par Marco PannellaSOMMAIRE: Comme hier le monde "démocratique" et "civil" permit l'ascension d'Hitler et l'occupation d'une moitié de l'Europe, aujourd'hui les "démocraties" occidentales ne montrent pas une attitude différente par rapport aux crimes de Milosevic en Bosnie. Il faut donner tout de suite une force au Parti radical transnational pour combattre et gagner cette nouvelle forme de nazisme.
(IL GIORNO, 9 janvier 1993)
Sarajevo? Je vous demande pardon?
Avec ce que notre maudite école (publique, privée, de parti), aidée par les systèmes de la radio et de la télévision, prépare depuis trois décennies au moins aux générations successives; avec un post-fascisme de régime des partis devenu très vite héritier intime et corrompu du fascisme, et non de l'antifascisme; avec une gauche enfoncée dans son anti-occidentalisme idéologique, en grande partie inconscient, avec ses amours tiers-mondistes, cubains, chinois, vietnamiens, irakiens, iraniens, yéménites, syriens, etc; avec un pacifisme "tiers" entre agresseurs et agressés, entre dictatures et démocraties, féroce et mielleux, à l'excellente conscience à très bon marché, étranger à l'humanisme (et à la partialité) nonviolente; avec un Pays corrompu davantage sur le plan du droit, de la loi, des droits, que sur celui de l'argent; avec le divorce entre conscience, science d'une part et politique et pouvoir de l'autre; avec tout cela - donc - ne soupçonnant pas la moralité de "donner corps", "donner une main", donner
une voix", à des idées et des sentiments dès qu'ils concernent la vie civile, pourquoi la politique de notre Gouvernement, de nos partis, de notre Parlement devrait-elle être capable d'intervenir pour que Sarajevo vive, au lieu de faire vivre le nazi-communisme, la barbarie, de faire triompher la mort?
Oh braves gens qui ne vous inscrivez pas au Parti Radical, oh braves gens qui ne l'avez pas voté lorsque c'était possible (alors que le Maire de Sarajevo est inscrit au PR, et même des Présidents du conseil à Zagreb et les Maires des villes de Croatie exterminées, détruites, et des déserteurs serbes, le Président du mouvement cubain des droits civils, qui dans sa patrie entre et sort de prison, et cinquante parlementaires islamiques, nonviolents, laïques, de Vladivostok à Baku), oh italiens braves gens, c'était et c'est pourtant si simple, Sarajevo, la Bosnie, et les vingt mille femmes violées pour défendre la race...
Le monde "démocratique", "civil", laissa Hitler annexer la Ruhr, ôtée du Traité de Versailles, minière unique au monde d'acier, de puissance, de travail, d'industrie. Quel allemand, d'une Europe ébranlée par la Grande Crise des Années Trente, par le fascisme rouge et noir des spartakistes et des nationalistes, devant cette unique et fabuleuse preuve de force aurait-il pu s'opposer au führer?
Hitler conquit l'Allemagne, jusque dans ses fibres les plus cultivées, lorsque le monde lui donna sans réagir Prague et Vienne. Pendant que le nazisme exterminait déjà des millions d'allemands, parce qu'ils étaient juifs, bohémiens, démocrates, différents, le monde "démocratique" négociait avec lui à Munich. Les armées nazies et fascistes étaient en Espagne, pour détruire la République espagnole, et la France du Front Populaire interdisait sa frontière aux secours anti-franquistes... Jusqu'à ce que l'on dut rivaliser avec l'immonde bête, en barbarie et en cruauté, pour l'abattre finalement. Grâce, comme d'habitude, à la barbarie capitaliste de l'Amérique. Semblable fut le comportement des "démocraties" à l'égard de l'empereur stalinien, de l'empire soviétique, qui aujourd'hui domine encore plus d'un milliard de personnes. Ajoutons, hélas? Belgrade comme Berlin. La Serbie, les serbes, avant tout. Comme l'Allemagne et les allemands à l'égard d'Hitler. Grâce au "monde démocratique", grâce à nous, ne sait-on pas
peut-être, partout aujourd'hui, probablement beaucoup mieux que tant de serbes, ce que fait Milosevic, en l'ayant projeté, l'ayant nous-mêmes, en assez grand nombre, déjà prévu, prédit, raconté, aujourd'hui et demain déjà depuis hier?
Je garde quelques lignes, pour les choses à faire. Je ne peux pas gouverner avec mes camarades, parce que les italiens, braves gens, ont encaissé, bien sûr, le divorce, l'avortement, l'honnêteté, l'état de droit qui a été défendu, les droits civils, la faim dans le monde, le financement public, Tortora (1), Sciascia (2), Pasolini (3), l'objection de conscience, la résistance contre la faillite frauduleuse, le régime des partis, la mafia et le terrorisme, d'Etat et semi-public, les jungles des pensions, de catégorie, etc... (nous nous comprenons!), mais ils ne nous en donnent pas la possibilité, comme celle de faire vivre la grande Assurance sur la vie et la liberté, qu'est le Parti, transparti, transnational, nonviolent, radical. Mais si quelqu'un nous donne la force, maintenant, maintenant, on peut gagner tout de suite aussi pour Sarajevo. Reconnaître, ce soir, comme le demande le Parlement, la République de Macédoine. Instaurer, ce soir, avec des plaintes gouvernementales italiennes les procès contre les c
riminels "serbes" de guerre et de paix, selon les Conventions internationales, ceux avec lesquels on se réunit chaque jour, pour négocier des cessez-le-feu avec leurs adversaires et leurs victimes. Avoir la dignité d'une politique "étrangère" italienne, au lieu de laisser le monopole de la politique "européenne", équivalente à celle des Années Trente, aux mêmes Londres et Paris d'autrefois. Financer tout de suite l'état civil de plus d'un million de réfugiés, construire la documentation sur leurs villes d'origine, qui est effacée par la politique de nettoyage ethnique. S'associer par milliers et milliers à la grève de la faim nonviolente contre le régime des partis et, si nécessaire, contre le Gouvernement, si nous le déciderons dans les prochains jours...
Et je remercie le "Giorno" (4).
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N.d.T.
1 - TORTORA ENZO. (Gênes 1928 - Milan 1988). Journaliste et présentateur connu de la télévision, arrêté pour présumé trafic de drogue. Elu au Parlement européen (1984) dans les listes radicales, il subit un fameux procès dans lequel il fut condamné pour être ensuite acquitté en appel. Occasion et symbole de la principale campagne radicale pour la réforme de la justice.
2 - SCIASCIA LEONARDO. (Racalmuto 1921 - Palerme 1990). Ecrivain, auteur de romans célèbres ("Le parrocchie di Regalpetra", 1956; "Il giorno della Civetta", 1961; Todo modo, 1974), mais connu aussi comme polémiste, participant de la vie civile italienne pendant vingt ans au moins. Il fut aussi député radical pendant une législature, intervenant de façon énergique dans les batailles pour les droits civils (affaire Tortora, etc).
3 - PASOLINI PIERPAOLO. (Bologne 1922 - Rome 1975). Ecrivain et metteur en scène, italien. Romans ("Ragazzi di vita", 1955; "Una vita violenta", 1959), poésie ("Les cendres de Gramsci", 1957, etc), théâtre, cinéma ("Accattone", 1961, "Il Vangelo secondo Matteo", 1964, etc), mais surtout formidable polémiste et moraliste, il dénonça les méfaits de la "bourgeoisie", et critiqua âprement la gauche italienne pour ses incapacités. Sympathisant du Parti radical, sur lequel il a écrit de très belles pages, le jour de sa mort il aurait dû se rendre à Florence, pour une intervention au Congrès de ce parti.
4 - IL GIORNO. quotidien milanais fondé en 1956.