Lettre de Emma Bonino et Sergio StanzaniSOMMAIRE: Le texte de la lettre envoyée par le Président et par le Secrétaire du Parti radical aux mouvements verts et pacifistes des républiques de l'ex-Yougoslavie. Rappelant les initiatives du Pr pour l'entrée de la Yougoslavie dans la Communauté européenne, des informations sont fournies sur l'initiative de Marco Pannella qui a annoncé vouloir augmenter son engagement non violent en décidant de "se rendre à Osijek, avant Noël, revêtant l'uniforme croate pour un service non armé de "première ligne".
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Chers amis,
le Parti radical, après avoir demandé inutilement pendant des années l'adhésion de la Yougoslavie à la Communauté européenne justement pour que la crise prévisible de l'organisation fédérative puisse trouver un débouché qui ne soit pas conflictuel dans le cadre d'un système plus vaste et éprouvé de garanties démocratiques pour toutes les minorités, est engagé aujourd'hui à dénoncer, à travers des initiatives non violentes et parlementaires, les responsabilités et les complicités honteuses de l'Europe dans le conflit en cours, à demander la reconnaissance internationale de toutes les républiques qui ont décidé démocratiquement leur indépendance comme condition nécessaire pour une intervention efficace de la part de l'ONU, à soutenir toutes les forces qui expriment dans les différentes républiques des positions de tolérance politique. C'est avec force que nous avons dénoncé le caractère agressif de la guerre en cours en Croatie qui voit l'offensive d'un groupe de pouvoir militariste qui vise non seulement à de
s expansions territoriales mais surtout à suffoquer toute possibilité de développement démocratique et d'intégration européenne avant tout en Serbie et dans les autres Républiques et Provinces de l'ex-Yougoslavie.
Par des manifestations et des initiatives parlementaires nous avons dénoncé la cécité et la complicité objective de la classe politique européenne à l'égard de ce nouveau pouvoir militariste et totalitaire qui risque de s'affirmer dans les Balkans et qui risque de provoquer, s'il n'est pas arrêté à temps, d'autres guerres et d'autres génocides dans la région.
Comme vous savez peut-être, Marco Pannella, qui avait commencé une grève de la faim avec d'autres députés russes et tchécoslovaques au moment de l'occupation de Bukovar, a annoncé le 10 décembre vouloir augmenter son engagement non violent en décidant de "se rendre à Osijek, avant Noël, revêtant l'uniforme croate pour un service non armé de "première ligne". Marco Pannella a rappelé l'inspiration gandhienne de cette pleine assomption de responsabilités, en évoquant le comportement du Mahatma qui en 1906, en Afrique du Sud, participa à la Force de Défense volontaire du Natal contre les zoulous, dans le Corps Hospitalier Indien en qualité de sergent major.
Nous espérons que ce ne soit pas uniquement une initiative politique personnelle ou du Parti radical, mais qu'elle réussisse à entraîner toutes les forces qui en Serbie, en Bosnie, dans le Kosovo, au Monténégro, en Macédoine, en Slovénie et naturellement en Croatie, s'opposent à la guerre et sont engagées pour une nouvelle organisation démocratique respectueuse des minorités dans l'ex-Yougoslavie.
Nous croyons en effet que des positions "neutralistes" qui ne se coalisent pas clairement en défense de l'agressé, abstraction faite de son appartenance ethnique, contribuent à confirmer dans l'opinion publique internationale la conviction que la guerre en cours serait une guerre ethnique entre serbes et croates et non pas une action lucide menée par un groupe de pouvoir précis pour garder le contrôle politique de ce qui reste de l'ex-Yougoslavie et pour ne tenir aucun compte de la demande de démocratie des serbes et des autres peuples de la région. Aujourd'hui nous ranger comme non-violents, italiens ou serbes, russes ou du Kosovo, nettement du côté l'agressé, représente donc la première urgence pour briser la tromperie tragique de la haine contre l'"étranger", le "différent", l'"ennemi", avec laquelle depuis toujours les dictatures ont mené les peuples à la guerre et au massacre.
Le rendez-vous de Noël à Osijek peut donc devenir, si toi et tes amis le voulez, le premier témoignage emblématique et dramatique, aux yeux du monde entier, de l'existence de forces de différentes appartenances ethniques; qui veulent se soustraire avec détermination à la trappe de la haine nationaliste ainsi qu'à celle, peut-être plus grave, de l'indifférence et de la neutralité face à l'agression.
Chers amis,
nous savons que d'autres problèmes, d'autres sensibilités et aussi beaucoup d'incompréhensions concourent à rendre difficile le "miracle" que nous pourrions déterminer le jour de Noël: faire en sorte que les milliers de jeunes contraints à mourir et à tuer pour "prendre" Osijek se rendent compte qu'ils ont été trompés, qu'ils ont été envoyés pour combattre contre leurs frères serbes eux-mêmes ou du Monténégro, contre la possibilité de construire une Europe démocratique et fédéraliste où personne ne soit obligé de se sacrifier pour protéger sa communauté nationale: qu'en définitive, comme cela arrive souvent en guerre, le vrai ennemi est derrière eux et pas devant. Malgré le peu de temps à disposition, les difficultés de dialogue, nous sommes certains que vous discuterez nos considérations et nos propositions avec vos amis et que vous assumerez avec responsabilité vos décisions. Dans le cas d'une orientation positive de votre part, nous pourrions organiser une rencontre à la veille de Noël ainsi qu'avec les a
utres personnes ou mouvements qui voudraient participer à l'action non violente.
Nous apprécierons, en tous cas, une réponse de votre part, si possible par fax.
Nos salutations fraternelles,
Emma Bonino, Président du Parti radical
Sergio Stanzani, Secrétaire du Parti radical