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Conferenza droga
Partito Radicale Maurizio - 9 ottobre 1996
LE PARISIEN, page 2

rapport: de 500.000 à 1 million d'héroïnomanes en Europe

UN COMMISSAIRE EUROPEEN POUR LA LIBERALISATION DE LA DROGUE

propos recueillis par Yannick LAUDE

La coopération policière et judiciciaire en Europe bute sur la

qestion de la drogue. La politique permissive des Pays-Bas a

conduit la France à bloquer la bonne application des accords de

Schengen et suscité à plusieurs reprises la colère de Jacques

Chirac. Emma Bonino, quarante-sept ans, commisaire européenne à

la consornmation et membre du Parti radical italien, prend parti

dans ce débat en faveur de la libéralisation des stupéfiants.

Pourquoi êtes-vous favorable à la dépénalisation des stupéfiants?

Emma Bonino. - Parce que je constate que la prohibition est

inefficace sur le plan de la consommation et en plus favorise un

marché noir très lucratif. On me dit que libéraliser l'usage de

la drogue, c'est être en faveur de la vente dans les écoles. Mais

après vingt ans d'interdictions, la vente est en réalité déjà

libre dans les écoles. ça n'a donc rien résolu. En revanche, si

ce commerce devient officiel sous une forme à définir - et en

matière de réglementation, les Etats ont beaucoup d'expérience -,

cela privera le crime organisé d'une source importante de

revenus. En plus, si les drogues deviennent disponibles pour un

coût raisonnable, cela diminuera les agressions de drogués pour

se procurer de l'argent.

N'est-ce pas le rôle des Etats de veiller à la santé de la

population?

Soyons clairs. Je suis contre la drogue et je ne crois pas que ce

soit très bon pour la santé. Si la prohibition parvenait à

empêcher la consommation, pourquoi pas! Encore une fois ce n'est

pas le cas. Les prohibitionnistes se donnent bonne conscience,

mais en fait ils jouent les autruches. La consommation de drogue,

c'est un phénomène social et sanitaire que l'on traite

pénalement. Il faut donc changer de méthode. La référence, c'est

bien sûr la législation néerlandaise qui a produit d'excellents

résultats: il y a moins de criminalité et de petite délinquance,

les toxicomanes sont répertoriés et il y a eu beaucoup moins de

personnes contaminées par le sida qu'ailleurs en Europe.

S'il s'agit d'une panacée, comment expliquez-vous la réticence

des gouvernements à imiter les Pays-Bas?

Cette résistance me rappelle beaucoup celle qu'il y avait pendant

des années sur l'avortement. Tout le monde sait bien que

l'arsenal juridique prohibitionniste est en faillite mais

personne ne veut ouvrir le débat et réfléchir à des solutions

alternatives. En fait, c'est du conformisme, on en fait une

question de morale. Mais moi, je considère que l'Etat n'a pas à

sauver mon âme. La drogue relève de la sphère privée, comme

prendre des calmants ou de l'alcool.

Pourquoi Bruxelles ne lancet-il pas ce débat directement?

Le traité de Maastricht n'accorde a la Commission qu'un rôle très

limité dans les questions de santé publique et plus encore de

justice. Je m'exprime d'ailleurs ici en mon nom. C'est aux Etats

de prendre leurs responsabilités.

********

LES PAYS-BAS MOINS TOUCHES PAR LA TOXICOMANIE

Le libéralisme néerlandais en matière de drogue, et quoi qu'en

pense Jacques Chirac qui l'a encore dénoncé hors du sommet

franco-italien de Naples, ne se traduit pas par un record de

toxicornanie aux Pays-Bas. Selon le rapport de l'Observatoire

européen des drogues publié hier, c'est plutôt au Royaume-Uni et

au Danemark que les fumeurs de cannabis sont les plus nombreux et

au Luxembourg et en France que l'héroïne fait le plus de ravages;

30% des adolescents britanniques de 16-17 ans disent fumer des

joints contre 20% de néerlandais, 19% d'espagnols et 12% de

français. Chez Ies jeunes adultes de 18 à 35 ans, c'est au

Danemark que les adeptes du cannabis sont les plus nombreux avec

43%, suivi de la Grande-Bretagne à 24% puis de la France à 22%.

En matière de drogues dures, on compte 600 héroïnomanes pour

100.000 habitants au grand-duché du Luxembourg. La France vient

derrière avec 280 héroïnomanes pour 100.000 habitants, une

proportion qui atteint 200 aux Pays-Bas. Le rapport estime entre

500.000 et 1 million le nombre de personnes accoutumées à à

l'héroïne en Europe. Entre 75 et 85% des drogués sont des hommes.

La politique de prévention et de distribution de seringues a

considérablement lirnité la diffusion du sida dans les pays qui

l'ont menée puisque seulement 6,1% des héroïnomanes

britanniques, 10,5% des néerlandais et 10,8% des suédois ont

contracté le virus VIH contre 65,9% des toxicomanes espagnols

64,5% des italiens et 24% des français. (Y.L.)

 
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