Une réponse au message de Ruiz-Portella.
Personnellement je crois que la question de la négociation se pose en termes absolument différents selon les paradygmes:
-a) du prohibitionnisme
-b) de l'antiprohibitionnisme.
Dans le cas a) l'objectif de l'Etat est en fait celui de détrôner les boss actuels du trafic de drogue dans l'espoir de pouvoir prévenir l'apparition d'autres groupes "rampants" de trafiquants; tandis que l'objectif des boss est celui de s'assurer l'impunité et d'exploiter (uniquement) sur le marché légal les revenus du trafic. Les chefs des cartels colombiens visent indirectement à cette impunité au travers d'un veto du gouvernement aux procédures d'extradition aux USA, en comptant, évidemment, sur des sentences de faveur dans leur mère patrie. Ce type de négociation est fondé sur des prémisses et sur une présomption. Les prémisses sont que la mafia ressemble à une pieuvre, avec un unique cerveau et cent tentacules; la présomption est qu'à l'expulsion des cadres dirigeants de la structure productive et commerciale de la mafia, succède l'interruption de la fabrication et du commerce du produit. C'est une hypothèse pour le moins délirante, identique à la présomption des groupes terroristes de gauche de vouloi
r liquider le système bancaire du capitalisme en assassinant l'un des grands banquiers internationaux.
L'éventuelle négociation b) vue du côté antiprohibitionniste aurait de toutes autres prémisses et buts. Avant tout les prémisses sont que la mafia, les mafias, ne sont pas des pieuvres aux cent tentacules, mais une Hydre aux cent têtes, et par conséquent, une négociation avec une poignée de trafiquants représente de toutes façons un palliatif. En outre, des mesures de légalisation des drogues prohibées, leur enlèveraient toute valeur commerciale; par conséquent le trafic finirait par s'épuiser très rapidement et les trafiquants perdraient, en même temps que leurs profits, toute raison d'éxister. D'un jour à l'autre l'Etat et ses bureaux judiciaires auraient à faire à une masse d'ex-trafiquants (une partie desquels, évidemment, continuerait à s'occuper d'autres activités criminelles parallèles plus traditionnelles, depuis l'extorsion jusqu'à l'arnaque et à l'homicide dans les agressions à main armée) avec lesquels, après la légalisation, il y aurait bien peu à négocier. Voilà comment donc une négociation peut
avoir un sens, uniquement avant la légalisation, et comme but, uniquement celui d'atténuer la position évidente de la légalisation de la part des trafiquants et de leurs émissaires au Gouvernement, aux Parlements, dans l'appareil d'Etat.
A la question que posait notre interlocuteur, je voudrais alors répondre ainsi: non à n'importe quelle négociation dans le prohibitionnisme, non seulement pour des raisons juridiques de fond, mais parcequ'inutile, sinon à effet contraire (elle ferait rapidement apparaître de nouveaux boss); peut-être, mais à des conditions qu'il faut essayer (et j'espère qu'Agorà nous aidera à mieux définir ce scénario) comme prémisses à une forte politique antiprohibitionniste contre le crime et la criminalité politique produite par les lois actuelles.