par Olivier Dupuis

SOMMAIRE. Un bref souvenir précis d'une communauté d'idées et d'intentions, d'un activisme civil et politique intense.

La première fois que j'ai entendu parler d'Alex Langer, ce fut au début des années quatre-vingts. A l'époque l'incroyable succès remporté par la liste NEU LINKS-NOUVELLE GAUCHE, qu'Alex presque obligé par Marco Pannella avait fini par accepter de conduire, était encore très vif. C'était une liste trans-ethnique. Un thème auquel Alex a toujours beaucoup tenu. Je me souviens d'une très belle intervention de sa part en 1987, au 32ème Congrès du Parti Radical, intitulée "La parabole de l'Etat d'Israël". D'origine juive même si pas "canoniquement", comme lui-même le disait, il, était tourmenté par les souffrances que la naissance de cet Etat avait pu créer, par les "barrières ethniques contre les citoyens israéliens non juifs".

A partir de 1991, depuis qu'a éclaté la guerre en ex-Yougoslavie, les occasions de tourment de sa part se sont multipliées, mais son engagement également. Avec le "Verona Forum" qu'il avait créé, au Parlement européen, Alex a essayé de valoriser à tout prix les exemples de coexistence inter-ethnique. Récemment encore, il avait organisé la visite à Strasbourg de personnalités macédoniennes, du maire de Tuzla. Une fois la session parlementaire terminée, il les avait amenés avec lui à Bolzano pour leur montrer comment vivait sa ville - une ville, précisément inter-ethnique.

Avec lui, parfois nous étions en désaccord. Rarement sur les objectifs. Plus souvent sur la méthode, sur la stratégie. A la réalisation de l'objectif, Alex préférait parfois le témoignage. Comme sur la proposition d'adhésion de la Bosnie à l'Union européenne, sur laquelle nous nous étions même disputés. Alex voulait aller aux vote, à tout prix. En mai, il accepta de renvoyer le vote. Puis, têtu, à la session de juin il introduisit un amendement. Et nous fûmes amplement battus.

Nous étions ensemble à Cannes, la semaine dernière. A la manifestation pour l'adhésion de la Bosnie à l'Union européenne. Nous sommes rentrés ensemble en train à Bruxelles. A sa descente du train Alex s'est précipité au Parlement. J'ignore ce qui s'est passé, ce qui l'a poussé à accomplir ce geste extrême. La seule chose que je sais, ce sont les mots suivants de sa part qui me sont revenus à l'esprit: "je crois particulièrement juste d'exprimer son amertume et son désaccord lorsqu'on a peur que soit dénaturé ce qu'on espère, ce qu'on aime et donc ce qu'on reconnait en quelque sorte comme nous appartenant aussi."

Au revoir Alex. Nous nous souviendrons de toi, comme le radical que tu as été, comme Alex, tourmenté et têtu.

Parti Radical