La Colombie est au centre d'un tourbillon de violence criminel déchaîné par les narco-trafiquants et par ceux qui, dans les pays développés, contrôlent la distribution des drogues et en bénéficient. La Colombie est le premier Etat victime du prohibitionnisme. C'est pourquoi, justement, les thèses anti-prohibitionnistes y sont souvent soutenues par différents secteurs de la population.
L'Institut d'Etudes Libérales a entamé cette campagne en exigeant un changement radical dans la politique officielle, laquelle devrait être remplacée par une autre orientation centrée sur quatre points essentiels:
1.- La nouvelle politique devrait être basée sur des considérations ethiques. La dépénalisation est tout à fait juste d'un point de vue éthique parce que son alternative -le prohibitionnisme- a été incapable de réduire la consommation (en réalité, celle-ci ne fait qu'augmenter tous les ans). En outre, le prohibitionnisme a ajouté à la consommation le énormes coûts aditionnels dérivés de la délinquence dans les rues aux Etats Unis ou en Europe, ainsi que le terrorisme en Colombie ou en Turquie.
2.- La nouvelle politique devrait protéger les personnes innocentes. La légalisation des drogues protège les innocents, car les vendeurs ambulants de drogues n'auron plus aucun intérêt à trouver de nouveaux clients; et les énormes ressources actuellement consacrés à la répression (plus de US$ 10 milliards cette année aux USA) pourraient être consacrées à la prévention et au traitement des drogués, ainsi qu'au remplacement des cultures.
3.- La nouvelle politique doit aller à la racine du problème, et ne doit pas viser seulement ses conséquences. La dépénalisation va à la racine du problème parce que si les narco-trafiquants existent, c'est justement parce que les drogues sont interdites et deviennent dès lors une affaire en or. En effet, les trafiquants des drogues profitent du fait que bien des gens sont prêts à payer de grosses sommes d'argent pour une marchandise illégale: 40 millions de consommateuirs dans le monde industrialisé qui dépensent entre 300 et 500 milliards US$ par an.
4.- La nouvelle politique doit constituer une réponse internationale à un défi qui est international. Il ne s'agit pas en effet que la Colombie dépénalise unilatéralement le commerce des drogues, mais que celui-ci soit réglémenté par une nouvelle convention mondiale.
Des personnalités marquantes de la politique colombiennes ont fait leur une telle proposition. C'est ainsi que Jaime Castro et Ernesto Samper, pré-candidats du Parti Libéral (actuellement au pouvoir) à la présidence de la République, et Rodrigo Lloreda, candidat du Parti Conservateur, ont exprimé publiquement leur soutien à la "dépénalisation", à la "décriminalisation progressive", à la "légalisation contrôlée" et à la "réglémentation" de la production, de la fabrication, de la commercialisation et de la consommation des drogues psycoactives.
Selon Jaime Castro, la Déclaration de Cartagène, signée par les Présidents Bush, Barco, García et Paz Zamora, ne modifie pas la stratégie suivie jusqu'à maintenant dans la lutte contre les trafiquants. Elle n'offre aux pays producteurs presque rien d'autre que de la repression pure et simple, agrémentée avec l'offre de certaines aides économiques qui ne sont pas quantifiées; et pour le grand consommateur, la réthorique bien connue sur la prévention et la réhabilitation. En d'autres mots, la Colombie aura toujours dans cette lutte la plus mauvaise part, quel que soit le prix qu'elle ait à payer.
Il est urgent de réflechir donc sur des stratégies différentes qui, avec un coût moindre, produiraient de meilleurs résultats. Voilà ce que les pays concernés doivent faire. Cette nouvelle politique, ils doivent l'assumer sans de faux tabous, sans de faux moralismes, sans adopter des positions émotives; autrement dit, ils doivent l'assumer d'une façon objective et sérieuse. Cette nouvelle façon d'envisager le problème n'implique pas un laxisme, l'absence de contrôles ou la permissivité, car elle ne mène pas à la libéralisation totale de l'offre, du commerce ou de la consommation. Ce dont il s'agit, c'est d'établir une solution concertée entre l'Etat et la société, qui enleverait aux narcotrafiquants leur énorme capacité économique, leur terrible pouvoir de corruption, leurs possibilités de crimes et de viiolences.
Ernesto Samper Pizano a déclaré que le scénario de la guerre contre les narcotrafiquants ne peut pas se borner à la Colombie. "Nous n'acceptons pas la vietnamitsation du pays à cause de 40 millions de drogués". C'est-à-dire, soit on prend l'engagement clair de contrôler la consommation dans les pays riches, soit on se met à discuter de la légalisation internationale. Entre temps, la Colombie ne peut pas continuer à endosser les frais de cette guerre dans laquelle elle ne compte pas sur un véritable soutien extérieur. "Ce qu'il nous faut, ce ne sont pas des équipements militaires bons pour la poubelle, ni des accolades de félicitation, mais des prix justes pour le café et l'ouverture des marchés à nos produits d'exportation".
Enfin, Rodrigo Lloreda, candidat du Parti Social-Conservateur à la présidence de la République, a déclaré qu'une chose est d'en finir avec les trafiquants des drogues, et une autre d'en finir avec le trafic. On peut en finir avec les trafiquants en acceptant leur offre publiique et répétée de reddition, à la condition toutefois que les responables d'actes terroristes soint jugés sous une supervision internationale par les tribunaux militaires, et après avoir indemnisé les victimes. Avec le trafic des drogues, par contre, on ne pourra en finir tant qu'il y aura dans les pays consommateurs une grande demande, et tant que les mêmes sanctions drastiques qu'ils nous exigent n'y soient également appliquées ; ou plutôt, tant que le traitement du problème n'y sera pas décriminalisé.
Les propositions précédentes sur la dépénalisation mondiale faites à partir de la Colombie ont l'autorité morale de celui qui a payé les coût le plus haut en matière de terrorisme, de perte de vies humaines, de destabilisation institutionnelle, d'atteintes à la souveraineté nationale, de destruction de son appareil judiciaire, d'altération de son système économique, de corruption et de détérioration de ses valeurs morales.