trafic de drogue. La vraie réponse de l'Amérique au racket de Capone ne fut pas la lutte contre les bandes, mais la légalisation, la taxation et la réglementation de la vente de liqueurs de qualité contrôlée.
L'ennemi le plus efficace des tripots clandestins est la loterie de l'Etat et, bien sûr, les maisons de jeux autorisées et taxées .
The Financial Times
septembre 1989
»Le Président Bush, tenant à la main un sachet de crack, a affirmé que cette drogue 'était en train de transformer nos villes en champs de bataille et d'assassiner nos enfants'. En affirmant cela, il ignore cependant une chose, que tous ces maux ne sont pas causés par les drogues en elles-mêmes, mais par le fait qu'elles sont vendues dans un système de marché noir, privé de réglementation et géré par des bandes de criminels .
The Indipendent
septembre 1989
»Une analyse du 'Cato Institute' de Washington a conclu que la prohibition des drogues criminalise les consommateurs, les contraint à entrer en contact avec des criminels professionnels, attire les jeunes entreprenants issus des couches sociales les plus pauvres vers une existence criminelle lucrative, encourage la guerre entre bandes, fait que les gens absorbent par des méthodes dangereuses des substances impures à des doses périlleuses et causent d'énormes dépenses de police. Ce n'est pas l'abus de drogue en soi qui est le plus meurtrier, mais la criminalité qui naît du prohibitionnisme. Il est temps que les Gouvernements occidentaux prévoient d'une certaine manière l'autorisation de la vente de drogues. Cela priveraient les trafiquants de leur marché et obligerait les toxicomanes avérés à se soumettre à un traitement. La solution pour vaincre le trafic réside dans l'élimination de sa prodigieuse rentabilité et dans la démythification de l'abus de la drogue par un large programme d'information publique .
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Y arrivera-t-on à l'Est?
SOMMAIRE: Les prochains mois seront décisifs, si l'on veut arrêter en Europe de l'Est le processus qui va conduire, avec l'approbation totale des trafiquants de drogue, au modèle prohibitionniste occidental. Il faudrait agir tout de suite, en organisant une force politique qui se batte pour la légalisation des substances aujourd'hui interdites.
(Le Parti Nouveau, n.4, Septembre 1991)
Tant que le régime communiste garantissait à la fois le contrôle policier et la pauvreté, les citoyens toxicomanes de l'Est se débrouillaient comme ils le pouvaient et ne constituaient pas un facteur économique important. Aujourd'hui, les choses commencent à changer, comme l'affirme le dernier rapport de l'ONU, publié à Vienne en janvier 1991: si les possiblités économiques changent, les substances dont il est fait usage vont forcément changer. Quiconque pénètre aujourd'hui dans le circuit de la drogue clandestine est assuré de faire un bond en avant du point vue des possibilités financières et du status social, phénomène qui s'est déjà vérifié dans les communautés latines, hispano-américaines ou bien noires des ghettos américains.
On a déjà fait une première estimation des groupes criminels organisés qui commence à s'occuper de la marchandise drogue. Dès mars 1989, on avait identifié en Union Soviétique 2067 groupes criminels de ce genre. Un chiffre destiné a se multiplier de manière exponentielle, s'il est vrai que pendant la période de prohibition de la vodka, au milieu des années 80, 500.000 personnes avaient été dénoncées, selon une information officielle du Ministère de l'Intérieur, pour association criminelle en violation de loi sur les alcools. Le spectre de l'apparition du trafic de drogue est un problème qui trouble les rapports entre pays de l'Est et de l'Ouest, et met en allarme les nouvelles démocraties encore fragiles, au point que ce sont justement les pays de l'Est qui ont demandé à l'ONU en février 1990 de proclamer les 9 dernières années de ce siècle »années de lutte contre la drogue .