Date: Sun, 27 Oct 1996 21:49:43 +0100
To: 100523.1467@compuserve.com
From: midrash@resu1.ulb.ac.be (Eric Picard)
Subject: RE congrès PRL
Cc: cora.belgique@agora.stm.it,
marc.reisinger@infoboard.be (Marc Reisinger, EUMA)
Cher Baudouin,
je te remercie pour ton écho enthousiasmant du congrès PRL. Michel Hancisse signale avoir rencontré à l'ULB, à l'occasion d'une table de la CORA, le président (ULB?) des étudiants libéraux, qui s'est montré très intéressé par la CORA, ainsi que par le Parti Radical, et franchement antiprohibitionniste. Il est invité à la réunion chez Michel ce mardi.
J'espère t'y voir, ainsi que Marc.
En effet, il est question que nous organisions une journée du congrès international de la CORA qui se tiendra à Bruxelles début décembre, et qui serait consacrée à la prohibition des traitements. Nous pourrions y inviter le Professeur Henrion (président de la Commission française sur la drogue), le professeur Changeux (président du Comité d'éthique Français), Newman, le conseiller municipal de Turin qui s'est opposé aux limitations des traitements méthadone en Italie, l'ex ministre de la santé Santkin, Roger Lallemand, Kouchner, Bacquelaine, nous-même....
Michel et moi avons rencontré Philippe Monfils au Parlement européen. Nous sommes convenu que le PRL organiserait une journée de réflexion sur la drogue, à laquelle divers experts, dont nous,seraient conviés.
Les échos du congrès que tu donnes montrent qu'une telle journée pourrait être utile à une réflexion sérieuse de ce parti au sujet des traitements.
En effet, il ne fait aucun doute qu'une limitation des traitements à la méthadone aux seuls ressortissant belges est illégale au regard des règles européennes. En outre, si elle pouvait servir de précédent, cette mesure menacerait de nombreuses institutions hospitalières, qui se font une spécialité de prodiguer des soins rentables à de riches étranger, européens ou non, qui ne les trouvent pas dans leurs pays d'origine.
A ce propos, l'exemple de l'hôpital Molière est intéressant. Dans le service de chirurgie, où travaile encore actuellement Jacques De Toeuf, se sont pratiquées jusqu'il y a quelques mois des opérations cardiaques sur des ressortissants Allemands, amenés là pour obtenir des soins meilleurs marché et plus rapides que chez eux.
Amitiés
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Date: 27 Oct 96 11:36:44 EST
From: Baudouin Petit <100523.1467@CompuServe.COM>
To: Eric Picard Subject: Congres PRL : infos
A Eric Picard et/ou IDM
Cher ami,
J'ai assisté hier ainsi que Nathalie Gilson de la CoRA aux travaux de la Commission santé du Congrès doctrinal du PRL. La partie du document de travail officiel consacrée à la toxicomanie était centrée exclusivement sur la politique de réduction des risques, et était dans l'ensemble fort bonne à mon avis.
C'est le député et médecin Daniel Bacquelaine qui avait redigé le texte. Il a participé aux travaux de la commission parlementaire et s'affiche volontiers antiprohibitionniste.
J'ai soumis un texte (*) qui n'a pas ete discuté (mais qui devrait l'être plus tard). Nous nous sommes trouvés piégés par un temps trop limité imposant de restreindre la discussion à des amendements formels.
Les étudiants libéraux de la FEL en ont présenté un, proposant tout de go une depenalisation des drogues douces et une distribution des autres sur prescription médicale. Cette motion a été rejetée par un vote, mais officiellement surtout pour des raisons d'opportunité. Daniel Bacquelaine a estimé qu'il s'agissait d'un problème de société, à traiter dans la commission justice (qui a eu lieu il y a 15 jours et qui a ma connaissance n'a pas traité ce sujet). Il a néanmoins indiqué qu il n'avait pas de problème de fond avec cette motion et même qu'il trouverait amusant (sic) qu'elle soit adoptée...
Je regrette naturellement cette analyse trop désinvolte, et qu'on n'ait pas été plus loin. La motion de la FEL (Fédération des étud. libéraux) m'a paru courageuse, utile mais sans doute prématurée. Dans le cadre d'un congrès doctrinal, faute de débat préalable sur la Prohibition, il était impossible de faire accepter des propositions aussi précises, débouchant presque sur un projet de loi. Le PRL n'en est pas (encore) là, mais il existe des signes encourageants. Je ne soupçonnais pas que les étudiants libéraux et même le député Bacquelaine adopteraient une attitude favorable aux thèses anti-prohibitionnistes. A nous de trouver les moyens d'accélérer cette évolution.
Sur un point particulier, j'aurais voulu voir disparaître du texte une exigence de résidence en Belgique pour les traitements de substitution, mais je n'ai pas eu gain de cause. On a justifié cette restriction par la nécessité du suivi médical et (surtout ?) pour prevenir un afflux d'heroïnomanes étrangers qui n'auraient pas trouvé de méthadone dans leur pays (évidemment la France).
Je me suis présenté comme "un des fondateurs d'IDM" et j'ai dit que je ne trouvais pas cette disposition déontologiquement acceptable. Je me vois mal demander la carte d'identite d'un patient avant de lui prescrire un médicament, ou refuser un traitement, même ponctuel, à quelqu'un sur base de son lieu de résidence.
Je crois aussi qu'elle poserait un problème juridique, puisqu'elle soumet un traitement médical, ou une certaine catégorie de patients à une loi d'exception, en porte-a-faux par rapport a l'arrêt du Conseil d'Etat qui empêche l'Ordre des Médecins d'interdire les traitements de substitution ou de les soumettre à des contraintes propres à réduire l'offre de soins.
Enfin, sur un plan plus politique, j'imagine mal ce genre de réglement dans le cadre d'une Union Européenne qui met l'accent sur la libre circulation et devrait évoluer vers une citoyenneté transnationale.
Amicalement,
Baudouin
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S'il est vrai que la politique de reduction des risques est aujourd hui la seule approche serieuse en matiere de toxicomanie, un parti politique responsable ne peut négliger le fait que la drogue et sa Prohibition posent de très graves problemes dans une série d'autres domaines.
Quand on lit dans le texte préparatoire de la commission santé qu'en trois ans, la surface des terres consacrées à la coca a été multipliée par dix, tandis que doublait celle des terres consacrées au pavot, il est impossible de ne pas conclure que la "guerre a la drogue" est un échec retentissant.
S'il est vrai que l'usage de drogue est un phénomene durable, il semblerait plus raisonnable d'entamer une démarche pour gérer ce problème au grand jour plutot que de le maintenir obstinément dans la clandestinité. Il est impossible de contrôler ce qui est illégal, et cette absence de controle social sur les drogues ne profite qu au crime organise dont les commanditaires restent totalement hors d'atteinte. Les saisies atteignent à peu pres 10 % du marché, la part du feu en somme. Le reste n'est soumis à aucun contrôle, ce qui fait des drogues une catégorie de produits dont la composition, le transport, la qualité, les prix échappent à toute surveillance. Qui sait que le prix de rue de l'héroïne atteint 1.700 fois le prix payé au cultivateur de pavot ? Dans ces conditions les profits sont tels qu'aucune sanction ne tarira jamais l'offre.
C'est pourquoi la réduction des risques ne passe pas par une libération totale des drogues - on peut presque dire que c'est la situation actuelle - mais au contraire par la distribution controlée des produits aujourd hui illicites. C'est la seule manière de casser le marché et d'en exclure les organisations criminelles. C'est aussi la seule manièere de surveiller la qualité des produits et d'intervenir de manière suffisamment précoce et directe sur les toxicomanes, en commençant par les sortir de la marginalité.
Loin de protéger la société l'interdiction multiplie les dangers des substances euphorisantes. En réalite même si la toxicité intrinsèque de la plupart des drogues illicites est réelle, elle se compare encore favorablement à celle du tabac et de l'alcool, des substances extrèmement toxiques qui tuent chaque année des millions de gens. On a essayé aux Etats-Unis d'interdire l'alcool. Le capotage lamentable de la Prohibition aurait du nous éclairer.
Il y a enfin un problème politique de fond que les libéraux ne peuvent plus éluder. De quel droit un Etat peut-il interdire aux citoyens de consommer certaines drogues, et les jeter en prison s'ils sont pris à le faire, mêmes ils n'ont cause aucun tort à autrui ? Quand on prend conscience que c'est la politique d'interdiction elle-meme qui est responsable des 9/10 des inconvenients liés à la consommation, cette repression devient totalement injustifiable."
E-mail from: Baudouin Petit, 27-Oct-1996
Eric Picard
Midrash
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