J'ai voulu commencer cette conférence par cet article pour faire connaître aux abonnés d'Agorà mes convictions. Ce qui ne veut pas dire que je pense détenir la vérité.
La CONFERENCE DROGUE est en fait un moyen pour confronter des points de vue différents, pour faire connaître les résultats des recherches sur cet argument qui ont été effectuées de par le monde, pour les opposer si nécessaire, et, si possible, pour faire progresser le débat sur le prohibitionnisme de la drogue.
En fait, les informations sur la drogue diffusées par les médias sont à sens unique: la drogue tue, corrompt et donc il faut l'interdire.
Pesonne n'instruit le grand public d'une autre vérité: ce n'est pas la drogue qui tue, qui corrompt mais le prohibitionnisme sur la drogue. Un magistrat français, Georges Apap, a synthétisé ce concept par une phrase très percutante: "La drogue n'est pas interdite parcequ'elle est dangereuse, mais elle est dangereuse parcequ'elle est interdite".
Mais la presse internationale est désormais "droguée" par les déclarations de guerre mirobolantes que, de Bush à Craxi, les gouvernants de la planète prononcent par de cyniques calculs électoraux.
J'espère enfin que cette conférence soit utilisée non seulement pour discuter mais également pour faire quelque chose de concret contre les effets pervers du prohibitionnisme, pour changer ces lois qui voudraient combattre la drogue mais qui ne produisent au contraire que l'enrichissement de la criminalité intenationale organisée, l'augmentation de la délinquence dans les villes, la croissance du nombre des toxicomanes, la diffusion de la corruption jusqu'à des niveaux plus élevés que les Etats et la subversion des principes de l'Etat de droit.
Comme je l'ai dit au début, toutes les opinions seront les bienvenues.
Marco Taradash.
P.S.
Ceux qui souhaitent se documenter sur les positions antiprohibitionnistes, peuvent sélectionner les textes dans les ARCHIVES PARTI RADICAL d'Agora, en utilisant les mots-clés: "drogue, anti-prohibitionnisme".
Pour consulter les actes de la Rencontre internationale sur l'anti-prohibitionnisme de Bruxelles (28 Septembre - 1er Octobre 1988) "Les coûts du prohibitionnisme sur les drogues", sélectionner: "drogue, anti-prohibitionnisme, entretiens, Bruxelles".
Et enfin, pour les renseignements sur la politique en matière de drogue des Nations-Unies, de la Communauté Européenne et des Etats européens, sélectionner: "drug policy".
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LE PROHIBITIONNISME DE LA DROGUE: UNE AFFAIRE DE 500 MILLIARDS DE DOLLARS
Marco Taradash
SOMMAIRE: "Aujourd'hui, la violence dans les villes est fille du prohibitionnisme contre les drogues, comme elle l'était déjà dans la ville de Chicago de Al Capone. Le prohibitionnisme qui échoue est devenu une menace mortelle pour la vie des particuliers, la liberté, la paix, le droits des Etats et l'Etat de droit".
Le trafic est une arme pointée contre la planète entière. C'est ce qu'affirment les documents officiels de tous les gouvernements, les enquêtes de la Communauté européenne, les relations des services secrets des U.S.A., les rapports de l'Organisme de contrôle sur les stupéfiants de l'O.N.U. Et pourtant, aucun gouvernement n'a eu jusqu'ici le courage de modifier la politique de répression pénale pour l'usage et le commerce des drogues adoptée avec le maximum de rigueur, à partir de 1961, l'année de la convention O.N.U. de New-York. Admettre la défaite du prohibitionnisme signifierait, pour beaucoup, reconnaître une erreur de trente ans: avoir continué la politique prohibitionniste. L'O.N.U. justifie le passé et consent, en même temps, de conserver les exceptionnels privilèges économiques et de status que les organisations supranationales et les Etats attribuent aux professionnels de l'anti-drogue. L'O.N.U., elle-même, affirme avec une clarté crue que, "l'usage des drogues illégales, qu'elles soient naturelles
ou de synthèse, a connu une augmentation tellement rapide, durant ces vingt dernières années, qu'elle menace aujourd'hui tous les pays et toutes les couches sociales. La production et la fabrication clandestines des drogues touchent un nombre croissant de pays, dans de nombreuses parties du monde. Ces activités qui atteignent des proportions alarmantes, sont financées et dirigées par des organisations criminelles qui ont des ramifications internationales et bénéficient de la complicité du système financier. Ayant à leur disposition des fonds presqu'illimités, les trafiquants corrompent les fonctionnaires, diffusent la violence et le terrorisme, influencent l'application des conventions internationales pour la lutte contre la drogue et exercent, dans la réalité des faits, un véritable pouvoir politique et économique dans beaucoup de parties du monde".
C'est la description d'une nouvelle formule de gouvernement, la pire qui ait jamais été inventée, la Narcocratie. Mais ce sont les chroniques de tous les jours qui nous font connaître qu'aujourd'hui, dans le monde, les capitaux énormes que la criminalité organisée tire de l'industrie de la drogue sont devenus la source principale de la violence, de la corruption et de la dégradation sociale, et en même temps, un obstacle très grave au développement des potentialités des zones les plus pauvres du monde et de celles situées à l'intérieur des pays industrialisés. Une somme oscillant entre 300 et 500 milliards de dollars se reverse, chaque année, dans les caisses des organisations de la mafia internationale. Pratiquement, avec le budget de deux ou trois ans de cette industrie on pourrait éteindre entièrement la dette étrangère des pays en voie de développement, qui se somme à peu près à mille milliards de dollars. L'argent de la drogue envahit les institutions de la société civilisée, les banques, la Bourse, les
activités économiques, légales et illégales, se transforme en corruption, chantage, violence armée contre les institutions judiciaires et politiques.
L'argent de la drogue alimente la criminalité, la criminalité alimente le marché de la drogue. Le nombre des toxicomanes de l'héroïne augmente d'année en année, parce que chaque nouvel arrivant est obligé, pour payer sa dose quotidienne, à devenir immédiatement le commis-voyageur de l'héroïne. Ou bien il est contraint à voler, à tuer ou à se prostituer. De l'Allemagne aux Etats-Unis, de l'Espagne à l'Italie, du Canada aux mégalopoles de l'Amérique latine, le trafic de la drogue est reconnu comme étant l'origine de la grande majorité des crimes, jusqu'à 80% des vols, des attaques à main armée, des vols à la tire et des homicides. Chaque année, il y a dans le monde, des millions de victimes d'une violence insensée, qui n'appartient ni à la nature de la drogue, ni à celle du drogué, mais à une impérieuse nécessité d'argent, due à une loi folle et inhumaine. Cet argent qui finira par enrichir et rendre plus fort et toujours plus invincible le même ennemi que la prohibition voudrait vaincre et dont la puissance,
au contraire, ne réussit pas à être éraflée: chaque année on bloque et on séquestre à peine 5-10% des drogues en circulation sur les différents marchés. La légalisation de la production, du commerce et de la vente des drogues aujourd'hui interdites, de la marijuana à l'héroïne et à la cocaïne, aura l'effet d'assimiler les substances aux drogues déjà légalisées - du moins dans beaucoup de pays - comme l'alcool (du vin aux spiritueux) et le tabac. Leur prix diminuera de 99% et ce sera le devoir de l'état de fixer des impôts adéquats pour en décourager la consommation et en garantir, en même temps, la qualité de façon à en réduire au minimum les effets nocifs, y compris l'infection due au SIDA ou à d'autres maladies. La mafia internationale subira une défaite telle que pas même la coalition de toutes les armées de l'Est et de l'Ouest ne réussiraient, aujourd'hui, à lui imposer perdant tout d'un coup la source essentielle de leur richesse et la raison de leur invincibilité. La légalisation effacerait, d'un jour
à l'autre, la raison d'être de millions d'actes de violence subies par les personnes les plus faibles et sans défense. Elle libérera les forces de l'ordre et la magistrature du poids de ces délits donnant automatiquement à celles-ci l'efficacité et la capacité d'intervenir en faveur de la sécurité des citoyens. Elle rendra disponible pour les campagnes de dissuasion et pour la récupération des toxicomanes des sommes énormes actuellement dépensées pour une chasse à l'homme inutile.
Aujourd'hui, la violence dans les villes dans le monde, est fille du prohibitionnisme sur les drogues comme cela advint pour l'alcool dans la ville de Chicago de Al Capone. Mais le prohibitionnisme qui échoue est devenu une menace mortelle pour la vie des particuliers, les libertés, la paix, le droit des Etats et l'Etat de droit, mis en danger par des lois toujours moins respectueuses des droits de l'homme (à commencer par la réintroduction de la peine de mort dans beaucoup d'états qui l'avaient abolie) et des garanties du procès.
C'est pour cela que le Parti radical a inséré, dans la motion qui sanctionne sa transformation en parti transnational, la campagne anti-prohibitionniste comme un objectif essentiel de son initiative politique. Et c'est pour cela que je vous demande de vous unir à nous, au Parti radical pour vaincre une politique qui crée et qui alimente une criminalité organisée, produit la violence et des millions de victimes, favorise la diffusion des drogues et rend pénible et souvent insoutenable la vie des toxicomanes.