ON Y GAGNERAIT EN CLARTE
La proposition de Patrick Moriau suscite des réactions en sens divers auprès des intervenants de terrain. Responsable d'Infor Drogues, Eric Bastin voit dans l'interview accordée à nos confrères du Soir pas mal de sources de confusion. Sur les termes d'abord: ,On parle de dépénalisation et en même temps du souci d'organiser la vente de cannabis. Organiser la vente, c'est légaliser le produit. Ce qui est différent que de le soustraire aux poursuites pénales. Je crois que la dépénalisation est une bonne chose. Le produit en tant que tel n'est pas vraiment nocif et n'engendre qu'une faible assuétude. Aussi, je crois qu'entreprendre des poursuites répressives vis-à-vis de consommateurs ou de traficoteurs est suranné et en porte-à-faux avec la vérité scientifique. Bien sûr, on prétend que la justice ne poursuit plus. Ce n'est pas toujours vrai. Dans les faits, les risques d'arbitraire existent, notamment en cas de récidive ou de circonstances mal éclaircies. Il vaut mieux que les choses soient claires. C'est diffi
cile pour nous de faire de l'information sur un produit pas plus nocif que l'alcool ou les cigarettes tout en avertissant les jeunes qu'ils sont passibles de sanctions pénales s'ils en consomment. Une fois dépénalisé, nous pourrions mieux expliquer les risques réels de l'usage d'un tel produit, comme pour la tabagie. D'autre part, en parlant du rôle que pourraient jouer les CPAS, on entretient la confusion entre dépénalisation et médicalisation. Le consommateur de cannabis n'est pas un malade. Si, au lieu de mettre le consommateur en prison, on l'envoie à l'hôpital, on rate, son objectif Quant à la légalisation du produit, ce peut être une bonne chose car cela signifie que le consommateur ne serait plus en contact avec les circuits criminels qui proposent aussi d'autres produits nettement plus dangereux. Mais de là à légaliser l'ensemble des drogues, c'est aller un peu vite en besogne. Pour le Dr Eric Picard, médecin-directeur de l'association d'accueil et de soins aux toxicomanes Midrash, cette possible dép
énalisation du cannabis est une bonne chose mais l'organiser via des CPAS qui ont quand même bien d'autres choses à faire est absurde. De deux choses l'une, précise le médecin, ou le cannabis est un produit dangereux et on l'interdit, ou l'on considère que c'est un produit de consommation qui peut être géré par une personne adulte et vaccinée et il n'y a, dès lors, pas lieu de faire intervenir l'aide sociale. Il n'y a pas lieu pour le Dr Picard d'établir un lien entre la consommation de drogues douces et son passage obligé aux drogues dures. Le fondement est faux: On part en effet du principe que tous ceux qui consomment des drogues dures sont passés par le cannabis. C'est vrai. Mais l'on oublie de préciser que la toute grande majorité des consommateurs de cannabis ne vont jamais aux drogues dures. Président du Réseau d'aide aux toxicomanes (RAT), le Dr Van der Bruggen se montre des plus réticents face à la proposition du parlementaire socialiste. ,A mon sens, s'il faut dépénaliser, ce doit être tout ou rien
. La tolérance qu'affichent les Hollandais à l'égard du cannabis a montré ses limites. Dans ce pays, on voit que la consommation de drogues dures n'a guère diminué de manière significative. M.Van der Bruggen voit néanmoins dans l'anti-prohibition la possibilité de mettre fin à la démarche des candidats toxicomanes, qui est avant tout celle de briser un interdit.