PREMIERE MANIFESTATION A BRUXELLES POUR LA LEGALISATION DU CANNABIS
Dimanche Matin, 17 novembre 1996
Les partisans d'une légalisation du cannabis en Belgique se sont réunis samedi au Mont des Arts à Bruxelles, à l'initiative de la Liaison Antiprohibitionniste. Ils étaient de 1.500 à 2.000 à avoir répondu à l'appel, selon la police. Annoncée ambulante, la manifestation a finalement été statique. Le cortège qui aurait dû, en principe, partir de la place Rogier pour rallier la place Poelaert ne s'est donc jamais formé, François-Xavier De Donnéa, bourgmestre de Bruxelles, ayant interdit, au dernier moment, que le rassemblement soit mobile. La manifestation a donc pris l'allure d'un entassement humain sur le Mont des Arts au sommet duquel trônait un podium crachant laïus et musique. La scène s'est animée vers 15 heures avec les premiers discours: ceux de Charles Lejeune, représentant de la Liaison Antiprohibitionniste, et de Bernard Antoine, porte-parole du milieu associatif très présent dans le parterre pour, entre autres, distribuer quelques tracts. Dès le début du rassemblement, un petit groupe de militants d
u Vlaamse Blok a tenté de s'approcher de la manifestation. Freinés par les forces de l'ordre, les contre-manifestants flamands, arborant des calicots hostiles aux drogues, ont quitté les lieux dans le calme après quelques minutes. Micheline Roelandt, présidente de la Liaison antiprohibitionniste, s'est déclarée "satisfaite" du succès du rassemblement tout en se félicitant qu'aucun incident n'ait été signalé. Les forces de l'ordre présentes en nombre autour de la manifestation sont restées discrètes malgré les odeurs de joints qui, parfois, plânaient autour de certains participants. "La police nous a juste demandé de ne pas provoquer", a expliqué Micheline Roelandt. Plusieurs hommes politiques ont marqué leur soutien à ce rassemblement t. Il s'agit entre autres des députés écologistes Vincent Decroly et Olivier Deleuze, et des socialistes Patrick Moriau (présent à la manifestation) et Claude Eerdekens. Cent trois personnalités du monde politique, scientifique et culturel ont signé un "appel à l'intervention d
e l'Etat de droit" pour "légaliser et réglementée la production, le commerce et la consommation des drogues pour mieux les contrôler". Cet appel est lancé à l'initiative de CORA (Coordination Radicale Antiprohibitionniste), une association qui se définit elle-même comme "ayant comme objectif la légalisation de toutes les drogues illégales". Parmi les signataires de l'appel, on compte le prix Nobel Ilya Prigogine ainsi que des parlementaires et anciens parlementaires dont les membres d'Ecolo Marie Nagy, Jean-Paul Snappe, Dany Smeets et Henri Simons, les membres d'Agalev Frans Lozie et Magda Alvoet, les socialistes francophones Michel Moock, Patrick Moriau, Anne-Marie Salmon, Luc Toussaint et les socialistes flamands Dany Vandenbossche et Anne Van Lancker, les membres du PRL-FDF Bernard Clerfayt et Isabelle Molenbeek ainsi que l'ancien sénateur PSC Pierre Lenfant.
L'appel constate que "la guerre à la drogue s'est transformée en guerre aux drogués". Il ajoute qu"'en ne faisant aucune différence entre le commerce et la détention d'une drogue doucecomme le cannabis et le commerce ou la détention d'une drogue dure telle l'héroïne, la loi belge de prohibition favorise le passage de la consommation récréative de cannabis vers la toxicomanie à l'héroïne". "En 75 ans, la prohibition a fait la preuve de son inefficacité totale. En 75 ans, la guerre à la drogue a montré les énormes et innombrables dangers qu'elle fait courir à toute la société. Poursuivre sur la môme voie serait pure folie" dit l'appel qui s'adresse aux membres de la Commission parlementaire sur les drogues et à l'ensemble des élus de la Nation leur demandant de décider "sans tarder, non de l'opportunité de la légalisation de la drogue mais bien de ses modalités". Selon l'appel, deux objectifs fondamentaux devront être atteints: la décriminalisation des simples détention et consommation des drogues et l'organis
ation légale d'une circuit contrôlé de distribution des drogues, capable de faire disparaître le marché mafieux sur l'ensemble du territoire
belge".