Les enfants victimes de la "guerre à la drogue" ?
Est-il vrai que la justice manque de moyens ? En tout cas ses priorités sont parfois discutables. La "guerre à la drogue" me semble un bon exemple. Elle remplit les prisons de gens plutot inoffensifs et qui pourraient le rester. On leur reproche en général d'avoir acheté ou vendu des substances (cannabis, cocaine, amphétamines, opiacés etc...) certes potentiellement nocives mais qui ne font de tort qu'a ceux qui les consomment, et qui tuent infiniment moins de monde que le tabac et l'alcool.
Il s'agit souvent d'un usage récréatif, au pire d'un problème médical. On comprend mal l'intéret d'une répression notoirement inefficace ou contre-productive. Comment surveiller sérieusement ce qui est illégal ? Des policiers en conviennent: ils savent que l'augmentation des saisies traduit surtout la croissance du trafic.
La décriminalisation des drogues permettrait de controler la délivrance, la qualité et les prix. On atteindrait plus facilement les toxicomanes, notamment pour traiter les états de manque avant qu'ils débouchent sur des agressions. En sortant le marche de la clandestinité, on mettrait fin aux surprofits énormes qu'en tire le crime organisé.
De plus en plus de voix s'élèvent pour remplacer la prohibition par une distribution controlée et une approche pragmatique de "réduction des risques".
En Belgique plus du tiers des condamnés sont détenus pour des faits liés à la drogue. On peut penser que la légèreté surprenante des autorités dans certaines affaires de pédophilie s'explique en partie par une crispation d'un autre age devant des produits euphorisants, diabolisés en dépit du bon sens.
Beaucoup aujourd'hui semblent croire que les libérations prématurées de pervers dangereux, les carences du traitement, de la réhabilitation et de la surveillance s'expliquent uniquement par l'incurie ou la corruption.
Ne reflètent-elles pas aussi un réel manque de moyens, lié aux illusions d'une "guerre à la drogue" mal menée, perdue d'avance, et qui encombre les prisons ?
Baudouin Petit,
pédiatre
E-mail from: Baudouin Petit, 11-Sep-1996