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Partito Radicale Centro Radicale - 26 giugno 1996
Russie/mères de soldats

MERE POULE COURAGE

Maria Kirbassova, présidente du comité des mères de soldats russes, donne du fil à retordre à Boris Eltsine. Parce qu'un jour, son fils a fait son service militaire dans l'armée rouge.

Par Sylvie Lambroschini

Libération, mercredi 26 juin 1996

Manteau rose pâle et écharpe assortie, Maria Kirbassova serait une Moscovite élégante s'il n'y avait ses chevilles gonflées au point de ne supporter que de vieilles baskets déformées. La boue, le froid, les heures de marche en Tchétchénie .. , s'excuse la présidente du Comité des mères de soldats, ses yeux bridés de Kalmouke soulignant un sourire permanent. Le lendemain, un avion lesté de parents inquiets, de médicaments, de cigarettes et de dentifrice s'envole pour le Sud. Maria Ivanovna prépare son énième pied-de-nez à l'armée russe qui nous prend nos enfants. Sous sa direction, le comité a déjà introduit dans les montagnes caucasiennes, depuis le début de l'intervention russe dans la république indépendantiste, près de mille mamans, afin qu'elles récupèrent leurs rejetons. Si votre fils est là-bas, vous n'avez qu'à vous en prendre à. vous-même. S'il y meurt, aussi, répond-elle sans ambages aux mères tremblantes. Manière de les responsabiliser, de détruire la psychologie de troupeau. En Russie, estime-t-el

le, les femmes sont les plus aptes à la lutte: Les hommes Banque, on ne peut rien en tirer, parce qu'ils ont été dressés à l'armée.,) Comme son mari, réduit à l'obéissance et au silence pour avoir laissé leur fils Petia servir sous les drapeaux. Depuis, ce très bon époux par ailleurs, n'a guère droit qu'à trois heures d'attention le matin entre 6 heures et 9 heures: Je fais le lavage et je le nourris. Ensuite, elle se consacre au Comité, rachetant sa propre soumission d'esclave. Son fils unique, Petia, n'a pourtant eu à supporter que les difficultés ordinaires de la vie de caserne: 14 kilos en moins après deux ans de service. Sans subir les sévices de notre armée, puisqu'il n'est pas parti en Afghanistan, il n'est pas mort de faim, il n'a pas été torturé par ses aînés, constate sa mère. Mais c'est bien son histoire qui l'a poussée à abandonner son travail d'ingénieur au profit de l'association créée en 1989. A cause de l'armée, Petia aurait renoncé à mettre son génie à disposition de la recherche en informat

ique, conformément aux rêves maternels, pour devenir, grimace-t-elle en anglais, un businessman. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, Maria Kirbassova s'est, avec l'expérience militaire du fiston, trouvée confrontée au racisme: pas plus qu'elle, son fils ne peut renier ses origines kalmoukes. Descendants lointains des cavaliers de Genghis-Khan, les quelque 140.000 membres de cette ethnie orientale se sont posés dans les steppes méridionales écrasées par le vent et le soleil. Avant d'être déportés par le petit père des peuples en Sibérie. Fille de l'un d'eux, Maria Kirbassova était cependant convaincue de l'amitié des peuples protégés par le grand frère russe - jusqu'à ce qu'un officier de Petia se plaigne de tous ces culs noirs qui sont dans les casernes. Cette révélation la pousse à un assaut solitaire desautorités soviétiques. Armée d'un bouquet d'oeillets car il faut rester poli, elle démarche bureaux de ministres et de généraux pour faire muter son fils dans un régiment où il n'aura p

as à subir les brimades de ses pairs.

Un jour, pour sauver Petia qui est au bord du suicide, elle supplie un colonel de l'état-major soviétique. Qu'il se suicide, après on verra!, répond le gradé. C'est alors qu'elle décide de ne plus lutter seule. Le Comité des mères de soldats est né. Suit une période faste. Les années de contestation tolérée, du relâchement du carcan totalitaire dû à l'emballe-ment des réformes hésitantes de Mikhaïl Gorbatchev, portent Maria Kirbassova de petite victoire en petite victoire. L'été 1989, grâce à nos meetings incessants et au soutien des députés, 176.000 appelés ont été libérés avant terme afin de pouvoir poursuivre leurs études, se souvient-elle. Un an plus tard, un nouvel oukase du secrétaire général du PCUS ordonne de mettre en pratique les mesures proposées par le Comité. Mais aujourd'hui, sous la présidence de Boris Eltsine et devant un Parlement à majorité communiste, les mères, ne sont plus écoutées par des institutions qu'elles qualifient de criminelles. Pour l'élection présidentielle, Maria Kirbassova a

d'ailleurs refusé de voter, tant pour le président sortant, responsable d'avoir déclenché la guerre en Tchétchénie, que pour les communistes.

Cependant, la guerre en Tchétchénie a donné une nouvelle impulsion au mouvement, constate-t-elle avec satisfaction: sous les bombardements incessants des avions russes, la petite Kalmouke rondelette organise la première remise, par les indépendantistes, d'un soldat russe à sa mère. La cérémonie a lieu à l'intérieur du Palais présidentiel tchétchène. Lors de la marche de la compassion maternelle, en mars 1995, Maria Kribassova passe cinq heures agenouillée sous la pluie, en Tchétchénie, menacée de mort par un détachement de troupes du ministère russe de l'Intérieur. Les Tchéctchènes, eux, considèrent avec respect cette femme qui s'aventure dans leur tanière. Maria parle d'ailleurs des guerriers de la résistance tchétchène avec la fougue d'une adolescente amoureuse. Non buveurs, croyants, ils respectent avant tout les vieux et les enfants: signe suprême de civilisation pour cette bouddhiste.

Perce peut-être aussi la fraternité inconsciente des deux peuples, kalmouks et tchétchènes, dont l'identité nationale est marquée au fer rouge des déportations staliniennes. Elevée pour s'occuper de sa maison et de sa famille, elle dit rêver d'un XXIeme siècle où il n'y aura plus ni guerre ni armée, enchaînant les idéaux éculés avec une conviction de pionnière. Et affirme à qui veut l'entendre que son comité est l'expression d'une société civile naissante. Même si la passivité des Russes la désole: En Europe, les gens descendent dans la rue lorsqu'ils sont mécontents. Alors qu'ici, j'appelle les mères de soldats disparus en Tchétchénie pour venir à une manifestation contre la guerre et elles me répondent qu'elles n'ont pas le temps parce qu'elles lavent leurs carreaux.

 
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