Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
mar 29 lug. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Archivio Partito radicale
Taradash Marco - 30 novembre 1991
Comment réformer la politique sur la drogue
par Marco Taradash

SOMMAIRE: Partant du bilan désastreux de la "drug war", Taradash oppose à la simple capitulation devant les narcotrafiquants une stratégie antiprohibitionniste qui tend à réglementer les drogues en respectant les libertés personnelles, à réduire le nombre de drogués et à soustraire des régions de plus en plus vastes du monde à la "narcocratie". Répondant aux critiques qui sont normalement avancées par les prohibitionnistes contre la légalisation de la drogue, l'auteur confirme que l'expérience du prohibitionnisme sur les boissons alcoolisées aux E.-U. prouve les avantages d'un marché régulier par rapport aux coûts du libre marché criminel. Après avoir mis en évidence que la dépénalisation à elle seule, si elle garantit d'une part le droit de chacun d'utiliser librement son corps sans nuire à autrui, n'offre pas de solution au problème sanitaire et au problème criminel, l'auteur décrit les divers modèles de légalisation qui sont ressortis du débat international: le marché libre des drogues (Friedman-Stevenson

); le système de "taxes et contrôles" (projet de loi Teodori); la théorie du commerce passif (Caballero). On approfondit ensuite certaines expériences pilote (Hollande, Liverpool et Zurich) basées sur le principe de la "réduction du dommage" et les tournants politiques les plus significatifs dans le sens de la réforme des positions prohibitionnistes dominantes (résolutions du Parlement européen et du Congrès de Francfort). Dans les conclusions l'auteur avertit du danger que, pour faire face aux menaces du narcotrafic, le monde puisse précipiter de nouveau dans les catastrophes de l'irrationalisme violent et autoritaire.

(LEGALIZZARE LA DROGA - UNA RAGIONEVOLE PROPOSTA DI SPERIMENTAZIONE, par Luigi Manconi, textes de Arnao, Ferrajoli, Manconi, Pisapia, Taradash, Editions Feltrinelli, Milan 1991)

Là où la guerre a échoué, la seule alternative est la capitulation face à l'ennemi, ou alors une victoire de paix, non violente, est-elle possible? Le problème auquel les prohibitionnistes veulent fournir une réponse peut être formulé de la façon suivante: a) en admettant que certains comportements personnels liés à l'utilisation de certains produits peuvent nuire à la santé physique et mentale d'un individu, avec des conséquences sur sa vie sociale, b) est-il nécessaire et inéluctable de laisser la main libre au crime organisé et mettre en danger la sécurité de tous les citoyens, la fonctionnalité de l'administration publique, l'honnêteté et la transparence de la vie politique, la certitude de l'état de droit, en un mot la démocratie, pour c) essayer- sans y réussir - d'éliminer ces produits du marché? Ou peut-on réglementer par contre les substances qui peuvent engendrer une toxicomanie en respectant les choix individuels et en défendant les intérêts de la société? Et encore: une politique libérale visant

à la réduction du nombre de consommateurs de drogues, légales ou non, est-elle possible? Ou, pour utiliser un langage plus dramatique, mais qui n'est plus tellement loin de la réalité: peut-on avoir une politique efficace sur la drogue, sans mettre en danger la démocratie et s'en ouvrir le chemin - dans des régions de plus en plus vastes, et de plus en plus proches, du monde - à un régime de "narcocratie"?

1. Quelques réponses aux prohibitionnistes

Les arguments utilisés par les prohibitionnistes pour éviter une discussion ouverte sur la légalisation des drogues peuvent se limiter à quatre. Le premier est pour la défense du prohibitionnisme: celui-ci n'a pas fonctionné parce que jusqu'à ce jour il n'y a pas eu une volonté effective de le faire fonctionner, et parce que la coopération nécessaire a manqué jusqu'ici au niveau international. L'argument est fragile. Avant tout, pourquoi les raisons qui ont empêché jusqu'ici la "coopération nécessaire" devraient-elles disparaître? Si la corruption des gouvernements et des fonctionnaires exercée par les organisations des narcotrafiquants est une des causes principales du problème, la coopération internationale est tout simplement impossible: faire disparaître la corruption est à la fois la condition et l'objectif d'une stratégie de succès. Si par contre les résistances naissent de doutes et de contrastes sur l'efficacité de la politique répressive, avec quelle arme ou quelle autorité est-ce qu'on imposera à d

es nations et des gouvernements en dissentiment de se soumettre éventuellement à un commandement unifié contre la drogue? Mais le point le plus faible de l'argument est un autre: même si tous les états du monde se coalisaient dans la volonté d'éliminer le trafic de drogue, nous n'aurions aucune garantie d'un succès plus grand que celui que tous les états du monde, qui sans exception punissent le vol et l'homicide, obtiennent dans la répression de ces crimes. Il ne suffit pas d'un acte universel de volonté pour effacer la recherche de gains faciles (ou pour éluder les causes sociales de comportements illégaux).

Le deuxième argument des prohibitionnistes est dirigé contre les conséquences de la légalisation. On objecte que l'utilisation des drogues augmenterait énormément, que le dommage causé par l'utilisation accrue des vieilles drogues et des nouvelles qui entreraient dans le commerce ne serait pas compensé pas une plus grande sécurité de la consommation légale, et que ce dommage serait de loin supérieur aux coûts sociaux que la légalisation ferait diminuer (crime organisé, délinquance, corruption, etc.). Les prohibitionnistes n'ont aucun élément théorique ou pratique qui puisse supporter ces arguments. En revanche, les antiprohibitionnistes peuvent imputer aujourd'hui au système prohibitionniste une croissance constante du nombre de consommateurs de drogues illégales, du nombre de pays et même de continents impliqués dans la consommation et le trafic, ainsi que le retour sur le marché de drogues disparues depuis longtemps (comme la cocaïne). L'introduction de nouvelles drogues plus dangereuses pour la santé (com

me le crack). Les expériences d'orientation antiprohibitionniste (comme la vente libre de haschich et de marijuana en Hollande ou la production pour usage personnel en Alaska), bien que limitées, prouvent au contraire qu'un marché réglé s'étend moins qu'un marché sans aucun contrôle comme celui qui se développe dans le système prohibitionniste.

Le troisième argument des prohibitionnistes est contre la possibilité pratique de la légalisation. Il faudrait, dit-on - et c'est vrai - un accord international, ou plutôt planétaire, pour que le système fonctionne et c'est impossible. En réalité a) cela vaut aussi pour le prohibitionnisme, et les appels constants à la coopération internationale montrent l'absence de cette condition; b) "harmoniser" les politiques sanitaires, et harmoniser les polices, les armées, les normes et les appareils de répression, sont deux choses fort différentes: alors que la répression exige une coordination rigoureuse, les stratégies sanitaires bénéficient en revanche de la diversité des approches et de l'expérimentation; c) il est plus facile de parvenir à un accord au niveau de la Communauté Européenne et des Etats-Unis, moyennant les procédures politiques habituelles, que de vaincre une criminalité et une corruption produites par le narcotrafic; d) ceux qui soutiennent que la communauté internationale ne sera jamais en mesure

de modifier démocratiquement ses propres choix politiques ont fort peu confiance dans la démocratie.

Le quatrième et dernier argument des prohibitionnistes, leur arme secrète, est l'éthique. Ou plutôt l'Ethique. Mis au pied du mur dans la confrontation rationnelle et sur le plan des faits, ils découvrent la carte des Valeurs, de l'Homme, de la Société En Bonne Santé et diverses autres abstractions majuscules. L'Absolu n'accepte pas de comparaisons critiques, c'est vrai, mais ses interprètes manquent souvent la cible. L'objection est en effet facile: si les Valeurs sont en jeu, pourquoi interdire certaines drogues et pas toutes? Le tabac et l'alcool tuent cent fois plus que l'héroïne, par exemple. Il serait bien étrange de voir un adversaire de la peine de mort faire campagne contre la guillotine mais pas contre la chaise électrique. La réponse habituelle est que la légalisation d'un vice ne justifie pas la tentative d'en légaliser d'autres. Et voilà que l'Ethique se montre pragmatique. Mais à ce point l'arme secrète devient un pistolet qui tire à blanc. L'exemple de l'alcool (grâce au précédent désastreux d

u prohibitionnisme sur les boissons alcoolisées dans les Etats-Unis d'Al Capone) montre justement les avantages d'un marché réglé par rapport à la totalité des coûts du marché libre et criminel et des dommages causés par l'échec de la répression.

2 - Balance et balance de précision

Il y a quelques années encore les adversaires des lois prohibitionnistes sur la drogue proposaient généralement comme alternative la dépénalisation de la consommation des drogues dures d'une part, du petit commerce et de la consommation de cannabis et de ses dérivés (haschich et marijuana, drogues douces ou - selon la définition radicale - "non drogues") de l'autre. Le facteur clé semblait être le fait de briser le lien commercial entre le cannabis et l'héroïne à l'intérieur du marché criminel, ainsi que le lien sociologique - entre milieu criminel et fumeurs de chanvre indien - imposé par des lois qui conduisaient en prison (l'Université du crime, la seule Université italienne qui fonctionne, disait-on alors) des centaines et des centaines de jeunes. On aurait pu éviter de cette façon le passage d'une substance à l'autre et une ample diffusion de l'héroïne. Marco Pannella, qui a été le premier à introduire la question de la drogue dans l'agenda politique national, s'opposa (à sa façon, en se faisant arrêter

fumant un joint) au projet de loi sur la drogue en discussion en 1975, en argumentant que l'interdiction du commerce des substances douces aurait ouvert le chemin à l'héroïne. (1)

Les législateurs de 1975 accordèrent peu de poids à ces prévisions et peu après le marché de l'héroïne était devenu le facteur le plus important de l'activité criminelle. Au fil des années il aurait transformé aussi la nature des organisations criminelles traditionnelles, comme la mafia, la "camorra" et la "'ndrangheta", portant à des niveaux imprévisibles leur dangerosité sociale et leur influence corruptrice sur le système démocratique. Suite à l'élargissement de la gamme de produits dans le commerce, on a vu que la séparation des marchés - malgré les avantages qu'elle peut comporter - n'aurait pu freiner ni les profits ni la violence liée au commerce de drogues beaucoup plus puissantes et rentables; une fois le marché de l'héroïne consolidé, le marketing criminel a introduit sur le marché une substance "en hibernation" depuis des décennies, la cocaïne, visant principalement les classes moyennes et riches; lorsqu'il est apparu possible d'inaugurer un nouveau marché à l'intérieur des ghettos et des classes

sociales les plus défavorisées, l'industrie chimique criminelle a produit le crack. Le chiffre d'affaire planétaire a atteint un niveau que l'ONU situe à la deuxième place de toutes les marchandises dans le commerce, tout de suite après les armes et avant le pétrole.

L'aggravation du problème de la drogue a ainsi convaincu depuis longtemps la majorité des mouvements réformateurs dans le monde à renoncer à leur position d'origine et à proposer la légalisation de toutes les principales drogues en circulation, indépendamment des conséquences toxicologiques de leur utilisation ou de leur abus (depuis 1984 au moins, Marco Pannella et le Parti radical proposent cette solution). Chaque drogue, quels que soient les dommages à la santé que son utilisation ou son abus peuvent causer, est plus facilement contrôlable à l'intérieur du marché légal. Alors que la loi qui en interdit le commerce a pour seul résultat constant et irrémédiable d'alimenter un tourbillon irréfrénable de milliards, la corruption et la violence.

La légalisation des "drogues douces" a donc uniquement un sens si elle est entendue comme un premier pas expérimental vers une abolition généralisée du prohibitionnisme.

Si elle considérée comme un point d'arrivée, l'effet de cette politique est doublement nuisible: parce qu'elle lie la répression à la nocivité de la substance, comme si la répression était plus efficace que d'autres formes de contrôle social, et parce qu'elle n'affecte nullement les aspects les plus destructifs du problème de la drogue. Le lien entre la marijuana, le haschich et les principales organisations de la criminalité organisée n'est en effet pas significatif, tandis que celui avec la microcriminalité ou avec la diffusion du SIDA est totalement inexistant. Le problème de la drogue est ailleurs, pas dans les substances mais dans les lois. Si notre objectif est de changer cette situation, "il vaut mieux légaliser l'héroïne et la cocaïne et laisser la marijuana dans l'illégalité", a écrit David Boaz, vice-président du Cato Institute de Washington. (2) Ainsi, la légalisation du commerce des feuilles de coca (qui a été considérée pendant des siècles comme un aliment, et non comme une drogue), demandée par

les "cocaleros" des Andes, pour créer une alternative économique légale à la production de cocaïne: même si elle diminuerait l'illégalité et la corruption dans beaucoup de pays latino-américains, elle modifierait peu ou pas du tout la situation des trafics de cocaïne à Los Angeles, Naples ou Medellin.

Il est vrai par ailleurs qu'une des distorsions caractéristiques de presque tous les régimes prohibitionnistes occidentaux est le fait que la répression est plus efficace à l'encontre des fumeurs d'"herbe" que des héroïnomanes ou des cocaïnomanes: En France, en 1990, 65% des procès ont concerné le cannabis, 30% l'héroïne et 5% la cocaïne; en Italie, sur dix personnes arrêtés avec du haschich ou de la marijuana, 5 finissent en prison, alors que pour l'héroïne cela n'arrive que dans un cas sur dix. Pour les Etats-Unis, un chiffre suffit: en 1988, 327.000 personne sont été arrêtés pour détention de marijuana. (3)

Quant à la dépénalisation de la consommation des drogues dures, comme l'héroïne et la cocaïne, l'expérience prouve que ce n'est pas suffisant. La dépénalisation n'éviterait pas les terribles problèmes que la prohibition provoque parce qu'elle laisserait dans les mains des organisations criminelles, rien qu'en Italie, un marché de plusieurs milliers de milliards de lires, alors que les toxicomanes continueraient à commettre des crimes contre la propriété ou la personne et à engorger le système judiciaire et les prisons. C'est pourquoi il ne faut pas regretter la loi italienne de 1975 et le principe de "faible quantité". Même s'il est vrai qu'au pire prohibitionnisme et 'punitionnisme' il n'y a jamais de fin, comme le prouve le critère inconstitutionnel et artificieux de la "dose moyenne journalière" (dmj) introduit dans la législation italienne pour distinguer le consommateur (surpris avec moins de la dmj et envoyé devant le préfet) du trafiquant (en possession d'une dose supérieure à la dmj et introduit dans

le circuit pénal). Peu confiants dans la balance de la justice, les législateurs se sont remis à la balance de précision encore moins fiable du pharmacien, pour légitimer ensuite des interprétations plus flexibles et raisonnables de la loi, des interprétations qui en trahissent cependant la lecture et l'esprit, et qui désorientent l'opinion publique.

3. Expériences de dépénalisation

A partir du début des années soixante-dix, la dépénalisation a été ou est encore en vigueur dans certains pays, de facto ou de jure. Les conditions théoriques des principales expériences de dépénalisation remontent à la fin des années soixante-dix, quand, suite à la diffusion de la consommation de cannabis, de LSD et d'autres drogues comme faisant partie de la culture de la jeunesse, certains gouvernements créèrent des comités officiels pour avoir des indications sur la manière de réagir. Les premiers furent la commission Shafer aux Etats-Unis, la commission Le Dain au Canada, la commission Baan en Hollande. Les rapports furent publiés entre 1972 et 1973, et conseillèrent une politique pragmatique, basée davantage sur l'éducation que sur la répression, et attentive à ne pas favoriser le passage de substances presque inoffensives comme la marijuana à d'autres beaucoup plus dangereuses, qui commençaient alors à circuler, comme l'héroïne. Les Pays-Bas furent le seul pays à tenir compte de ces indications, sans

interrompre - avec un pragmatisme à tout champ - leur solidarité avec l'internationale prohibitionniste. Une loi de 1976 a confirmé l'illégalité des drogues dures et douces, mais a décrété que la possession d'une quantité de cannabis ne dépassant pas 30 grammes n'est puni que par une contravention, par une peine allant jusqu'à 1 mois de prison ou par une amende de 10.000 florins. Cette dépénalisation partielle de jure a été cependant suivie par la dépénalisation totale de facto: non seulement le consommateur de marijuana ou de haschich n'est pas poursuivi pénalement, mais de fait c'est le commerce de cannabis pour usage personnel qui est rendu libre (dans les coffeeshops). Les drogues douces restent illégales mais les autorités les traitent comme si elles étaient légales. Les régles non écrites des coffeeshops sont les suivantes: 1) pas de drogues dures; 2) pas de violence; 3) pas de recel ou vente de marchandises volées; 4) intervention de la police en cas de violation de ces règles. (4) Les lois et les pei

nes sont appliquées uniquement contre le trafic international ou bien lorsque les fournisseurs de cannabis exercent également une activité de prosélytisme ou de publicité.

A l'égard aussi du simple consommateur d'héroïne, la répression est quasiment inexistante mais l'Etat a organisé un réseau capillaire de services qui réalisent un contrôle social de type non pénal très fort et très étendu.

On a parlé de dépénalisation aux Etats-Unis au début des années soixante-dix lorsque 11 Etats modifièrent les lois sur la marijuana: celle-ci restait illégale aussi bien pour les lois fédérales que pour celle des Etats, mais celui qui possédait recevait une amende, sans risquer ni l'arrestation, ni une tâche permanente dans son casier judiciaire. Le premier Etat qui a aboli la peine pour la consommation de marijuana fut l'Oregon en 1973, alors que seul l'Alaska, avec une décision de la Cour Suprême de 1975, avait affirmé le droit des adultes de cultiver et de consommer de la marijuana à leur domicile (norme qui a été abolie en novembre 1990 par référendum).

Il y eut quelque chose de semblable en Italie avec la norme prévue par l'ancienne loi de 1975 - sur la "faible quantité" - qui évitait des conséquences pénales au simple consommateur de drogue, dures ou douces qu'elles fussent. Aujourd'hui encore, dans le cadre de la loi 162, une forme relative de dépénalisation est représentée par la norme sur la "dose moyenne journalière" qui expose les deux premières fois le coupable à une sanction administrative et non pénale. Bien plus large - et sans comparaison en Europe - est la dépénalisation prévue par la législation espagnole de 1983, qui exclut la possession de drogues pour usage personnel, dures et douces, de la liste des comportements punis par la loi. Aujourd'hui cette norme est remise en discussion: fort probablement, dans un prochain futur, celui qui fera usage de drogues en public sera passible d'une amende.

Le bilan de l'expérience hollandaise et américaine de dépénalisation de la marijuana a été positif: la consommation de ces produits n'a pas augmenté, ce qui prouve que la libre disponibilité de drogues n'est pas en soi un facteur d'extension illimitée de la consommation. Ce n'est donc pas la drogue qui produit les drogués (j'utilise intentionnellement la sémantique prohibitionniste), mais la consommation est induite ou découragée par un ensemble de facteurs économiques, sociaux et culturels qu'il est nécessaire d'analyser. Le gouvernement hollandais a fourni périodiquement aux organismes internationaux de contrôle des rapports indiquant comment la consommation de cannabis a baissé graduellement au cours des années. Aux Etats-Unis, des analyses comparées entre les Etats qui appliquaient la dépénalisation et les autres, ont été possibles. La National Academy of Sciences remarquait en 1982, au terme d'une enquête dans la fédération, que "probablement" le fait le plus important est que là où cette politique a ét

é adoptée elle n'a pas conduit à des niveaux appréciables de consommation majeure par rapport à ceux qui auraient existé si l'usage avait été interdit". Par conséquent, si l'importance de la consommation était en soi un élément décisif pour l'appréciation des diverses stratégies (indépendamment des risques et de la qualité de la vie liée à la consommation), l'expérience hollandaise et américaine sur la marijuana marquerait un point fort important contre le prohibitionnisme.

Quant à l'héroïne et à la cocaïne, la comparaison entre l'expérience hollandaise et espagnole est significative. Sous le profil général les avantages sont plutôt discutables dans les deux cas: le narcotrafic n'a pas été affecté, ni même la délinquance urbaine. Avec la différence que, alors qu'en Hollande la situation s'est stabilisée, en Espagne les choses ont empiré au fil des années et le pays est désormais contraint d'affronter une forte menace du crime organisé et de la corruption conséquente, comparable à celle de l'Italie. Du point de vue du consommateur, les différences entre les deux systèmes sont abyssales: alors que les Pays-Bas ont voulu et su construire autour des toxicomanes un réseau de protection étendu et efficace, qui a contribué à rendre stable leur nombre et à réduire aux moindres termes la diffusion du Sida, le gouvernement espagnol n'a associé à la loi de dépénalisation de 1983 aucune politique sanitaire de réduction du dommage. De sorte que, alors que les stratégies d'offre des organisa

tions criminelles s'étendaient et que de nouveaux produits étaient introduits sur le marché, la demande ne rencontrait aucun frein. L'offensive des forces de police espagnoles contre le narcotrafic, en tout semblable à celle de l'Italie - renforcée par une loi de 1988 qui introduit de nouvelles hypothèses de crime et qui aggrave les peines - n'a pas affecté significativement l'offre et absolument pas l'augmentation des consommateurs. L'absence d'un plan intégré de politique sanitaire a fait en sorte que l'Espagne soit aux cotés de l'Italie (et que certaines villes des E.-U., comme New York) aux plus hauts niveaux mondiaux de diffusion du Sida et du virus Vih parmi les toxicomanes.

Le cas espagnol offre la confirmation que la dépénalisation et la dépénalisation, si elles sauvegardent le droit de chacun de faire librement usage de son corps et de son cerveau sans nuire à autrui, ne réduisent pas le problème sanitaire; et elles laissent en vigueur, sans modifications substantielles, cette "taxe" non codifiée sur les consommateurs (dont Milton Friedman a parlé le premier) qui exige des contributions très élevées en termes de sécurité et de légalité. Ce n'est pas par hasard qu'en Espagne la question drogue soit, d'après les sondages menées avant les élections administratives de mai 1991, la première raison de préoccupation de la société. Au lieu de s'interroger sur la manière d'offrir des services sanitaires et sociaux adéquats, les partis politiques espagnols font la course pour inventer des instruments plus raffinés de répression. En revanche, une grande partie du monde académique et intellectuel espagnol, insatisfaits par la simple dépénalisation mais conscient des dommages majeurs de l

a répression, a proposé la solution antiprohibitionniste. (5)

4. Modèles de légalisation

A l'idéologie prohibitionniste, qui poursuit, à tout prix, l'objectif de déraciner le mal absolu de la drogue de la face de la terre ou - comme alternative pratique - d'inspirer la peur et prescrire des peines à ceux qui acceptent ou favorisent ce mal, les antiprohibitionnistes veulent opposer non pas une autre idéologie mais une formulation différente du problème, et de nouvelles normes, de nouvelles prescriptions, de nouveaux services. Notre point de vue n'est pas celui de la morale d'état ni celui des consommateurs de drogues interdites. C'est le point de vue de la citoyenne et du citoyen, c'est-à-dire d'une communauté (formée par une immense majorité de personnes qui ne consomment pas de drogue et qui ne sont pas toxicomanes) qui ne veut plus subir passivement les méfaits du prohibitionnisme. Tous les modèles que nous verrons sont faits pour fonctionner, ou pour remédier aux dégâts causés historiquement par l'idéologie et la pratique des lois prohibitionnistes. Beaucoup de partisans de la légalisation n'

auraient pas mis en discussion les lois en vigueur si elles avaient fait leur preuve, et ils trouvent raisonnable que la valeur et l'opportunité d'une loi soient mesurées à la lumière de ses coûts et de ses bénéfices. Une loi "bonne" doit être aussi une bonne loi.

Naturellement, il n'y a pas qu'une seule stratégie antiprohibitionniste. S'il est vrai que la plupart des pays occidentaux ont légalisé le divorce, il est difficile de trouver deux systèmes juridiques qui ne diffèrent pas sur des questions cruciales comme le temps qui doit s'écouler entre la séparation et le divorce, le caractère consensuel du divorce, le régime des chèques pour le conjoint le plus faible, etc. La même chose est valable pour les lois sur l'avortement: avant quel mois? Rien que dans les hôpitaux publics ou également dans les cliniques privées? Avec le consentement du conjoint? Uniquement dans le cas où la vie de l'enfant qui va naître soit en danger ou également en ce qui concerne la santé mentale de la femme enceinte? Les lois de chaque pays offrent des réponses différentes à ces questions. Cela pourrait être également valable pour la réglementation légale des drogues, du moment que l'éventail des propositions est déjà aujourd'hui très varié.

Il existe en premier lieu une alternative en ce qui concerne le statut du consommateur, c'est-à-dire les modalités d'accès légal: l'acheteur doit-il être muni d'une prescription médicale ou non? Et si la réponse est oui, toutes les drogues interdites aujourd'hui seront-elles sujettes à médicalisation, ou seulement quelques-unes? La médicalisation est généralement présentée comme une phase de transition du système prohibitionniste au système de légalisation, un moment d'information et de prévention dont la durée peut varier selon le degré de conscience acquise par la société sur les risques des nouvelles drogues à accès légal. L'alternative est encore plus drastique en ce qui concerne le statut du commerce: faut-il le confier au marché et à sa capacité d'auto-réglementation ou doit-il être sujet à une forme quelconque de restriction d'un contrôle d'état, avec ou sans monopole? A une extrémité on trouve la réponse libertaire qui unit les partisans du marché libre et ceux qui voient dans la liberté individuelle

la seule source de droit pour les comportements qui ne nuisent aucunement à autrui. Pour ces derniers est valable ce qu'écrit Stuart Mill dans son "Essai sur la liberté": "Sur soi-même, sur son esprit et sur son corps, l'individu est souverain". (6) A l'autre extrémité il y a le contrôle total de l'Etat sur la production et la vente de toutes les drogues, accompagné par des critères sélectifs concernant la mise en vente de telle ou telle autre substance.

C'est parmi ces points extrêmes que doit être trouvée la meilleure solution législative pour réduire les dommages personnels provoqués par l'utilisation ou l'abus de drogues et pour conjurer les conséquences sociales de la prohibition, en rendant légalement disponibles pour tous (exception faite des mineurs) la plupart ou toutes les substances interdites aujourd'hui. N'importe quelle solution de légalisation du marché aurait probablement le même effet sur le front de l'offre, faisant chuter de manière drastique le prix des drogues, avec la mise hors jeu immédiate des organisations criminelles et la disparition de la délinquance induite. La qualité des produits améliorerait très fort, grâce - suivant les thèses - aux contrôles de l'Etat ou aux mécanismes de la concurrence. Beaucoup plus marquées pourraient être en revanche les répercussions d'un choix ou de l'autre sur la diffusion des drogues dans la société et sur la qualité de la vie (en premier lieu la santé) des consommateurs.

5. La thèse du libre marché

Le premier et principal théoricien de cette solution est l'économiste Prix Nobel Milton Friedman, qui a commencé sa longue campagne pour la légalisation du commerce des drogues interdites par un article contre la "drug war" lancée par le président Richard Nixon, paru sur "Newsweek" le 1 mai 1972. Friedman y est revenu dans son livre, écrit avec sa femme Rosa, "La dictature du statu quo de 1975", et à actualisé sa théorie au fur et à mesure que l'échec pratique, et pas uniquement théorique, du prohibitionnisme confirmait son raisonnement. Dans un article publié sur le "Wall Street Journal" lorsque la "war on drugs" de George Bush et de son Tsar antidrogue William Bennet était au plus haut niveau, Friedman résumait ainsi sa position:

"La vie que vous proposez - davantage de police, davantage d'années de prison, des actions militaires dans des Pays étrangers, la prison pour les consommateurs de drogue et toute une panoplie de mesures répressives - ne peut qu'empirer une situation déjà détériorée. Il est impossible de gagner la guerre contre la drogue avec ce type de tactique sans mettre en danger cette liberté humaine que vous et moi aimons. Vous ne vous trompez pas en croyant que les drogues soient un fléau qui est en train de dévaster notre société. Vous ne vous trompez pas en croyant que les drogues soient en train de déchirer notre tissu social, détruisant la vie de tant de jeunes et faisant payer un prix élevé à certains des plus déshérités parmi nous. Vous ne vous trompez pas en croyant que la majorité des gens partagent vos inquiétudes. Bref, vous ne vous trompez pas en ce qui concerne l'objectif que vous voulez atteindre. Votre faute consiste à ne pas reconnaître que les mesures que vous proposez sont la cause principale des maux

que vous déplorez." (7)

Presque tous les écrits de Friedman peuvent tranquillement entrer dans le sac à dos de n'importe quel partisan de la légalisation, même de l'étatiste le plus convaincu. Friedman n'est jamais entré dans les détails d'une loi, aussi parce qu'il propose simplement d'appliquer à l'héroïne, la cocaïne, la marijuana et aux autres drogues illégales les critères de régulation qui valent aujourd'hui pour les boissons alcoolisées. Dans un article publié par la revue américaine "Reason"en 1989, il a esquissé sa proposition de la façon suivante:

"Une fois légalisées, les drogues pourraient être mises en vente à travers les circuits habituels de la vente au détail. Par exemple, dans les drugstore. Il ne devrait y avoir aucune taxe ou autres contrôles sur les drogues. Mais il faudrait des restrictions pour la vente aux mineurs. Quant à la limitation sur la publicité, je suis en embarras sur les deux positions. Je frémis à l'idée d'une TV où une gracieuse jeune-fille me dit: "Ma came te procurera une ébriété que tu n'as jamais ressenti", mais par ailleurs j'ai toujours été très incertain sur les restrictions de la liberté de publicité pour des raisons générales de liberté d'expression. Mais, au-delà de mes hésitations, je suis certain que la légalisation ne sera pas possible sans des restrictions substantielles de la publicité."

Récemment un économiste anglais d'école friedmanienne, Richard Stevenson, a formulé la proposition free-market aujourd'hui la plus élaborée (8):

"Dans un marché libre, le commerce des drogues devrait être sans restrictions spéciales, et les drogues devraient être achetables librement. Au niveau de la distribution, les drogues devraient être vendues dans les supermarchés, dans les pharmacies, dans des magasins spécialisés, ou bien dans n'importe quel point de vente ordinaire. Ce serait le profit qui déterminerait le système dominant de commercialisation. Une gamme de produits différents de par leur qualité et leur puissance seraient mis en vente, et les consommateurs de drogue feraient leur choix de la même façon que les buveurs choisissent entre la bière, le vin ou les divers distillats."

Stevenson est convaincu qu'à l'intérieur d'un marché aux règles réduites au minimum (par exemple, le droit de vente aux mineurs, et un avis sur les dommages à la santé), il serait dans l'intérêt tant des consommateurs que des producteurs de minimaliser les conséquences indésirables de l'utilisation de drogues: et il est persuadé que des formes autonomes de contrôles se développeraient à travers un "marché parallèle de l'information". Cela favoriserait la mise en commerce de nouvelles drogues, comme c'est justement le cas aujourd'hui dans le marché illégal, mais dans une direction diamétralement opposée à celle d'aujourd'hui: au lieu de drogues de plus en plus nocives et rémunératrices, qui permettent des gains rapides mais qui limitent le nombre d'acheteurs (comme le crack), la recherche se développerait sur de nouveaux produits qui puissent garantir les résultats demandés par les acheteurs mais dans des formes de plus grande sécurité. En effet: "Les sociétés ne pourraient pas rester sur le marché, et encore

moins s'enrichir, si elles nuisaient sérieusement à la santé de leurs clients."

Les défenseurs de la thèse du "marché libre" - c'est-à-dire: des règles réduites au minimum - ne sont pas contre l'éducation et la prévention, au contraire: les ressources engagées aujourd'hui dans la répression pourraient être utilisées dans ce but. Stevenson a une grande confiance dans l'efficacité des mécanismes d'autorégulation du marché, même dans un secteur si délicat, car il considère qu'un plus grand sens de responsabilité se développerait chez les individus. Il en a beaucoup moins dans la capacité des gouvernants de résister aux pressions de ceux qui réclameraient des restrictions et des contrôles publics sur les doses et la pureté des produits. Bien qu'à contre-coeur, il admet que des formes plus ou moins incisives de contrôles publics sont inévitables, semblables du moins à celles sur les alcools et le tabac. Et il met en garde:

"Le danger est que les bureaucrates et les politiques farcissent le marché des drogues de tant et de telles restrictions qui le rendraient anti-économique pour les sociétés respectueuses de la loi. A moins qu'il y ait une auto-limitation des limites, les objectifs de la légalisation pourraient être mis en danger. Dans le meilleur des cas les sociétés finiraient par ne pas être incitées à innover, dans le pire le marché criminel pourrait émerger à nouveau." C'est un avertissement dont doivent tenir compte également ceux qui, comme nous, sont favorables à une légalisation accompagnée d'une large éventail d'interventions de la part de l'Etat.

6 - Le système de "taxes et contrôles"

Tous les partisans de la légalisation croient que la prévention et la dissuasion se réalisent davantage par le biais de l'éducation que par la répression. Le marché libre est vu comme un moyen pour éliminer avant tout la violence et le crime liés au prohibitionnisme, et en second lieu pour libérer des ressources à destiner aux programmes d'éducation. Un des avantages de cette perspective est de ne pas asservir la société à une stratégie déterminée, qui peut se révéler peu efficace, et à la bureaucratie qui s'y lierait immédiatement. Toutefois le modèle auquel les défenseurs du marché libre font référence, celui de l'industrie du vin et des alcools, n'est pas fort attrayant. Il est vrai qu'à la place d'Al Capone nous avons ces messieurs inoffensifs de Gancia et Folonari, et qu'aucune forme de criminalité n'est à mettre en rapport aujourd'hui avec les produits alcoolisés. Mais la consommation produit en soi des coûts pour la société et pour les individus qui pourraient peut-être être réduits si le profit n'agi

ssait pas comme le critère principal de régulation de ce commerce. Dans le domaine des tranquillisants également, et des médicaments en général, les règles de marché ne sont pas en mesure, de par elles-mêmes, de promouvoir un usage conscient et d'en freiner l'abus.

Version prudente du marché libre, le schéma "taxes et contrôles" se propose de créer progressivement un marché légal avec lequel le marché noir ne puisse pas rivaliser. A l'Etat est confié la tache principale de décourager la consommation des drogues les plus "dures" et de garantir une assistance sanitaire aux toxicomanes problématiques (alcooliques et tabagistes compris), sans faire payer un coût économique excessif à toute la société. Les critères de la proposition peuvent être résumés de la façon suivante: légaliser et taxer les substances aujourd'hui interdites en fonction de leur nocivité et/ou de la demande, appliquer les mêmes critères aux drogues aujourd'hui légales, se servir des taxes pour l'éducation contre les drogues et pour obvier aux coûts sociaux et médicaux de l'abus de drogue. Cela comporterait une révision du système fiscal en vigueur pour l'alcool et le tabac, l'introduction d'une taxe sur la caféine et sur d'autres substances sans contrôle aujourd'hui et, de fait, un réexamen de toute la

politique de santé: cela afin de remplacer la discrimination juridique entre drogues légales et illégales par une distinction fiscale sur le dommage personnel causé par un usage excessif ou imprudent des diverses substances.

Aujourd'hui les seuls profits économiques produits par la répression viennent de la confiscation de biens aux trafiquants. La loi 162/90 dispose aussi, en se conformant au modèle dominant sur le plan international, que ces biens soient réutilisés pour la répression ou bien destinés aux communautés de récupération. Le mécanisme de "taxes et contrôles" crée un cycle différent de recettes, grâce auquel la société peut payer les coûts de l'abus de drogue en prenant les fonds des consommateurs proportionnellement au montant de leur contribution au problème. (9)

Il est naturellement très difficile de réussir à calculer le montant de la taxe qui devrait frapper chaque substance pour obtenir le double résultat de réduire la consommation sans favoriser la naissance d'un marché noir et de couvrir en partie du moins son coût social. L'expérience montre que dans un régime d'illégalité chaque augmentation du prix de l'héroïne n'a pas correspondu à une baisse significative de la consommation: les toxicomanes adaptent leurs habitudes (délinquance, prostitution ou trafic) au prix du marché noir et payent sans protester leur "tarif du crime". (10) Au contraire, des études menées aux E.-U. ont montré que pour chaque augmentation de 10% du prix des cigarettes, il y a eu une diminution de la consommation de 4%, notamment à défaut de l'entrée sur le marché de nouveaux consommateurs, vu que la nicotine est une des substances qui créent le plus d'accoutumance. Comme l'admettent les auteurs mêmes de la proposition il se peut que le problème soit pratiquement insoluble, si l'objectif

est de faire payer aux consommateurs le montant total des coûts sociaux et médicaux de l'utilisation de drogues. Il serait illogique d'autre part de représenter sous forme antiprohibitionniste l'approche absolutiste des prohibitionnistes. Ce qui est certain c'est que ce système, comme tout autre projet de légalisation, permettrait d'économiser sur toutes les dépenses liées à la répression et à l'administration de la justice, à la corruption, au nombre très élevé de morts par overdose et du Sida, aux conséquences économiques de la délinquance. En plus, il offrirait aux gouvernants un mécanisme très élastique pour affecter les consommations et il dérouterait au bénéfice de la partie la plus malchanceuse des consommateurs les profits liés au marché des drogues.

Une proposition de loi radicale dans ce sens, présentée à la Chambre des députés le 15 décembre 1988, prévoyait une taxation majeure pour les produits plus toxiques (y compris l'alcool) aux dépends mêmes de recettes plus élevées. On préférait ainsi une taxation décourageante à une autre étudiée en fonction du profit. Avec cette proposition, la première tentative de traduire dans des normes concrètement opérationnelles la stratégie antiprohibitionniste, on voulait poursuivre "certains objectifs bien déterminés": a) interrompre radicalement le trafic de drogue et l'organisation criminelle qui y prospère; b) créer des conditions telles que ne doivent plus se vérifier des actes de violence sur la population pour se procurer de l'argent; c) réduire de manière drastique les morts par abus de drogue et affronter la situation de marginalisation et de dégradation des toxicomanes contraints à mener des existences illégales sous le contrôle de la criminalité; d) affronter sérieusement la diffusion du Sida qui concerne

en Italie pour les 2/3 des sujets toxicomanes à risque. (11)

7. La théorie du commerce passif

Peut-on éliminer du marché des drogues non seulement les profits illégaux mais aussi légaux, et avoir par conséquent de bonnes raisons de croire que la consommation, faute d'encouragements à l'offre, tend non pas à s'étendre mais à se stabiliser, si ce n'est à diminuer? Le scénario du "commerce passif", tracé par le juriste français Francis Caballero offre un ensemble de solutions à ce problème (12). Le nouveau marché légal des drogues ne devrait pas fonctionner sur la base des principes classiques du commerce, qui imposent de créer un marché et de susciter la demande du consommateur pour engendre toujours de nouveaux profits. Même si chaque drogue offre des caractéristiques particulières qui demandent une réglementation spécifique, le commerce passif se base sur certains principes communs: discrétion dans l'utilisation, interdiction de propagande, production et distribution contrôlées. Cela implique la suppression de toute publicité directe ou indirecte pour les produits et les lieux de vente, l'introductio

n de taxes selon le modèles "taxes et contrôles" pour imputer aux consommateurs mêmes le coût social dérivant de l'abus de drogue, un corps normatif relatif aux contrôles de qualité, au prix et à la distribution, des avertissements sur la dangerosité du produit. La consommation de drogue dans un lieu public devrait être punie, comme une forme indirecte de propagande, ne fut-ce que par une simple contravention. Quant à la production et à la distribution, elle devrait être gérée dans chaque pays par l'Etat dans un régime de monopole. Trois sont les raisons: parce qu'un régime de concurrence tend toujours à promouvoir la consommation; parce qu'on ne veut pas recréer des formes d'impérialisme économique parmi les multinationales et les pays producteurs; parce qu'on ne peut demander enfin qu'à une agence sans but lucratif de poursuivre les objectifs du commerce passif. Ce qui signifie ne pas encourager, ou mieux décourager, la consommation de drogue et réaliser une certaine forme de contrôle social sur l'abus de

drogue.

La théorie du commerce passif se situe, du moins dans les intentions de son auteur, sur la frontière la plus proche du prohibitionnisme: "La théorie n'a pas la vocation de s'appliquer tout d'un coup à toutes les drogues illégales. Elle ne peut se concevoir que dans le cas où le système prohibitionniste ait fait preuve de son échec. Le commerce passif suit la prohibition, il ne la précède pas. Autrement dit, il faut que les effets pervers des lois sur la drogue soient socialement plus nocifs que ceux des drogues en soi." (13) Dans les deux années qui se sont écoulées depuis la publication du livre en France, Caballero s'est de toute façon convaincu qu'il n'y avait plus de temps à perdre. Dans son rapport au II Congrès de la CORA (Bruxelles, 15-19 janvier 1991) il a affirmé: "Il faut reconnaître que toutes les interdictions morales ont échoué, une après l'autre. Cela vaut pour le jeu comme pour la pornographie, et tous les systèmes de légalisation du jeu et de la pornographie se sont révélés meilleurs que la p

rohibition. Le droit n'est pas chargé de faire régner la morale."

Plus en général, l'ambition de la théorie du commerce passif est de remplacer la guerre armée contre la drogue par "une lutte civile contre l'abus des drogues". Cela comporte une réglementation spéciale pour chaque produit et l'application du commerce passif également aux drogues légales, aux produits pharmaceutiques, au tabac et à l'alcool. Une objection que l'on pourrait faire à cette théorie est qu'elle est tellement restrictive qu'elle apparait comme une variante de tendance libérale du prohibitionnisme. Mais il n'existe pas un Texte Unique de la légalisation, comme il n'y a pas qu'une seule politique prohibitionniste. Même certaines pénalisations dans lesquelles peuvent encourir des fumeurs endurcis (surpris en train de fumer dans un lieu public) apparaissent en quelque sorte calquées sur le modèle de la guerre contre la drogue, et pas toujours, et pas partout, la dénonciation pénale reste la ressource possible. (14)

8. La "normalisation" hollandaise

Nous savons qu'il n'est pas toujours facile d'intégrer la défense des droits civils et la promotion de la santé publique. Par ailleurs, la classe politique et les médias de masse n'ont pas fourni jusqu'ici une grande contribution à la recherche, exaltant les aspects spectaculaires de la guerre contre la drogue, et des instruments comme les communautés de récupération, acceptés par une portion très réduite des toxicomanes. Il s'agit à présent, vu les résultats de cette stratégie, d'entreprendre la voie des interventions pacifiques pour la promotion de la santé dans le respect des droits individuels. Nous ne sommes pas à l'An zéro, heureusement, comme le prouvent les expériences d'Harm Reduction.

La stratégie d'Harm reduction (Réduction des dommages) appartient à la politique sanitaire. Ce n'est pas une forme de légalisation ni de dépénalisation, même si elle exige une coordination entre les services sanitaires et les forces de police. Dans les régions où elle a été appliquée, en Hollande et dans la région de Liverpool notamment, les lois écrites interdisent la consommation d'héroïne et de cocaïne et, bien que la répression envers les consommateurs ne soit pas une priorité politique, la police peut changer d'attitude (et elle le fait, surtout à Amsterdam) si la microcriminalité ou la pression de l'opinion publique dépassent le "niveau de garde". Le trafic des drogues interdites reste entre les mains de la criminalité, et le niveau de délinquance urbaine - même s'il est inférieur à la moyenne - reste élevé. (15) L'exemple hollandais, comme celui de Liverpool, n'est donc pas celui d'une politique à copier, mais d'un ensemble de concepts, d'instruments et de pratiques qui ne pourront pas ne pas faire in

tégralement partie de la politique sanitaire sur les drogues dans l'hypothèse d'une légalisation.

Déjà à la moitié des années soixante-dix il apparut clairement que la répression n'avait pas interrompu la commercialisation des drogues douces et, encore moins, des drogues dures. Au fil des années les chiffres de la drogue définissaient un nouveau marché international aux potentiels économiques et commerciaux comparables à celui du pétrole et des armes. La réaction devant cette situation de la part des gouvernements et des agences internationales, comme l'ONU, fut et reste une simple non-réaction, la confirmation et la réorganisation de tout l'armement répressif au nom de l'utopie qui est à la base du prohibitionnisme: l'abstinence. L'aspect sanitaire, malgré les grands mots à la télévision, reste encore aujourd'hui sur le fond: le problème à résoudre est moral, la médecine est réduite à être la servante de la vertu. L'alternative est et reste maigre: ou la maladie (la drogue), ou la guérison (plus de drogue). A la fin des années soixante-dix commencent cependant certaines expériences qui se basent sur un

principe différent: s'il n'est pas encore possible de "soigner" un toxicomane (c'est-à-dire extirper son habitude), il faut au moins essayer de minimiser le mal qu'il cause à lui-même et son entourage. L'expression "réduction du dommage" a été forgée à Liverpool, en Angleterre, mais le cas le plus connu au niveau international d'une politique comme celle-là est celui de la Hollande.

Amsterdam a été la première capitale européenne à adopter une stratégie sanitaire globale, comme complément nécessaire de la décision du gouvernement hollandais de dépénaliser la consommation d'héroïne. Selon cette politique l'objectif d'un monde totalement affranchi des drogues est une illusion: la société doit apprendre à faire face à une certaine quantité de consommation de drogues. C'est prouvé par la diffusion du tabac, des produits alcoolisés et des médicaments psycho-actifs: leur statut de drogues légales ne change rien à la nature des problèmes causés par ces substances et à la réalité des motifs qui conduisent à les utiliser, de même que ne les change pas l'illégalité d'autres produits. Le concept de "normalisation" développé en Hollande durant les années quatre-vingts, signifie justement que la société doit accepter le problème de la drogue comme un problème normal et non comme un phénomène anormal et à réprimer. (16) Le succès de l'expérience de Liverpool a poussé ensuite les autorités sanitaires

hollandaises à modifier les divers programmes selon les critères de l'Harm Reduction qui est une stratégie d'intervention sociale plus cohérente et plus compréhensive. Les éléments fondamentaux de la politique hollandaise furent définis entre 1979 et 1984 avec les objectifs suivants:

- acquérir une vision claire des raisons et du caractère du problème de l'héroïne, en contactant le plus grand nombre possible d'héroïnomanes et en créant un système d'enregistrement;

- réduire les risques de l'utilisation de drogues dures pour tous les consommateurs n'étant pas (encore) capables de, ou intentionnés à, renoncer à leur habitude;

- motiver les héroïnomanes à entrer en traitement sans drogue (drug free) et/ou dans des projets de re-socialisation;

- trouver des formes de coopération entre la police, le système d'assistance et les populations des zones où le problème drogue est le plus grave. (17)

Un groupe de près de 30 opérateurs de rue qui atteignent les toxicomanes dans leur milieu, des visites régulières de médecins et d'opérateurs des centres de traitement dans les commissariats de police (chaque année près de 2.000 toxicomanes y sont contactés) et un service de livraison ambulante du méthadone aux toxicomanes enregistrés, effectué avec des autobus qui s'arrêtent chaque jour à six endroits différents de la ville, font désormais partie intégralement du projet.

En 1984, lorsque la diffusion du SIDA se révéla comme la menace la plus grave pour la santé des toxicomanes (avec 30% de séropositifs) de nouvelles mesures furent introduites dans la politique sur la drogue avec le double objectif de prévenir une diffusion ultérieure du virus VIH parmi les utilisateurs de seringues et de réaliser un bon système de soins pour les malades du SIDA. Les instrument de cette politique sur le SIDA sont:

- une disponibilité de préservatifs;

- des traitements de désintoxication "drug free" sans une longue liste d'attente pour quiconque veut arrêter;

- l'offre de méthadone à qui veut diminuer ou interrompre l'usage d'héroïne par intraveineuse mais ne peut pas encore renoncer à la dépendance d'opiacées;

- la distribution de seringues stériles contre des seringues usagées (en 1989 à Amsterdam près de 800.000 seringues ont été distribuées, à 11 points différents, alors que dans toute la Hollande il existe 125 programmes différents d'échange de seringues).

Les objectifs de base ont été atteints; le nombre de toxicomanes s'est stabilisé, alors que dans les pays européens il a largement augmenté et l'épidémie de SIDA a été freinée. A Amsterdam, en 1989 le nombre de toxicomanes a été estimé entre 5.000 et 7.000 (dont 3.500 sont hollandais, 1.500 d'origine ethnique - Guyane, Antilles, Maroc - et 2.000 proviennent d'autres pays européens) contre 9.000 en 1984; les contacts couvrent 60% des toxicomanes d'Amsterdam, et 75% des 22-25.000 au niveau national; un quart des utilisateurs suit des programmes de désintoxication et 75% des programmes de maintien à base de méthadone; le nombre de morts d'overdose en Hollande est l'un des plus bas en Europe (en 1989, à Amsterdam, 14 citoyens hollandais sont morts d'overdose contre 28 étrangers, allemands pour la plupart) et la donnée est en baisse depuis 1985; la moyenne d'age des toxicomanes enregistrés est montée de 26,4% en 1981 à 31,6% en 1989; le pourcentage des consommateurs en-dessous de 22 ans est descendue dans la même

période de 14,4% à 4,8%; le pourcentage de séropositifs est resté stable à 30% à Amsterdam, alors qu'à l'échelle nationale le pourcentage de toxicomanes parmi les malades du SIDA est de 9% à peine (contre 67,7%) en Italie). Les études d'évaluation des programmes de distribution des seringues ont notamment révélé que cela ne comportait pas une augmentation de l'utilisation d'héroïne et que l'habitude de se partager la même seringue avait baissé. (18)

9. La réduction du dommage

Depuis la moitié des années soixante-dix la région du Mersey est, avec la région autour de Londres (Thames), la région d'Angleterre avec le plus grand nombre de toxicomanes. En 1989, le taux de toxicomanes enregistrés par million d'habitants était le suivant: NE Thames 394, Mersey 375, NW Thames 287, SE Thames 244. A partir de 1986 l'Autorité sanitaire régionale du Mersey, la région dont Liverpool est la ville la plus importante, a défini et développé, en collaboration avec les forces de police et une partie des administrations locales, la stratégie de réduction du dommage à l'égard des consommateurs de drogues. De cette façon la politique sanitaire s'est unie, et à remplacé dans une large mesure, la politique criminelle. Les précédents sont la pratique hollandaise de normalisation, que nous avons déjà vue, et des expériences analogues menées à San Francisco, aux E.-U. Les motivations et les lignes de ce programme sont:

- la diffusion du virus VIH et du SIDA est une menace plus grave pour la santé publique que l'usage de drogue, et il faut donner par conséquent la priorité aux services qui visent à minimiser les comportements qui peuvent induire le virus;

- les services doivent maximaliser le contact avec ceux qui continuent à utiliser des drogues, et les aider à changer leur comportement vers des pratiques moins risquées, en adoptant la hiérarchie suivante d'objectifs:

1) la cessation de l'échange de seringues et d'aiguilles déjà utilisées;

2) le passage de drogues qui s'injectent à des drogues qui ne s'injectent pas;

3) la diminution de l'usage de drogue;

4) l'abstinence;

- il faut encourager des changements dans l'attitude des opérateurs et du public en général à l'égard de l'utilisation de drogue, pour réduire la condition de marginalité des consommateurs, en favorisant leur contact avec les services et la modification de leurs habitudes les plus risquées;

- les services doivent expérimenter toute une gamme d'approches et de solutions, et vérifier leur efficacité.

C'est sur cet échafaudage conceptuel qu'a été construit un système de centres de consultation qui éduquent à un usage plus sûr des drogues et effectuent des analyses périodiques sur la séropositivité, qui offrent des services de soins spécialisés, des programmes de re-socialisation, des unités d'intervention dans les prisons, etc. Deux sont les instruments de premier contact étudiés pour établir un rapport constant avec les utilisateurs du système: 1) la distribution gratuite de seringues stériles contre les seringues usagés, en collaboration avec les pharmacies, et la distribution gratuite de préservatifs; 2) la prescription gratuite de stupéfiants, généralement le méthadone par voie buccale, mais aussi, à titre expérimental, le méthadone à fumer, l'héroïne, la cocaïne, les amphétamines. Le maintien à base de méthadone est utilisé notamment pour "stabiliser" les toxicomanes d'opiacées, autrement dit pour les écarter du monde des trafiquants, pour en réduire l'activité de délinquance et les risques d'incarc

ération, pour améliorer leur état de santé, pour prévenir l'augmentation des consommations. Ce mécanisme complexe fonctionne-t-i-l? Avant tout le phénomène du marché gris, qui existe pourtant, n'est pas important. (19) Par rapport à la prévention du SIDA le succès est allé au-delà de toute prévision. Nous avons vu que la région de Mersey est à la deuxième place en Angleterre pour le nombre de toxicomanes. Le classement relatif à la diffusion de la séropositivité est totalement différent. Si les trois districts de Londres occupent également les premières places pour la diffusion du virus VIH, le Mersey est à la treizième place sur quatorze, précédant le W Midland où le taux de toxicomanes par million est beaucoup plu bas, 54 contre 375. Le Mersey est largement le premier dans le classement sur le rapport entre séropositifs et toxicomanes qui est à peine de 1 à 60 dans le Mersey, alors que la deuxième région au classement, le NW Thames, enregistre un taux de 1 sur 17. A Milan, le rapport est de 1 séropositif p

our 1,4 toxicomanes. Il est difficile de trouver des chiffres plus éloquents. En outre le Mersey est la seule région du pays qui a vu baisser constamment, dans les quatre dernières années, le nombre de crimes (vols, vols à la tire et vols à main armée) liés aux lois sur la drogue. (20)

Une version réduite de l'Harm Reduction est également l'expérience, en cours depuis près de deux ans dans la ville de Zurich, de créer une zone franche pour les toxicomanes (Platzspitz), à l'intérieur de laquelle la répression est remplacée par des services sanitaires et sociaux de base. Face à une urgence sanitaire incontrôlable (la Suisse a le plus haut nombre de morts d'overdose en Europe par rapport au nombre de ses habitants et un taux de séropositivité parmi les héroïnomanes aux plus hauts niveaux mondiaux), la municipalité de Zurich a décidé un tournant drastique de la politique répressive de la Confédération. L'urgence a conseillé une solution qui prête le flanc à beaucoup de critiques, surtout parce qu'à la place de services répartis sur le territoire on a une concentration de tous les toxicomanes problématiques dans une même zone. On crée ainsi une coupure géographique entre la partie "saine" et la partie "malade" de la ville qui ne correspond pas du tout à la réalité sociale. Néanmoins, au point d

e vue sanitaire l'expérience fonctionne, avec une baisse significative aussi bien des morts d'overdose que de la suprématie du virus VIH parmi les héroïnomanes (les responsables calculent de sauver de l'infection une personne par jour). Justement parce qu'elle a vécu une version parmi les plus répressives du prohibitionnisme et qu'elle est en train de le payer chèrement, la Suisse est aujourd'hui un laboratoire de propositions et d'élaborations conceptuelles parmi les plus avancés, et diverses propositions de légalisation et de dépénalisation sont en discussion devant les gouvernements cantonaux.

Ce fut le Parlement Européen qui accorda la reconnaissance la plus importante à la politique de Réduction du Dommage. Avec un vote à très grande majorité (259 oui, 14 non et 5 abstenus) il a en effet approuvé les amendements dans cette direction au programme "L'Europe contre le Sida 1991-1993" présentés par les commissions Environnement et Culture. (21) Sur la proposition de cette dernière, on a introduit un nouveau plan d'action visant notamment à la prévention, à l'assistance sanitaire et à la réduction de la transmission du VIH parmi les toxicomanes à risque. On y lit:

"Les programmes de distribution de seringues stériles à jeter en échange de seringues usagées par le biais d'unités urbaines mobiles, tels que les a recommandés l'OMS et tels qu'ils sont déjà expérimentés depuis plusieurs années dans certaines villes européennes, représentent un moyen efficace de prévention de la diffusion du virus VIH et d'autres maladies parmi les toxicomanes et constituent en outre un excellent canal de diffusion de l'information, de promotion de l'éducation et d'orientation vers des services sociaux ou sanitaires nécessaires à la réhabilitation et à la réinsertion des toxicomanes.

"Les soins aux toxicomanes avec des produits de remplacement, tels que le méthadone par voie buccale, permettent aussi, en plus du traitement de la toxicomanie, d'éviter la transmission du virus VIH par le biais de seringues infectées. Il est nécessaire d'évaluer et de contempler sérieusement cette pratique médicale.

"En plus de l'harmonisation technique en ce qui concerne les conditions de qualité des préservatifs disponibles dans les Etats membres, il est nécessaire d'en assurer le maximum de disponibilité possible surtout parmi les homosexuels, les prostituées, dans les prisons et, plus en général, dans la société moyennant des distributeurs automatiques accessibles en permanence. Il faudrait garantir en outre une information en la matière, vu que pour l'instant l'utilisation des préservatifs est le seul moyen efficace pour contraster la diffusion du virus VIH par voie sexuelle, à moins qu'intervienne un changement dans le style de vie."

Il faut remarquer que tous les groupes principaux de droite, du centre et de gauche ont voté en faveur (le vote contraire vient de l'extrême droite de Le Pen et des Republikaner allemands).

10. Des pas important sur la voie de la réforme

La première organisation politique de l'antiprohibitionisme est née en décembre 1987 en Italie. La CORA (Coordination radicale antiprohibitionniste) reprenait toute une histoire à l'intérieur du Parti radical et des mouvements pour les droits civils qui, à partir de la fin des années soixante, s'étaient opposés à l'injustice et à l'inutilité de la répression pénale, devenue l'instrument d'une campagne morale. La CORA définissait clairement dans son statut la différence de l'engagement antiprohibitionniste des années quatre-vingts par rapport à celui des deux décennies précédentes: ce n'était plus uniquement la liberté individuelle et celle des groupes de minorité qui était en jeu, mais la partie entre le prohibitionnisme et l'antiprohibitionnisme touchait les colonnes portantes de la société démocratique. (22) Réformer la politique sur la drogue, dans l'affrontement entre les organisations internationales des narcotrafiquants et les appareils répressifs de moins en moins sujets au contrôle démocratique, étai

t devenu la condition pour réformer la politique démocratique tout court.

Le premier problème que la CORA s'est posé a été de réunir dans un organisme international tous ceux qui au cours des années avaient exprimé individuellement un refus de la politique prohibitionniste, par des articles dans les journaux, des livres, des recherches scientifiques. En octobre 1988 à Bruxelles, en Belgique, s'est tenu, organisé par la CORA et le Parti radical, le Forum international sur les coûts du prohibitionnisme sur les drogues, auquel ont participé des experts en économie, droit, criminologie, médecine, sociologie, européens et nord-américains. C'est là qu'ont été jetées les bases pour la création, qui a eu lieu le 31 mars 1989 à Rome, de la Ligue Internationale Antiprohibitionniste (LIA), fondée par une cinquantaine de personnalités venant d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Amérique Latine. A la création de la LIA ont participé également d'autres mouvements qui proposent des réformes substantielles de la politique sur la drogue: la Drug Policy Foundation (Dpf) de Washington, qui organise dep

uis novembre 1988 dans la capitale américaine un meeting annuel sur les aspects controverses du prohibitionnisme dans le domaine juridique, sanitaire et politique, et qui, grâce à l'enthousiasme de son fondateur, Arnold Trebach, est devenue un point de repère essentiel dans le débat américain sur la question; et l'"European movement for the normalisation of drug policy", fondé à Rotterdam par le sociologue Wijnand Sengers, avec l'objectif de promouvoir une politique européenne de "normalisation" du problème de la drogue semblable à celle des Pays-Bas. (23)

En Italie, des listes antiprohibitionnistes sur la drogue ont participé aux élections européennes de 1989 (où elles ont récolté 429.000 voix et envoyé un député à l'assemblée de Strasbourg) ainsi qu'aux administratives de 1990 (avec l'élection de six conseillers régionaux, quatre provinciaux et six municipaux). Cela a permis de garder vive également dans les institutions l'opposition à la politique gouvernementale qui, sous la poussée du Parti socialiste, a produit en juin 1990 la nouvelle loi sur la drogue, un mélange confus de prohibitionnisme à l'américaine et de solidarisme à l'italienne. La CORA et les élus antiprohibitionnistes ont reformulé les concepts de l'Harm Reduction en les adaptant à la situation italienne et, rencontrant souvent l'adhésion de majorités importantes dans les conseils, ils ont amené à l'approbation dans beaucoup de villes et régions italiennes des documents pour une politique sur le SIDA et la drogue basée sur les expériences hollandaise et de Liverpool. (24)

Un tournant important sur le plan international est venu de la "Conférence des grandes villes européennes au centre du trafic illégal de drogue" qui s'est déroulé à Francfort en novembre 1990. Pour la première fois dans l'histoire du prohibitionnisme sur la drogue une rencontre internationale organisée par des pouvoirs officiels n'a pas eu pour objet une application plus sévère et cohérente des normes répressives prévues par les conventions de l'ONU et par les accords bilatéraux, mais une réflexion ouverte sur la stratégie prohibitionniste et sur ses conséquences pratiques dans la vie civile. Au terme de la rencontre, quatre administrations municipales parmi les plus importantes (Francfort, Hambourg, Amsterdam et Zurich) ont souscrit un document, la Résolution de Francfort, qui demande de modifier radicalement les priorités dans les stratégies relatives à la drogue selon les modalités déjà décrites de l'Harm Reduction et dans la perspective d'une "harmonisation nécessaire du système légal national eu égard à

l'unification européenne, sur la base d'une politique de dépénalisation et dépénalisation de la consommation de drogue et de réduction du dommage". (25)

Dans la résolution on déclare que:

"1) La tentative d'éliminer les drogues et la consommation de drogue de notre civilisation a échoué. Malgré tous les efforts faits, la demande de drogue n'a pas disparu, et tout indique que nous devrons continuer à vivre avec la drogue et avec les consommateurs de drogue également dans l'avenir; 2) l'usage de drogue a son fondement dans les carences de la société et ne peut être prévenu par des politiques spécifiques sur la drogue. Dans le meilleur des cas, ces politiques sont uniquement en mesure de réglementer et de limiter les conséquences de la consommation de drogue. Pour la majorité de ses consommateurs, la drogue concerne est une période temporaire de l'existence, qui peut être surmontée par un processus de mûrissement qui libère de l'accoutumance. Les lois sur la drogue ne doivent pas empêcher ce processus, mais elles doivent en constituer un soutien; 3) la politique sur la drogue qui lutte contre la toxicomanie uniquement par la loi pénale et l'obligation à l'abstinence, en offrant une assistance pu

blique avec pour condition exclusive de s'abstenir de la drogue, a échoué: la demande de drogue existe encore, les malaises sociaux et médicaux des consommateurs augmentent de plus en plus rapidement, un nombre de plus en plus élevé de toxicomanes sont contaminés par le SIDA, le nombre de morts augmente, le narcotrafic s'étend et fait de plus en plus de bénéfices, dans les villes la peur des gens pour le trafic de drogue et les crimes qui y sont liés augmente de plus en plus; 4) les problèmes liés à la drogue ne sont pas uniquement basés sur la manière dont les drogues agissent sous le profil pharmacologique, mais ils sont plutôt le résultat d'une consommation illégale, qui met en circulation des drogues adultérées, chères, et dans des doses qui ne sont pas calculables. La consommation illégale de drogue est la cause principale des souffrances des toxicomanes, des décès et de la criminalité. La criminalisation est aujourd'hui le contrepoids de l'assistance et de la thérapie, et c'est un poids que la police e

t le système judiciaire ne sont pas en mesure de supporter; 5) la majorité des consommateurs de drogues vit dans les villes ou se rend dans les villes car c'est là qu'a lieu le trafic, c'est là que sont les milieux de la drogue, l'assistance aux drogués. Par conséquent, la plupart de nos grandes villes sont affligées par des problèmes de drogue alors que, par ailleurs, l'influence de ces villes sur les choix politiques en matière de drogue est limitée et proportionnellement inverse aux frais qu'elles doivent supporter." (26) Ce texte, justement pour sa matrice officielle et pour les perspectives de coopération qu'il ouvre au niveau des autonomies locales, représente une pierre miliaire sur la voie de la légalisation.

Conclusions

Le seul argument prohibitionniste qu'il n'est pas facile de démanteler est celui sur une augmentation possible et importante du nombre de consommateurs de drogues aujourd'hui interdites. Impossible de le démanteler car l'attitude dogmatique des gouvernements et des organismes supranationaux n'a permis jusqu'ici aucune expérience de légalisation de ces substances à grande échelle. Il manque toute contre-épreuve significative, dans un sens ou dans l'autre. Mais si l'inquiétude d'une inondation de drogue doit valoir aussi pour le système prohibitionniste - et il n'y a aucune raison que ce ne soit pas le cas - il est certain que ce dernier devrait être abandonné rapidement. Contrairement à il y a dix ans, aucun pays au monde n'est exempt de ce commerce à condition que ses habitants soient suffisamment riches pour pouvoir offrir un bon profit à la longue chaîne d'intérêts qui monte du petit trafiquant jusqu'à la banque qui blanchit l'argent. Il n'existe aucun marché qui fasse voyager l'argent à la vitesse de celu

i illégal de la drogue. C'est pourquoi je suis convaincu que la légalisation ne fera pas augmenter les consommations dans les pays où le narcotrafic est déjà installé, et qu'elle retardera la diffusion des drogues dans tous les pays qui sont en train de s'ouvrir aujourd'hui à la métastase mafiosa. Je pense surtout aux pays d'Europe Centrale où les organes de police internationale signalent déjà la nouveauté d'injections abondantes de capitaux à la recherche d'un blanchiment. Après l'argent ce sera le tour des drogues du marché prohibitionniste, qui remplaceront les eau-de-vie et les poisons pauvres aujourd'hui les plus répandus (des colles au solvants, aux dérivés les plus primitifs de l'opium).

Je suis convaincu qu'aujourd'hui, dans tous les pays où les réseaux commerciaux du narcotrafic ont développé leur présence, il y a une consommation bien supérieure à la "normale", à celle qui se vérifierait même dans des conditions d'acquisition facile des drogues par la voie légale. Il y a aujourd'hui en Europe, comme aux Etats-Unis, un réseau capillaire de vente qui va de l'offre clandestine dans la rue ou sous un porche obscur, à un système très efficace de porte à porte pour les classes riches. Aujourd'hui n'importe quel toxicomane fait du trafic et donc du prosélytisme, pour se procurer de l'argent. Aujourd'hui on entre dans le milieu de la drogue pour la vendre, encore avant que pour l'utiliser. Un milieu où règnent la pauvreté et des conditions sociales arriérées. Mais admettons même qu'il puisse y avoir une augmentation du nombre de consommateurs. Ce qui importe le plus ce sont les indices de qualité de la vie, qui sont plus significatifs que les données numériques et qui sont valables aussi bien pou

r les consommateurs que pour la société en général. Consommer dans des conditions de sécurité sanitaire relative une substance qui peut nuire à l'organisme est possible, pourvu qu'il y ait un contrôle de la qualité du produit, de la quantité des doses, du sérieux du producteur. Mourir d'overdose est une possibilité intrinsèque à l'usage d'héroïne, comme mourir d'un excès de vitesse est une possibilité intrinsèque à l'usage de la voiture, mais nous n'accepterions jamais qu'il y ait des voitures qui circulent sans freins, sans phares, avec des pneus qui n'en sont plus. Même le meilleur conducteur finirait par s'écraser ou par renverser des passants. Si pour la café, le vin, le thé, le tabac, il existe des limites et des contrôles, il est juste de les réclamer également pour l'héroïne, pour la cocaïne. Sans oublier que certaines consommations font souvent abstraction de facteurs purement logiques ou récréatifs et chacun doit être aidé à moins se tromper et à payer de toute façon moins cher le prix de ses propre

s erreurs.

La moralité coïncide avec la responsabilité. Aujourd'hui la consommation responsable de drogues, surtout de certaines - en Europe du Sud l'héroïne et le tabac, en Europe du Nord l'héroïne et l'alcool - est dominée par une consommation subalterne aux raisons du marché légal ou illégal. Mais si ce phénomène d'irresponsabilité était uniquement lié à un usage irraisonné de sa propre liberté de choix, il ne serait pas devenu, d'un problème social, une priorité politique.

S'il l'a été dans les années soixante c'est parce que - sans avantage pour personne - on voyait menacée par l'Etat, dans une version policière ou thérapeutique, une sphère sacrée des droits de conscience, dans laquelle on peut et on doit exercer d'autres formes d'influence (l'école, la famille, les spots à la télévision, la pédagogie de l'exemple ou celle de la gifle, pour ceux qui y croient) privées ou publiques. Toutes légitimes, pourvu qu'elles ne prennent pas un caractère directement de sanction de la liberté de décision de l'individu. Il n'appartient pas à l'Etat de faire le percepteur de la morale, aussi parce qu'il n'y réussit pas.

Si aujourd'hui, dans les années quatre-vingts-dix, l'antiprohibitionnisme est un fait pleinement politique, c'est parce que ce mécanisme violent d'intrusion de l'autorité de l'Etat dans la sphère privée a produit justement les effets que certains prévoyaient, parlant la langue d'une culture des libertés qui était prise par les bigots et par les hypocrites pour la culture de la drogue. Si aujourd'hui la question drogue, c'est-à-dire du prohibitionnisme sur les drogues, devient une priorité politique générale et absolue, c'est parce que, comme nous le répètent tous les prohibitionnistes lorsqu'ils réclament plus d'argent, plus de peines, plus d'armes (en changeant parfois l'ordre du deuxième et troisième mot, mais jamais du premier), "l'intensification et la diffusion qui caractérisent la production, le trafic et la consommation des drogues interdites à partir du début des années quatre-vingts, mettent en danger aussi bien les systèmes socio-économiques que les structures juridiques-politiques, tant des pays e

n voie de développement que des pays industrialisés" et parce que "la nature occulte et l'organisation efficiente du trafic international et le rôle qu'il joue dans l'économie mondiale sont tels que l'objectif de les vaincre reste incertain et lointain" comme on lit dans un récent rapport CEE. Tellement incertain et lointain est ce futur que sur le versant de l'Etat - celui de l'argent, des peines et des armes - les abus d'autorité, les apparitions sous un aspect religieux ou laïque de l'éthique d'Etat, la démagogie, risquent de nous précipiter de nouveau dans les catastrophes de l'irrationalisme violent et autoritaire. A moins que - et c'est l'alternative prohibitionniste - la prohibition ne serve vraiment à faire disparaître les drogues, les vendeurs de drogue, les consommateurs de drogues. Si c'était le cas, néanmoins, le problème dont nous sommes en train de discuter, avec passion ou raisonnablement, n'existerait pas.

-------------------

NOTES

(1) Marco Pannella, dans une interview à l'hebdomadaire "Oggi", en juillet 1975: "Chaque génération a ses symboles de plaisir plus ou moins interdits: celle des jeunes d'aujourd'hui a son joint. Que ce soit ensuite une idiotie c'est une autre affaire. Le fait est que nous le savons. Comment réagit une société prohibitionniste comme la nôtre? En criminalisant des dizaines de milliers de jeunes. Ces jeunes, poursuivis par la loi pour une faute qui n'est pas supérieure à celle de boire de l'alcool ou fumer trois paquets de 'Celtique' par jour comme moi, du moment qu'ils se procurent du haschich pour la première fois deviennent passibles de poursuites. Ils doivent faire attention à la police et tombent entre les mains des trafiquants. Ils sont exposés au chantage. Il sont soumis au trafiquant qui, entre autres, 'vend' beaucoup plus parce que chacun des fumeurs, au lieu d'acheter le nécessaire pour fumer un joint, tend à faire des provisions. Le marché se développe, comme c'est le cas aux Etats-Unis. Et voilà que

le jeu est fait: le trafiquant, au lieu du haschich met dans les mains du jeune de la poudre, de l'héroïne. Les premières fois il la lui donne gratuitement. 'Ecoute. Aujourd'hui je n'ai pas de haschich. Mais j'ai ça, essaye: c'est encore mieux'. Bien sûr, il y a le jeune qui répond mal: mais c'est très rare. Avant tout parce qu'il ne connaît pas la différence mortelle entre le haschich et l'héroïne; ensuite parce que, vis-à-vis de la loi, il sait que le délit qu'il commet n'est pas différent; enfin parce que, comme je l'ai déjà dit, il est exposé au chantage. Et il n'y a pas de comparaison, du point de vue du trafiquant, entre l'intérêt à vendre de l'héroïne et celui de vendre un peu de haschich. Ne fut-ce que parce que le jeune drogué, avant de mourir, est un esclave-rentable, il devient lui-même trafiquant et propagandiste de la drogue haschich".

(2) David Boaz, "The consequences of Proihibition", in "The crisis in drug prohibition", Washington, the Cato Institute, 1990.

(3) Il s'agit néanmoins "seulement" de 28,3% des 1.155.200 arrestations pour violation des lois sur la drogue effectuées au cours de l'année.

(4) Henk Jan Van Vliet, "The uneasy decriminalisation", in "Hofstra Law Review", vol. 18, n. 3, 1990.

(5) Dans le Manifeste de Malaga, approuvé le 2 décembre 1989 et transformé en avril 1991 en une proposition de loi. Cf "Antiprohibitionist News" Lia, Bruxelles, n. 2, juillet 1990.

(6) Dans son "Essai sur la liberté" (il Saggiatore, Milan 1981, p. 33) Mill affronte la question spécifique du commerce et de la consommation d'alcool et d'opium.

(7) Milton Friedman, "An open Letter to Bill Bennet", "The Wall Street Journal", 7 septembre 1989.

(8) Richard Stevenson, "Can markets cope with drugs?", "The Journal of drug issues", pp. 659 666, 1990.

(9) Lester Grinspoon "La taxe sur la nocivité", in "Les coûts du prohibitionnisme sur les drogues". Rome, Editions Cora 1989, p. 236. "Légalisons et taxons les substances contrôlées actuellement. Les taxes seraient utilisées pour l'éducation contre la drogue et pour payer les coûts sociaux et médicaux de l'abus de drogue. Une commission devrait être instituée et chargée de décider ces coûts séparément pour chaque drogue, et le pourcentage de taxation serait adapté périodiquement pour refléter ces données." Cf aussi J. Bakalar e L. Grinspoon, "Drug control in a free society", 1984.

(10) Ibidem.

(11) Proposition de loi à l'initiative des députés Massimo Teodori et d'autres: "Réglementation légale des substances stupéfiantes pour soustraire le trafic des drogues aux organisations criminelles". Le rapport qui l'accompagne résume ainsi les points fondamentaux de la proposition:

1 - la réglementation légale de toutes les substances psychoactives (dénomination scientifique plus rigoureuse que celle communément utilisée de substances »stupéfiantes et psychotropes ), c'est-à-dire des soi-disant "drogues";

2 - la reclassification des substances psychoactives avec l'inclusion dans les trois derniers tableaux réglementés (en ordre décroissant de risque et de dangerosité) des alcools dépassant 20·, des tabacs et du chanvre indien;

3 - l'inclusion dans la Pharmacopée officielle de l'héroïne et de la cocaïne et leur assujettissement au régime de monopole;

4 - la légalisation du chanvre indien;

5 - une taxation telle qu'elle détermine un prix de vente au public progressivement lié au risque: le chanvre indien avec un prix égal à celui du tabac; l'héroïne avec un prix dix fois plus élevé et la cocaïne avec un prix vingt fois plus élevé que celui des liqueurs fortes;

6 - l'interdiction de la propagande publicitaire ainsi que la publicité négative sur les risques pour toutes les substances y compris les alcools et les tabacs;

7 - la distribution de toutes les substances psychoactives (y compris l'héroïne et la cocaïne et en excluant les alcools, les tabacs et le chanvre indien) uniquement en pharmacie sous ordonnance médicale;

8 - la possibilité pour chaque médecin de délivrer une des substances (pour un maximum d'une dose journalière multipliée par trois) avec le devoir d'informer le demandant sur les caractéristique de la substance, sur ses effets et sur les risques conséquents à son utilisation ("consensus informé");

9 - la possibilité de garantir une distribution contrôlée et prolongée aux toxicomanes qui le demandent explicitement au moyen d'une carte qui assure la substance dont ils dépendent pendant 90 jours;

10 - la répression rigoureuse avec un système de peines sévères de toutes les activités de production, fabrication, vente, distribution, achat, import/export de substances psychoactives (drogues) hors des procédures légales décrites ci-dessus.

(12) Francis Caballero, "Droit de la drogue", Paris, Précis Dalloz 1989.

(13)" ibidem, p. 136.

(14) Lina Beauchesne, "Health promotion and protection of civil rights of drug users", in "The great issues of drug policy", DPF, Washington 1990.

(15) Comme l'a écrit Hank Van Vliet, directeur du centre de recherches sociales Metropolmk, "à ce jour la Hollande représente la seule expérience relative de politique sur la drogue à l'échelle nationale, et c'est un facteur politique extrêmement important, qui est à l'étude des chercheurs, des opérateurs, des politiques de beaucoup de pays qui veulent bénéficier des résultats de l'expérimentation hollandaise. Néanmoins, ils ne devraient pas copier nos choix politiques, parce que ceux-ci ont été définis spécifiquement pour la situation hollandaise et ils ne sont même pas parfaits sous ce profil" (L'exemple hollandais, rapport au II Congrès Cora de Bruxelles, 15 19 janvier 1991). En Hollande en 1990, un quart des toxicomanes sous traitement se trouve en prison.

(16) Henk Van Vliet, "L'exemple hollandais", cit

(17) "Drugs and Aids The Amsterdam situation", Municipal Health Service, Amsterdam 1990.

(18) Drugs and Aids, cit., Staatscourant 1991, n. 38, 22 février 1991.

(19) "Oui, il existe une forme de revente sur le marché noir. Mais je pense que cela ne doit pas nous distraire des objectifs que nous nous fixons. La vente dans les rues est minimale par rapport à la quantité de substances qui sont prescrites aux toxicomanes. Pour nous, c'est évidemment une préoccupation et quelque chose que nous contrôlons constamment. Mais je ne crois pas que jusqu'à présent ce soit une situation qui exige des changements radicaux dans la politique de prescription." Derek O'Connel, chef de la brigade anti-drogue de la police de Liverpool, actes du Congrès de Francfort des villes européennes au centre du trafic de drogue, novembre 1990.

(20) Pat O' Hare, "L'expérience de Liverpool", rapport au II Congrès de la Cora, Bruxelles, 15-19 janvier 1991.

(21) Rapporteur à la commission Environnement, le socialiste français Léon Schwartzenberg, rapporteur à la commission Culture l'antiprohibitionniste Marco Taradash.

(22) "La Cora (Coordination radicale antiprohibitionniste) a le but de promouvoir la réforme des politiques sur les drogues actuellement basées sur des instruments législatifs inspirés au prohibitionnisme. Ces méthodes ont montré historiquement leur inefficacité par rapport à l'objectif de réduire la diffusion et l'abus de drogues. Au contraire, elles ont produit et elles produisent une série de problèmes très graves sur le plan médical, politique, juridique, social, économique, institutionnel et de l'ordre public, avec un risque très grave pour l'état de droit et la démocratie dans tous les pays du monde." La Cora est née à l'initiative de Giancarlo Arnao, Luigi Del Gatto et Marco Taradash. La Cora est une association ouverte: au 31 mai 1991 elle réunissait, entre autres, 32 parlementaires de divers groupes politiques.

(23) La criminologue canadienne Marie-Andrée Bertrand a été élue Président de la Lia.

(24) La première grande ville qui approuva un programme de distribution de seringues stériles contre des seringues usagées avec des unités mobiles de rue et des distributeurs automatiques fut Milan, où a été approuvée, en décembre 1990, une motion proposée par le conseiller antiprohibitionniste Tiziana Maiolo.

(25) On trouve un précédent dans la demande d'ouvrir un débat sans préjugés sur la légalisation de la drogue avancée par le maire de Baltimore, le démocrate noir Kurt Schmoke, à l'assemblée des maires des villes américaines en 1989, et restée jusqu'ici sans suite.

(26) La résolution de Francfort, in "CORA News", n.1, Rome, mars 1991.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail