SOMMAIRE: Les 31 octobre, 1,2 et 3 novembre 1991, a eu lieu à Zagreb, en Croatie, le Conseil fédéral du Parti radical. Au cours du Débat Marco Pannella fit, le 1er novembre, cette intervention (75 mn) d'une particulière ampleur thématique.
Après avoir salué les participants provenant de diverses régions d'ex-Yougoslavie, et après avoir remercié le Commissaire Cee Carlo Ripa Di Meana de sa présence malgré l'affrontement avec le gouvernement Anglais, Pannella souligne les risques d'involution dans la démocratie croate, risques mis en lumière entre autre par le comportement de l'information croate à l'égard des radicaux. Puis il fait le tour des problèmes yougoslaves, en les confrontant avec ceux des années Trente, ceux marqués par les concessions faites par les démocraties occientales, à Franco en Espagne et à Hitler, lesquelles, loin de mettre à l'abri ces démocraties - conduisirent à Munich et à la guerre. Malgré la gravité de ce qui est en train d'arriver suite à la politique serbe, l'Europe, la Cee, continuent de ne pas agir, permettant ainsi à Milosevic d'occuper de vastes zones de territoire croate, d'empêcher les Albanais du Kossovo d'exercer leurs prérogatives institutionnelles, de refuser aux serbes les droits civils et démocratiqu
es, se comportant comme l'avait fait Saddam Hussein en Irak.
Pannella expose donc les problèmes liés à la création du parti transnational, et énumère les difficultés qui empêchent de convoquer le congrès du parti en janvier. Il prévient toutefois que le congrès pourra être convoqué mais uniquement afin d'empêcher la prolongation d'une situation de désagrément créée par les critiques injustes et prétextuelles de certains radicaux "historiques", au sein du parti, à l'égard des dirigeants et des décisions qu'ils viennent de prendre selon les délibérations du congrès, pour essayer de donner vie au parti transnational.
Note: ce texte est la transcription non corrigée par l'auteur de l'intervention telle qu'elle fut enregistrée par Radio Radicale.
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Chers amis,
[...] J'ai le privilège de parler ayant déjà écouté une partie importante d'entre vous, de notre débat, et d'avoir aussi enregistré hier cet extraordinaire apport humain et politique qui a vu un ministre libéral, un leader serbe, musulman, du Sanjak, le premier membre de Bosnie-Herzégovine du conseil fédéral décider de partager l'espoir d'être radicaux. Et cela m'aide naturellement beaucoup, comme le fait d'avoir à mes côtés Ivo Jelic, le député de Dubrovnik, de voir le vice-président du gouvernement croate, et bien d'autres amis, camarades, croates, slovènes, partager ces travaux ici: il faut que chacun de nous imagine un instant ce qui arriverait si nous étions réunis à Rome ou à Moscou, avec la normale activitè autour de nous, de parlement, de parti, d'engagements familiaux; le fait que soient ici le vice-président du gouvernement, le député de Dubrovnik (deux exemples parmi tant d'autres) alors qu'une guerre est en cours, qu'il y a une injustice, un scandale humain et politique qui fait qu'il se pas
se quelque chose à chaque minute et qui investit leur concrète humanité et leurs responsabilités, tandis qu'une grande partie du gouvernement, du parlement ont essayé d'entrer à Dubrovnik, et d'autres à Rome, d'autres à La Haye, d'autres à Paris, d'autres encore ailleurs; témoignage probablement que leur volonté mais surtout leur conscience leur permet ce choix, qui serait peut-être mal compris par leurs proches ou même par leurs propres partis, avec tous les problèmes qui incombent à l'extérieur.
Je suis favorisé par l'intervention que nous venons d'entendre de Ripa Di Meana; elle m'a enrichi, privilégié, par rapport à la précédente prévision qui était de parler le premier. De Carlo nous avons eu une synthèse, une articulation de propositions et de politique qui nous prouvent à quel point quelqu'un qui s'expose comme lui et en première ligne, nous avertit de la nécessité d'armer les capacités et les choix de chacun de l'articulation organisée: non pas pour sacrifier une petite ou une grande partie de la liberté individuelle devant les nécessités de l'histoire et des évènements, mais pour vivre au contraire cette expérience d'organisation, comme renforcement de la liberté et de la responsabilité de chacun, comme l'on renverserait une vieille sensibilité de type anarchique qui nous fait dire, dans toutes les cultures, que le fait de s'organiser en parti c'est le sacrifice de soi nécessaire pour pouvoir sauver au moins en partie ses propres capacités.
Il ne s'agit point de cela. Cette perspective conduit à des formes de parti, à des idéologies, à des choix individuels qui sont perdants: et cette deuxième moitié de siècle l'a prouvé de manière éclatante, mettant en lumière à quel point elle est optue, combien le léviathan monpartite a été en réalité présent dans notre histoire, et dans les pays de la démocratie réelle où toujours davantage, le système des partis vit comme s'il était en réalité un unique parti avec des articulations subordonnées et marginales. Léviathan de non liberté et de sacrifice: sacrifice de cohabitation, sacrifice idéal et sacrifice pratique. Carlo Di Meana, au cours des trois dernières semaines a été l'un des acteurs de l'histoire, pas italienne hélas, mais de l'histoire et de la chronique britannique; dans les principaux journaux britanniques ce Commissaire, ce ministre de la Communauté de 350 millions d'habitants, a été désigné comme L'Ennemi: devant le risque de dommages irréparables de notre planète, notre terre, notre nat
ure, notre flore, notre faune, devant le choix presque certain de la destruction de l'habitat et de l'environnement, dans l'illusion d'avoir un train qui fasse économiser vingt minutes aux voyageurs, il s'est permis d'envoyer une lettre personnelle de rappel à un ministre! Il a été attaqué comme le témoin et l'acteur, un peu sadique, de la perverse volonté bureaucratique et agressive de Bruxelles à l'égard des autonomies des Etats. Si bien que l'on est arrivé à l'image de Carlo l'éventreur. Et l'on ne comprend pas de quoi! Alors que c'est Carlo qui veut éviter que l'on éventre des forêts, que l'on éventre l'histoire. Et il se retrouve l'autre jour à accorder une interview où [...] et lui est un peu surpris de constater que tandis qu'en Grande Bretagne, dans le reste de l'Europe et au sein de la Commission il y avait eu une grande bataille, en Italie,pratiquement personne ne le savait, et ceux qui le savaient s'en fichait complètement.
Mais c'est-là aussi un élément de réflexion que nous devons faire urgemment, chers camarades, sur les mécanismes de la démocratie réelle. Précisément parce que nous sommes des démocrates intransigeants, nous avons des convictions: cela a-t-il un sens d'être unis si nous réussissons à économiser sur les coûts insoutenables des mauvaises expériences, si nous réussissons à éviter que le pire de chaque expérience doit être revécu dans un autre lieu parce que cette expérience ne devient pas force commune? Nous parlions hier avec notre ami Tomac et je lui disais que durant la dictature - centralisée, et communiste - yougoslave, étant moi un député européen, il ne s'est jamais écoulé une seule année sans qu'un radical ne soit venu ici faire de la propagande militante, distribuer des informations techniques et politiques, au risque de se faire expulser, pour essayer de rompre le conformisme plat, un peu obtu d'une situation dans laquelle la Yougoslavie continuait de couvrir comme avec un rideau la vitalité de s
es propres exigences, eh bien moi je venais - pendant la dictature - et Vejenik, et Delo, les principaux quotidiens, les radios, les télévisions mettaient en premières pages (je peux le documenter) l'annonce de mon arrivée. Et je n'était que le représentant d'un minuscule parti italien, un député européen, isolé, avec deux autres, du Parlement européen. Les interviews paraissaient par deux, trois ou quatre. Et bien que je ne parle pas un seul mot de croate, je restais jusqu'à trois heures du matin à parler à la radio dans des Fils-directs. Aujourd'hui tout cela semble évident que nous sommes ici pour lutter pour la vie du droit et des droits des croates et des slovènes: mais surtout des serbes, car les premières victimes, les plus désespérées ce sont les serbes soumis au terrorisme raciste et intolérant de Milosévic, de sa nature, de sa voix, de sa bonne foi. C'est un homme, une personne raciste, c'est une ligne qui nous expliquait il y a cinq ans avec sinc
érité que les albanais du Kossovo devaient être respectés mais voilà les classes dirigeantes chers camarades qui disent...»les albanais sont des violeurs de bonnes soeurs, d'enfants, de vieillards... . C'est ce que l'on vous dit en privé; ce sont des personnes dont il faut craindre l'ascension. Eh bien, aujourd'hui, en démocratie réelle, votre présence, la présence de tant de représentants démocratiques et militants de toute l'Europe, est ignorée de la presse.
Lorsque il y a dix jours nous avons décidé de confirmer notre venue, ni toi, cher Tomac, ni moi, ne savions si dans cette ville il y aurait eu à nouveau des bombes, ou si le voyage pour arriver ici aurait été dangereux. Nous ne le savions pas, nous l'avons tout de même confirmé.
Pourquoi? J'aimerais dire que les armes de la nonviolence ne sont pas absolues, elles sont comme toutes les autres. Et à ceux qui me disent qu'il faire attention à la santé lorsque l'on fait des jeûnes, je dis: certainement! On risque un peu de sa santé. En guerre, le fait de mettre en cause volontairement sa propre santé avant que l'on vous la retire tout-à-fait c'est une juste logique. Et si quelqu'un est un nonviolent et par exemple, il comprend mieux, dans l'histoire, dans l'histoire italienne, des noms comme Pacciardi, Rosselli, plutôt que l'histoire des troupes italiennes envoyées par l'Italie fasciste combattre aux côtés de Franco; s'il comprend davantage ceux qui sont allés risquer leur santé pour la République espagnole contre l'armée putchiste, alors, si vous permettez: c'est Rhodes qui saute; c'est l'Espagne qui saute; c'est la Yougoslavie qui saute.
Et nous sommes ici, avec les armes de la nonviolence, mais risquant quelque chose, avec un risque calculé et sérieux mais, comme une manifestation supplémentaire d'espoir et non pas de désespoir, pour renforcer ce qui nous permet d'ajouter la pratique limpide du dialogue, de la tolérance et de la démocratie, et de la démocratie dans les institutions et pas seulement contre les institutions: à savoir - au-delà, au-delà de tout ce qu'il y a de professionnel -cette donnée d'intégrité humaine pour laquelle nous devons dire que nous sommes ici auprès des croates, auprès des slovènes, auprès des monténégrins, mais surtout auprès de tous ceux qui ont perdu jusqu'au droit à l'image de victimes, à savoir, les femmes et les hommes de Serbie. Tout comme, au Moyen-Orient, ce qui nous poussait c'était la défense du Kuwait et de son droit, c'était la défense des positions de la nouvelle ONU, c'était bien sûr une position nonviolente (mais pas pacifiste) mais surtout c'était la défense des irakiens qui, envoyés au Kuw
ait ou envoyés à..., étaient obligés de mourir par leur boucher en tuant un million d'iraniens ou un million d'irakiens... Oui, il y a la défense des kurdes, mais u moins les kurdes on sait pourquoi on les tue, tandis que l'irakien que l'on tue pour défendre la patrie, en réalité pour défendre -Milosévic ou Saddam; ils n'ont même pas droit à l'identité, à leur dignité humaine car ils n'ont pas de nom, et il est juste qu'ils meurent, il est juste qu'ils assassinent! t aujourd'hui nous sommes tous inertes, surtout les pacifistes "traditionnels", nous résignant en voyant qu'au Kuwait la démocratie n'est pas revenue, en voyant Saddam à qui l'on offre encore le droit de vie ou de mort sur les irakiens, à l'intérieur de certains équilibres.
Je crains de devoir avouer certaines choses, car si je continue d'être un camarade radical particulièrement important à cause de mon âge, de ma faconde, de mon habileté, de ma fourberie, si je continue d'être un responsable de parti, quelqu'un qui, dans sa manière d'agir - dans le bien ou dans le mal - se répercute sur votre image publique et sur votre travail, je veux aller jusqu'au bout: car nous devons nous entendre là-dessus. Je comprends les difficultés de nos camarades députés Rom, par exemple. Il y a aussi des Rom en Serbie et les Rom, comme les juifs, doivent faire attention car lorsqu'on discrimine les Rom on les expédie dans des camps de concentration pour les exterminer... Je comprends (le problème exposé par Cicciomessere) que la suite de notre délibération sur la Yougoslavie et l'Europe prise au cours de la session précédente - tellement dure - posât des problèmes à des députés roumains, tchéques, car lorsque l'on a en charge des tziganes, des rom serbes ou yougoslaves, avec cet armée qui o
ccupe un peu tout et partout, cela fait peur bien sûr et je ne le condamne pas. D'autant plus que n'existant pas nous, avec une force spécifique d'organisation politique solide, le risque est d'entamer un processus de répression, par exemple à l'égard des Rom en Serbie, sans que nous puissions garantir que nous serons là pour les défendre, s'ils devaient être attaqués à nouveau à cause des délibérations que nous aurions prises. Je me rends compte, et nous devons tous nous en rendre compte, que si le parti assume des positions importantes, il accomplit des choix importants, et faire des choix importants signifie que des raisons risquent d'être foulées aux pieds. La nonviolence est une chose dramatique. Alors nous devons unifier notre histoire, chers amis: si nous n'avons pas la mémoire de nous-mêmes, nous n'avons même pas l'intelligence possible du futur. Croyez-vous que cela était différent ou plus important qu'un Milosevic de passage, lorsqu'Adolf Hitler, dans le chaos de la République de Weimar, devint che
f du gouvernement? C'était une Allemagne sans la Rhénanie, sans la Rhur, c'était une Allemagne sans rien, c'était une Allemagne détruite par les imbécillités opposées de l'extrême droite et de l'extrême gauche, et toutes deux voulaient une grande Allemagne.... qui pouvait imaginer? Et lorsque les logiques du complexe militaro-industriel qui dominent déjà le monde, relancent la production de la Rhur, de l'acier, des armes dans le monde et en Europe, lorsque brisant le Traité de Varsovie, l'Allemagne occupe, s'approprie contrer "une injustice historique abstraite"... personne ne dit mot. "Bien bien, on réussira probablement ainsi à avoir de nouveau un relancement du militaro-industriel, de l'acier, des grandes forces et des grandes familles capitalistes européennes et occidentales" Bien donc la Rhénanie (ou bien le Kossovo). Après quelques temps, bien aussi pour les autres. Dommage. Mais... attitude prudente de Londres, de Paris: "En somme, si ce démon se rassasie, si nous sommes tolérants avec lui, peut-être
que sa charge d'agressivité pourra se désamorcer". Mais la logique du Léviathan est exactement à l'opposé, plus il mange plus il a de l'appétit, plus il est obligé de dévorer. Et nous avons subi l'Anschluss. Là-aussi, avec des foules triomphantes, et lorsque le monde entier soutient la légitimité de Hitler, pourquoi nous étonnerions-nous si les masses en tirent des conséquences? Nous avons aussi l'épisode espagnol. Nous avons une république légale, personne n'en conteste la légalité. Un général décide de prendre le pouvoir, d'abord dans l'armée puis... Officiellement pour sauver (au nom du peuple comme dit Cossiga) les choses. Devant cet acte clairement violent et anticonstitutionnel, nous avons l'Italie fasciste, officiellement, avec la bénédiction des cardinaux, nous avons les troupes fascistes qui partent pour l'espagne pour soutenir l'armée - serbe ou fédéral - l'armée putchiste, officiellement putchiste, nous avons les troupes nazies qui défilent avec grand fracas. La France est reliée à l'Espagne , la
France de Léon Blum, le plus sacré, encore aujourd'hui, des réformistes du siècle, humaniste, bon, anti-stalinien, la France du Front
populaire, avec ses communistes, avec ses intellectuels, les lendemains qui chantent, la grande unité... Cette France, avec ce qui arrive à côté, avec l'armée putchiste, les troupes nazies et fascistes contre la Société des Nations, contre le droit, proclame la non-ingérence et se limite à permettre, comme les américains, comme tous les autres, à des individus - Malraux et bien d'autres - d'aller faire partie des troupes républicaines de boucherie. Mais j'insiste chers amis, et je pense à Dahrendorf, et à ses analyses: nous n'avons plus besoin du socialisme réel mais hélas, il a fallu trop de temps! parce que la complicité de la classe dirigeante de l'occident lui a permis d'aller de l'avant pendant vingt ans de trop. Nous retrouvons aujourd'hui les héritiers de Chamberlain.
Et puis il y a Munich. Après l'Espagne vaincue, l'Ethiopie annexée, l'Albanie que l'on est en train d'annexer, l'Autriche, la rhénanie, après tout cela on va à Munich et Chamberlain et Daladier signent et attestent que Mussolini est l'Homme de la Paix. J'avais huit ans, mais je me souviens de ces semaines-là de façon incroyable. C'est comme si je les avais vécues en tant qu'octogénaire. Et voyez maintenant ce qui arrive: nous avons permis à Milosevic des années durant et à la Serbie cette occupation, nazie à l'égard d'une province autonome selon la Constitution, les femmes et les hommes albanais. Nous avons permis un gouvernement républicain qui n'était plus légal. La cessation du parlement fédéral a retiré toute légalité à Markovic, mais notre "eurocratie", dans cette "Yougocratie", l'a reconnu sans comprendre qu'il n'avait pas le charisme nécessaire. Et nous devons admettre que pendant deux ans nous avons financé et soutenu une Belgrade administrative tandis qu'à l'intérieur, en Croatie et Slovénie, o
n voyait que c'était un fait suprastructurel sans avenir. L'Europe a dit non à l'entrée de la Yougoslavie dans la Cee. Erreur. Et nous nous étions là pour dire Europe-now car cela était nécessaire à l'Europe comme à la Yougoslavie. Et lorsque l'on parle aujourd'hui de la Dalmatie et des îles... J'ai fait une campagne électorale il y a un an et demi en disant: "reprenons la Dalmatie". Mais comment? avec les joint-ventures. Nous avons deux mille îles, allons-y carnous avons besoin d'argent pour que la Dalmatie soit européenne. Avec la souveraineté croate mais dans le cadre d'une appropriation commune des peuples qui sont des états unis.
Nous avons l'occupation de la Slovénie, de la Croatie - la tentative d'occupation. Nous avons la révolte officielle contre le président de la République..., contre le président du gouvernement qui déclare que le ministre de la défense est putchiste et veux le faire démissionner, nous avons les élections libres, certes pas exemplaires, mais en Croatie et en Slovénie nous avons les procédures constitutionnelles respectées lorsque cela est possible - car je crois que vos indépendances ont respecté tous les mécanismes constitutionnels de la République yougoslave encore praticables. Si cette Europe, si Lord Carrington garde les positions qu'il a évoquées, si nous avons les bêtises qui ont été faites, on prend les agresseurs et les agressés et on les met sur un même plan puis l'on dit à une armée agressive: "si dans dix jours vous n'arrêtez pas, alors nous verrons; si dans dix jours vous arrêtez, très bien, sinon nous donnerons des sanctions"... mais cela signifie "pendant neuf jours vous pouvez occuper tout
ce que vous voulez, vous tuez tout ce que vous pouvez, et tant pis pour vous si à la fin vous n'aurez occupé que 95% du territoire: vous êtes des couillons". Mais comme la République espagnole, dans l'illusion qu'il n'y aura pas d'invasion. La France parce qu'il y a la ligne Maginot, mais aussi Churchill qui à la fin devint un héros mais qui durant toutes les années Trente répétait: "si j'étais italien je serais fasciste". C'est l'Europe! Et alors si nous acceptons au Kossovo ce que nous acceptons, c'est notre responsabilité, de nos partis, de nos internationales. Nos amis sont venus à Rome le mois dernier du Kossovo. Aujourd'hui il n'ont pu arriver à Zagreb. Voilà ce qui est arrivé en vingt jours. Ils n'ont même pas pu passer par Trieste.
Ces choses-là nous les avons dites en avril, mai, juin, à Andreotti, à De Michelis, à Delors, à Lord Carrington, à tous. Les journalistes et les envoyés spéciaux nous donnaient raison. Puis, dès que les journaux doivent enregistrer l'affrontement politique véritable, sur cela, sur les initiatives nonviolentes, radicales et démocratiques, c'est le silence total. Les journalistes de la Stampa, du Corriere della Sera disaient: "Personne ne livre de justes batailles", puis si on en livre, personne n'en parle! Pour éviter que cela crée des t problèmes aux puissants qu'ils critiquent étant donné qu'ils ont le monopole de la critique. Si telle est la situation, il est alors juste de dire, chers amis, que ma préoccupation, en tant que militant radical, a été de dire "Dans les années Trente j'aurais certainement été de ce qui ont combattu en Espagne, contre l'Italie, contre ma patrie" mais permettez moi d'être aujourd'hui dans les mêmes conditions: armé de l'arme de la nonviolence. Lorsqu'ils laissent seuls les
Tudjiman et les Tomac ils laissent seuls les démocrates slovènes, et donc, ils justifient la rage, la frustration et le fait que dans cette démocratie les journaux ne font rien d'autre qu'écrire sur la guerre et non sur la politique. A la fin, au risque de faire oublier que même les soldats serbes de l'autre côté sont obligés, sont aussi des victimes, recréant ainsi le démon de l'autre côté, qui est le reflet de la vision fasciste, raciste de la vie du monde.
Délibérément, lorsque je commençais la campagne contre l'extermination par la faim dans le monde, je priais le parti de dire que c'était moi qui la commençais, que cela ne regardais que moi, car la nonviolence ne peut être communiquée par une motion. Mais je suis prêt à dire que je suis prêt à voir, parmi les conclusions du conseil fédéral, une éventuelle décision de l'invitation à une action nonviolente collective, qui signifie non pas l'obligation de jeûner mais la disponibilité du parti, obligatoire, de servir d'éventuelles décisions plus dures et plus collectives d'actions nonviolentes visant des résultats immédiats. Car le problème est celui que Carlo Ripa Di Meana vient d'énoncer: aujourd'hui finalement, avec Separovic et avec De Michelis, on a su qu'il y aura dans deux mois une reconnaissance. Et l'on continue avec "on leur donne deux mois....". Et l'on dit que quoi qu'ils fassent - ils pourront tuer tous les croates et tous les serbes - pour le moment il n'y aura pas de rconnaissance. Mais pourq
uoi chers amis? Pourquoi?. C'est-là le vrai problème: si en juin nous avions reconnu les indépendances démocratiquement établies - et c'est nous fédéralistes qui le disons, nous antinationalistes -dès l'intervention de l'Onu, cela aurait été légitime, car il y aurait eu agression d'un Etat envers un autre, et en Slavonie nous aurions trouvé la preuve du financement et de l'inspiration de la révolte terroriste contre les indépendances... La prudence voulait cela, car à ce moment là, la déclaration d'intention des deux républiques - confédérale d'une part et européenne de l'autre - était très claire. Donc, confédération yougoslave. C'était la position à adopter: reconnaître ces Républiqes signifiait reconnaître la confédération, bloquer les instincts isolationnistes qui se sont déjà affirmés je le crains, en Slovénie. Mais de manière compréhensible, avec un détachement égoïste (fourbe) des slovènes par rapport à la situation croate et des autres républiques. Il ne faut pas se raconter d'histoires. Du moment q
ue l'on ne touche pas à Capodistria mais seulement Dubrovnik, le problème est grave mais qu'ils se débrouillent! C'est la logique des partis nationaux, c'est la logique du choix de nos camarades libéraux et démocrates slovènes, lesquels ont reformé leurs petits partis nationaux très forts, se sont liés aux internationales inexistantes puis ils jouent aux radical-nationalistes ou aux national-démocratiques, qui est une impossibilité historique dans la situation d'aujourd'hui. Parler de cela, chers amis, n'est pas commencer d'essayer de réfléchir sur ce sur quoi Mamedov et les autres nous invitent à réfléchir pour éviter un eurocentrisme aveugle et suicidaire. Sur la situation de la guerre, sur la situation du conflit entre l'Adzerbaïdjan et l'Arménie, qui engage des populations dont nous savons presque rien?
Mais peut-on penser vraiment que l'on peut gérer une Europe de 70 Etats au lieu de 40? Chacun de ces Etats avec 4, 5 ou 6% des entrées destinés à la Défense nationale, à l'armée? En retirant 6% des entrées à des régions qui sont souvent pauvres parce qu'elles ont été opprimées et ayant une diplomatie propre, une monnaie propre, une banque propre une souveraineté propre?
Nous arrivons à un autre point. Pourquoi l'histoire des années Trente se répète-t-elle? Parce que nous avons une Communauté européenne, une Europe antidémocratique dans laquelle le parlement élu par les peuples on ne reconnaît pas une seule fonction parlementaire. Vous ne savez peut-être pas, amis d'Azerbaïdjan que cette Communauté européenne qui est l'emblème d'une organisation démocratique contre les fédéralismes autoritaires que vous avez vécu, cette Europe est toujours plus décidée à refuser pendant les dix prochaines années au moins tout pouvoir décisionnel au Parlement européen et que le féroce déclin de Mitterrand et du Quai d'Orsay les conduit à être au centre d'une opération qui veut altérer la réalité du Parlement européen pour en faire un mécanisme unitaire avec les douze autres parlements nationaux? Et l'internationale démochrétienne? Et l'internationale écologiste? Que font-elles? Où sont-elles? Comment se préparent-elles? Si le problème de l'ozone existe, si l'effet de serre existe, si le
niveau de l'océan s'élèvera de 10 ou 20 ou 30 cm et si une dizaine, une vingtaine d'îles seront submergées comme on le prévoit et que cela posera des problèmes à 20 ou 30 millions de personnes, êtes-vous certains que nous ne vivons plus désormais dans un monde où la démocratie réelle nous invitera à militariser la défense et la vie civile pour garantir le salut écologiste du système et la soustraire aux pertes de temps politique et démocratiques? Etes-vous certains que devant l'immigration, sauvage.... A part le fait que dans l'histoire cela est toujours arrivé, ce qu'apportaient les Huns et leur civilisation inconnue et les Mongols, c'était les famines. Les données du monde ne changent rien. Nous avons ces données d'invasion, maintenant nous craignons l'invasion des pauvres croates et des slovènes et il y a eu une réunion entre De Michelis et le monistre croate précisément sur ce sujet. L'Italie pourrait en accueillir 30.000 ou 80.000? Et vous verrez la lutte politique italienne comme elle sera transformée
par tout cela!
La caractéristique de notre temps et dont nous devons tenir compte, c'est le divorce entre le savoir et la politique, c'est le divorce entre la conscience de ce qu'il adviendrait et la capacité systématique de le réaliser. Ceux qui ne le réalisent pas ne sont pas méchants: ils ne le peuvent pas. C'est une donnée structurelle qui ne le leur permet pas. Mais nous sommes convaincus que la démocratie classique au contraire, la plus essentielle, est encore à tenter et à essayer, car en réalité, elle n'a pas été essayée même par rapport aux dictateurs et aux dictatures et aux tentations et illusions totalitaires.
Alors, nous, nous sommes associés pour le faire ensemble. Le vrai problème, le premier secrétaire l'a dit, et moi je vais essayer de le dire de manière différente: si une minute de conseil fédéral coûte 60 dollars, et dix minutes 600 dollars, si nos sources de financement sont avant tout celles de l'autofinancement, si vous pensez combien coûte une heure de parti transnational... contrairement à ce que je pensais, cela sert vraiment à quelque chose, derrière cette petite chose humble (le journal "Le Parti Nouveau"), envoyée à 57.000 parlementaires, il y a des dépenses énormes. Il y a des dizaines de milliers de dollars, des centaines de milliers de dollars pour chacune de ces pages du journal. Pourquoi? Parce que le système humain actuel est fait de telle manière que déjà le transport, le routage, etc... coûte quatre fois le coût du papier ou l'imprimerie, et que pour ce faire nous avons dû créer l'équipe, une structure nouvelle, inédite, de traduction, d'expédition, si bien que l'argent des inscr
iptions, les 500 lires par jour, source de scandale en Italie, que coûte l'inscription au parti radical, fichent le camp - chaque minute - en transport, en choses invisibles. C'est une vie des années 1910 que vivent nos militants Marino Busdachin, Olivier Dupuis, les autres, ceux qui travaillent à la création de la situation polycentrique d'initiative politique. Nous vous avons informés de la destination des 5 millions de dollars provenant des inscrits italiens ou du financement public. Mais attention - et cela est important, c'est une information que vous devez recevoir - la loi italienne oblige à dépenser pour les activités nationales du parti l'argent du financement public. Nous, officiellement, avec nonviolence, nous désobéïssons, et tout cet argent est transféré sur les activités transnationales, tout en services et rien en structures de parti: il faut prendre ceci en considération.
Mais nous vous avons aussi informé que ces 5 millions de dollars cette année, par exemple, ont fait défaut. Car il y a eu moins d'inscrits. Il y a eu dix fois plus d'inscrits parmi la classe dirigeante et moins d'inscrits, quelques centaines en moins de simples militants. Or, nous savons que les dix fois plus d'inscrits de la classe dirigeante, des députés et parlementaires, est un moyen pour obliger les mass-medias, si les députés, les ministres s'inscrivent, à faire parler du fait qu'il est possible de s'inscrire au Parti radical. Je ne me préoccupe donc pas des quelques centaines d'inscrits en moins _(3 ou 400 en Italie) si nous pouvons, à la limite, les récupérer avant décembre. Mais le grand problème auquel nous devons répondre, chers amis, c'est celui qu'ont posé le premier secrétaire et le trésorier. Dans les relations il est écrit que, ayant déboursé 5 millions de dollars pour avoir la possibilité de créer ensemble la force transnationale et transpartite, nous avons déjà subi un moindre apport d
'entrées. Au fond, si aujourd'hui il y a 20 parlementaires soviétiques inscrits au parti, il y a en Urss 200 inscrits en moins par rapport à l'année dernière; en Hongrie, la moitié de ceux de l'année dernière; en Tchécoslovaquie de même... En Roumanie la situation est un peu différente mais il faut tenir compte de la diminution....
Lorsque dans trois mois ces 5 millions de dollars - il n'en reste plus que la moitié - seront complètement épuisés, que ferons-nous? C'est sur cela que le premier secrétaire et le trésorier se tourmentent et que nous nous tourmentons tous. Mais peut-être qu'aux prochaines élections je réussirai à faire une liste non radicale et que cela nous permettra d'avoir une partie du financement public. Puis les autres camarades, Adelaide et les autres, devront toujours plus répondre aux exigences de leurs organisations nationales et par conséquent - se sacrifiant toujours plus -ils pourront donner toujours moins sur le plan du temps et de l'énergie-temps et de l'énergie-argent... Voilà donc l'urgence, lorsque nous vous disons que nous savons que le mandat de Budapest ne nous permet pas de faire encore un congrès. Pourquoi? Parce que un congrès doit-être convoqué à un moment où il est possible d'établir que le centre des responsabilités se déplace à Moscou ou à Kiev; sinon, un congrès devient illusoire. Il faut un
congrès dans lequel il est possible que ce ne soit pas uniquement la classe dirigeante historique du vieux parti radical qui gère la transition. Et si nous aujourd'hui nous partions, je suios sûr que tout serait détruit au bout de trente jours: nous n'aurions même pas de quoi décommander les participants. Il faut donner une réponse à tout cela, et il me semble que si nous convoquons notre congrès en janvier, dans 60 jours, pouvons-nous, Sergio Stanzani, Emma Bonino, Marco Pannella ou Paolo Vigevano ou Marino Busdachin ou Olivier dupuis ou Paolo Pietrosanti, passer la responsabilité à d'autres? Est-il possible en 60 jours, de vous donner le temps - à vous collègues des grandes histoires politiques et humaines, à vous députés de vos pays, de vos territoires, de vos parti - de trouver quelqu'un qui soit prêt et capable d'assumer la direction du parti, qui demande une présence de 24 heures sur 24 sur des choses apparemment décevantes? Emma Bonino - membre de la Chambre, membre de la Présidence de la Chambre ita
lienne - qui a toujours eu des caractéristiques, comme Adélaïde, de charisme, d'engagement populaire et de force politique, depuis un an s'occupe de compter chaque jour les listes d'adresses; et Sergio et Paolo se penchent chaque jour sur les coûts de la typographie, sur les temps réduits, sur l'incapacité, sur la façon de trouver des caractères d'imprimerie cyrilliques, sur la manière de rendre compatible le système Agorà d'informatique... Et l'argent qui manque!...
Agorà a une valeur commerciale énorme: si nous présentions à la Coca Cola ou à la Cee ou aux complexes militaro-industriels 50.000 ou 60.000 ou 70.000 adresses de parlementaires dans le monde, ce serait une grande valeur commerciale: c'est quelque chose d'inédit que personne ne peut improviser. Nous n'avons pas le temps de transformer tout cela en trésor.
Nous avons 4 ou 5 inscrits en un mois. Il y a ce mystère de Tomac qui est ici présent, il y a des personnes mûres de 40, 50, 60 ans qui s'inscrivent. Ce n'est pas du vent. Aujourd'hui Ivo Jelic est une réalité solide et importante, il est ici pour nous et pour Dubrovnik.
Convoquer le Congrès signifie tout cela. Mais je dois vous dire qu'il y a un motif politique pour lequel nous voulons le faire. Il n'est guère possible, chers camarades, de travailler dans une situation italienne dans laquelle la majorité des vieux camarades, prestigieux, disent que nous sommes une dictature, qu'il n'y a pas de vie démocratique dans le parti, que nous ne permettons pas aux autres de travailler. Et qu'il y a des erreurs capitales dans notre gestion politique... Ce n'est pas possible. Et si nous avons le moindre respect pour nous-mêmes, nous assumons la responsabilité de ne pas respecter les fondements des délibérations de Budapest, de ne pas respecter l'évidence...
Il y a des gens qui disent que le parti est en train de mourir et que nous sommes des incapables, des traîtres, des fascistes... Cela veut dire que vous n'existez pas, vous, Tomac, les autres. Mais Comment? Oui, je fais allusion à l'ami Roche, tout le monde l'a entendu. Nous vivons des choses fausses. Car la seule chose qui soit sûre c'est que ce parti, qui a élu ses responsables, a épousé de manière indéterminée les temps de congrès en établissant qu'il ne doit pas y avoir nécessairement dissolution ou congrès. C'est-là notre tâche.
Un congrès coûte au minimum un milliard de lires, un million-un million et demi de dollars,tout dépend de l'endroit où on le convoque. La moitié au moins de ce million et demi de dollars, il faut les soustraire aux deux millions de dollars qui restent sur le projet des journaux que nous devons continuer d'envoyer. Un congrès dont je me demande s'il chacun est libre de me permettre de ne pas en être le Président du Conseil fédéral... C'est une question démocratique sérieuse, morale. Sera-t-il possible de permettre à Stanzani de devenir le Président du plus grand network Tv italien ou bien tout autre chose qui puisse nous servir? Ou bien à Emma Bonino de faire de la politique parlementaire, internationale, antiprohibitionniste, verte, au lieu de jouer à la passionaria des conneries? Est-il possible que Paolo Vigevano aille finalement s'occuper de Radio Radicale?
Considérons cette absence de l'Europe de la démocratie réelle, occidentale: absente de la lutte comme elle était dans l'Espagne républicaine contre Franco, et absente en Yougoslavie et absente chez nous. Pour les bonnes consciences... Et alors nous serons appelés à choisir. Je comprends que vous pouvez vous sentir violés, vous arrivez à peine et vous devez déjà décider et faire un choix. On convoque le congrès en janvier? En plus c'est un moment, c'est une manière pour se connaître davantage, mais nous vous avons dit pourquoi pour nous il est essentiel de débattre avec des camarades qui arrivent malgré notre dépravation à donner au Parti radical l'essentiel de leur temps concret, jour après jour.
Il y a des camarades d'extrême importance qui disent ne pas pouvoir agir parce que je ne le leur permet pas, carce que stanzani ne le leur permet pas. Mais il y a aussi des camarades qui agissent malgré nous semble-t-il, des camarades toujours plus nombreux qui arrivent à donner leur temps au parti, leur argent, leur intelligence.
Je vous demande pardon d'être aussi long... mais je pense même que je ne parle pas assez des choses urgentes dont il faudrait parler. Peut-être comprendrez-vous mieux combien les relations de stanzani et Vigevano créent les conditions techniques et matérielles afin que vous puissiez choisir, assumer les responsabilités des choix collectifs et individuels. Autrement nous n'y arriverons pas.
Sur la question de mon jeûne, comme vous le constatez, je vais bien. J'espère que l'éventuelle décision du parti de passer à une campagne politique articulée et précise ne sera pas compromise par la motivation - louable et fraternelle - de s'associer et de partager avec moi cette souffrance de lutte, ce serait un désastre.
Voilà ce que veut dire "Congrès ou pas Congrès", et sur ce, j'espère que nous pourrons discuter sur les questions yougoslaves.
Merci.