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Conferenza droga
Partito Radicale Jean-Luc - 11 aprile 1991
LES LIMITES DE LA
PROVOCATION POLICIERE Francis CABALLERO

(Libération, 6 avril 1991)

Où sont les limites de la provocation douanière et policière? Telle est la question que tout le monde se pose depuis les arrestations de quelques agents de la Direction nationale des enquêtes douanières. Une direction très spéciale, officiellement soutenue par son ministre, pour qui "on n'attrape pas les mouches avec du vinaigre". Pour lutter contre le trafic de drogue, il faut des méthodes efficaces. Les douaniers seraient donc les précurseurs en France des méthodes américaines de la DEA. Foin du "juridisme pointilleux". D'ailleurs, juridiquement, ajoute Michel Charasse, la Convention de Vienne prévoit "une disposition expresse qui autorise la pratique de la livraison contrôlée et laisse à chaque Etat le soin de la mettre en oeuvre en droit interne".

Face à ces affirmations, il est urgent de rappeler quelques principes et de rétablir la réalité des faits. Tout d'abord, la Convention de Vienne (art. 11) ne prévoit nullement la pratique des livraisons "contrôlées", mais seulement celle des livraisons "surveillées". Or la substitution d'adjectif n'est pas neutre.

Une livraison "surveillée" est, selon la convention, "une expédition illicite dont il est convenu de surveiller la livraison". Cela veut dire que les agents se bornent à la suivre dans son parcours sans l'acheminer eux-mêmes. Cette technique, bien qu'elle laisse se perpétuer provisoirement l'infraction qu'ils doivent faire cesser, est admissible au nom de la recherche des preuves. Elle a d'ailleurs été avalisée en France par une circulaire de Robert Badinter de 1984.

La livraison "contrôlée", défendue par Michel Charasse, est en réalité une livraison "assurée". Les agents prennent en charge la marchandise, l'importent, la transportent, la stockent, la conditionne, la négocient et... finalement l'interceptent. Le cannabis, clef en main, livré par les douanes. A la tonne. Telle est la pratique douteuse qui pose aujourd'hui un problème de légalité et d'efficacité.

Sur le plan légal, contrairement à ce que l'on prétend, la provocation n'est nullement condamnée par la justice. Bien au contraire, celle-ci s'est montrée jusqu'alors plutôt complaisante à son égard. Saisie en septembre 1990 dans l'affaire des douaniers de Lyon, la chambre d'accusation n'y avait rien trouvé à redire. Et le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé d'examiner le pourvoi dirigé contre cet arrêt.

Sur le fond, la Cour de cassation a d'autre part déjà fixé des principes. Elle a affirmé que "le fait pour un inspecteur de se faire passer pour un acheteur de stupéfiants" ne détermine en rien les agissements délictueux et a seulement pour effet de permettre la constatation d'infractions déjà commises et d'en arrêter la continuation. C'est la consécration des pratiques de provocation à l'achat, également connue sous le nom de "buy and bust" (j'achète et j'arrête).

Ces pratiques se justifient pour des raisons d'ordre public. C'est le seul moyen d'arrêter les dealers de rue. En particulier lorsqu'ils opèrent à plusieurs. De plus le policier se présente comme un simple usager (un délit mineur) et ne se livre à aucune manoeuvre, ni mise en scène.

Tout autre chose sont les pratiques de provocation à la vente, connues sous le nom de "sell and bust" (je vends et j'arrête), que les douaniers veulent introduire en France. L'agent provocateur se transforme cette fois en trafiquant, en commettant des infractions graves, accompagnées de mise en scène élaborées et de démarches répétées pour piéger les suspects.

Le mérite de ces affaires est d'avoir mis en lumière les dangers de la provocation sans limites. En effet les techniques de douanes suscitent des risques majeurs tant pour les agents eux-mêmes que pour des citoyens.

-Des risques physiques pour la vie et la sécurité des agents. Si les pièges des douanes se généralisent, les trafiquants vont se méfier et leur tendre des pièges à leur tour. Et il arrivera ce qui est arrivé à l'agent de la DEA, Kiki Camarena, enlevé, torturé, mutilé et assassiné au Mexique en 1985. Avis aux douaniers infiltrés au Maroc.

-Des risques de corruption. A force de manier des quantités de drogue et d'argent considérables, les tentations pour des agents mal payés seront vives. Et il arrivera ce qui est arrivé aux policiers colombiens ou américains. Sans aller jusqu'à la corruption franche, les dérives et les bavures sont à craindre.

Une chance reste cependant aux douaniers incarcérés. Invoquer, pour se disculper, "le commandement de l'autorité légitime" (art.470 CP). En clair, des instructions de leur ministre. Or, si Michel Charasse leur ordonne "de lutter sans merci contre les trafiquants", ce qui est vague, il ajoute "qu'il n'a pas donné aux douaniers d'instructions précises sur la manière de faire les livraisons contrôlées", ce qui est très clair. Bref, il les soutient médiatiquement, mais pas juridiquement.

-Les citoyens ne sont guère mieux lotis. La provocation est très dangereuse pour les libertés individuelles. On sait où ça commence, on ne sait pas où ça finit. On commence par l'admettre pour le trafic de drogue, puis on s'y habitue, on l'étend et on la généralise. Un jour, les industriels lyonnais se verront proposer des filières de capitaux vers la Suisse. Avec de telles pratiques de provocation, on peut piéger n'importe qui. Avis aux hommes d'affaires.

Il est vrai que le ministre du Budget justifie les agissements des douanes par deux arguments massue: la santé de la jeunesse et l'efficacité de la répression.

Pour Michel Charasse, tous les moyens sont bons contre "les marchands de mort" qui corrompent la jeunesse. On serait plus convaincu de sa sincérité si, dans le même temps, il n'avait pas défendu la cigarette Chevignon, lancée justement pour séduire la jeunesse (12-15 ans). Or, le tabac tue 50 000 Français chaque année et la cannabis n'a jamais tué personne. Il ne figure même pas dans la liste des substances ayant entraîné des "décès par abus de drogue depuis 1969" (Rapport Trautman, p. 191).

Quant à l'efficacité dans la lutte contre le trafic, elle est plus que douteuse. L'importance des prises (1 tonne à Lyon, 600 kg à Vienne, 550 kg à Dijon...) ne doit pas faire illusion. En termes de saisie, elle ne signifie rien puisque, à chaque fois, c'est le haschisch détenu par les douanes.

En terme de destruction de filières, elle est également inopérante. Comme des gros bonnets ne s'approchent jamais de la marchandise, et qu'il faut boucler l'opération par un "faux flagrant délit", on n'arrête que des comparses. Des chauffeurs, convoyeurs, passeurs, que l'on peut recruter par centaines. Voire des innocents, transporteurs de chocolat.

Cela posera d'ailleurs un véritable problème de politique européenne au moment de l'ouverture des frontières de 1993. Un problème auquel on aimerait que les ministres des Douanes s'attellent sérieusement. Au lieu de défendre les douaniers français "soi-disant-opprimés-par-les-juges-dans-leur-lutte-courageuse-contre-le-trafic"!

La vérité est moins reluisante: l'administration des douanes a peur de voir ses effectifs réduits en 1993. Elle fait donc le forcing pour valoriser son action. Dès lors, tous les coups sont permis, même de jouer au trafiquant. Voilà pourquoi les gangsters du droit, soi-disant auxiliaires de justice, défendent avec des moyens inadmissibles un corporatisme dépassé. Avis aux Français.

 
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