DISCOURS PRONONCE PAR MADAME FRANCOISE DE VEYRINAS PRESIDENTE DE LA MISSION INTERMINISTERIELLE DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE DEVANT LA 40EME SESSION DE LA COMMISSION DES STUPEFIANTS
Vienne, 18 mars 1997
Monsieur le Président,
La délégation française souscrit entièrement au discours prononcé par la délégation des Pays Bas au nom de l'Union Européenne. Mon intervention est destinée à apporter quelques informations sur la lutte contre les drogues en France, préciser les vues de la France su la lutte internationale contre la drogue et réaffirmer les principes fondamentaux auxquels mon pays est particulièrement attaché.
Permettez moi auparavant, Monsieur le Président, de déplorer vivement le fait qu'un nombre très important de documents relatifs aux points à l'ordre du jour de notre session n'aient pas pur être diffusés en français dans les délais requis. Nous mesurons tous les difficultés budgètaires et financières qui compromettent le fonctionnement normal du système des Nations Unies. Cependant, cette situation crée une inégalité difficilement acceptable entre les délégations qui reçoivent à l'avance les documents requis dans leur langue et celles qui ne découvrent ces documents dans leur langue qu'à l'ouverture de la session. Je regrette d'avoir à constater que les principes démocratiques fondés notamment sur l'égalité entre les Etats membres et LE RESPECT DES LANGUES OFFICIELLES ne sont plus complètement mis en oeuvre dans cette enceinte et je souhaite que cette situation soit redressée.
Monsieur le Président,
Pas plus tard que la semaine dernière à la télévision devant un auditoire de jeunes, Monsieur Jacques Chirac, Président de la République Française, a qualifié la drogue "d'élément de fracture sociale dramatique" et réaffirmé qu'il avait fait de la lutte contre ce fléau une priorité de l'action du gouvernement. En effet, si l'augmentation générale des infractions à la législation sur les stupéfiants n'a guère progressé que de 0,7% l'an dernier, elle s'est élevée pour les mineurs à 38,17%. Ces chiffres montrent qu'en France LA CONSOMMATION DES DROGUES TRADITIONNELLES - CANNABIS, HÉROïNE, COCAïNE - STAGNE, mais qu'en REVANCHE CELLE DE L'ECSTASY ET AUTRES DROGUES DE SYNTHESE PROGRESSE FORTEMENT, leur consommation intervenant souvent à l'occasion des soirées "rave" notamment dans le Nord du pays. C'est la santé d'une partie de la jeunesse qui est menacée par cette consommation et par là celle de la socieété de demain.
J'indique également que les autorités françaises se sont lancées dans une politique nouvelle des soins avec la distribution aux toxicomanes qui le souhaitent de produits de substitution - méthadone, subutex: trente mille d'entre eux y ont actuellement recours. Il est bien trop tôt pour en tirer des conclusions. Du moins sans qu'on puisse établir une relation de cause à effet, la France a -t-elle connu en 1996 une baisse de 20% des décès par overdoses.
Monsieur le Président,
Comme nous le savons tous, la lutte contre les drogues ne peut avoir quelque chance de succès que si elle est organisée sur le plan international. La France souhaite que soit réaffirmé avec insistance dans notre enceinte LE CONCEPT DE LA RESPONSABILITÉ PARTAGÉE dans le développement du phénomêne de la drogue. Ce concept qui fonde depuis dix ans l'approche de la communauté internationale est aujourd'hui contesté et remis en cause. Nous pensons qu'il doit rester la pierre angulaire dans le contrôle international des drogues et qu'il ne sert à rien de chercher à opposer les uns contre les autres des pays producteurs et des pays consommateurs. L'évolution des problèmes de la drogue dans le monde, notamment avec le développement du phénomène des drogues synthétiques et les modifications dans la répartition géographique des zones de consommation, fait voler en éclats les distinctions opérées entre ces catégories.
Dans la recherche des solutions cette affirmation va de pair avec LE PRINCIPE DE LA SOLIDARITÉ RÉCIPROQUE ENTRE LES ETATS, qui doit caractériser les rapports entre tous les pays animés de cette volonté commune. Cette solidarité doit s'exprimer aussi bien dans le cadre des relations bilatérales qu'au sein des enceintes multilatérales et en premier lieu aux Nations Unies. Elle doit permettre aux Etats qui en ont réellement besoin d'être aidés par la communauté internationale dans les différents secteurs de la lutte contre la drogue (culture, production, trafic, consommation), l'aide internationale venant soutenir et encourager dans ces pays une volonté qui existe effectivement et qui se traduit dans les faits, tant pour l'éradication des cultures illicites et le développement des cultures alternatives que pour la lutte contre les trafics sous toutes ses formes.
La co-responsabilitém dans l'accroissement du fléau de la drogue, et la solidarité dans les réponses à y apporter, entrainent le CARACTERE NÉCESSAIREMENT MULTILATÉRAL DES AIDES ET DES SANCTIONS. Nous ne pensons pas qu'il appartienne à un Etat ou à un autre de procéder à des ÉVALUATIONS UNILATÉRALES, et de décider, seul, si un pays doit être aidé ou sanctionné par la communauté internationale. Une décision de cette nature, qui peut avoir des conséquences importantes pour le pays visé, doit être prise au sein d'une instance multilatérale.
A cet égard, ma délégation voudrait une nouvelle fois appuyer LE ROLE ESSENTIEL EXERCÉ PAR L'ORGANE INTERNATIONAL DE CONTROLE DES STUPÉFIANTS (OICS) et marquer l'importance que nous accordons à la mise en oeuvre et au respect intégral des TROIS GRANDES CONVENTIONS DES NATIONS UNIES DE 1961, 1971 ET 1988. Ma délégation souhaite revenir sur ce sujet lors de l'examen du point 4 consacré au rapport de l'OICS.
Nous considérons que la LUTTE CONTRE LES TRAFIQUANTS doit constituer l'élément central avec son corollaire indispensable que représente LA LUTTE CONTRE LE BLANCHIMENT DE L'ARGENT: les recommandations du GAFI constituent un corpus doctrinal de référence sur lequel d'ores er déjà s'accordent de nombreux Etats. Il appartient au PNUCID de contribuer à la diffusion de ces normes à l'esemble de la communauté internationale. A l'égard des cultures illicites, nous sommes disposés à apporter notre concours à l'aboutissement des programmes d'éradication et de développement des cultures alternatives, en particulier pour tout ce qui concerne l'évaluation de ces programmes, et nous l'avons fait savoir aux pays intéressés. Enfin, nous sommes d'avis qu'il convient de rechercher avec une plus grande volonté et une plus grande efficacité des actions adéquates dans le domaine de la réduction de la demande.
Nous estimons que cette lutte doit être menée dans le respect du PRINCIPE DE NON-INGÉRENCE DANS LES AFFAIRES INTÉRIEURES ET DE LA SOUVERAINETÉ DES ETATS, ainsi que dans le RESPECT DES DROITS DE L'HOMME, comme les résolutions de l'Assemblée générale nous y invitent.
Mosieur le Président,
La France, conformément au Programme Mondial d'Action adopté en 1990, est d'avis qu'il faut poursuivre contre les drogues illicites un combat mené sur tous les fronts, ÉQUILIBRÉ ENTRE LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION et DÉFENDRE UNE CONCEPTION GLOBALE ET MULTISECTORIELLE dans notre approche. Il ne peut en être autrement compte fenu de la complexité du problème des drogues et des liens indissociables entre les différentes composantes de cette question.
Cependant, dans le cadre de cette approche générale, la France attache un intérêt plus particulier à CERTAINES ACTIONS QU'ELLE VEUT ENCOURAGER LE PNUCID A POURSUIVRE: Nous pensons notamment que L'ASSISTANCE JURIDIQUE AUX ETATS doit continuer à constituer pour le Programme une activité prioritaire.
Dans les différents volets de la lutte contre la drogue, nous nous félicitons de la prise en compte par le PNUCID de la nouvelle menace que représentent LES STIMULANTS, et à cet égard nous avons tout particulièrement apprécié l'organisation de la réunion internationale de Shanghaï. Au cours de cette réunion, il est apparu clairement que cette menace d'une part brouille totalement la distinction entre pays producteurs et pays consommateurs, et d'autre part pèse de façon trés différente sur les Etats selon les régions auxquelles ils appartiennent: on ne consomme pas des amphétamines selon le même mode en Amérique du Nord ou en Europe Occidentale, ou encore en Asie. En ce qui nous concerne, l'approche régionale qui doit être recherchée, doit évidemment l'être avec nos partenaires de l'Union Européenne.
LA QUESTION DES PRÉCURSEURS CHIMIQUES est liée à celle des drogues synthétiques tout en étant distincte; cette question - qui dans l'Union européenne relève de la compétence communautaire - doit être traitée avec une grande souplesse; il n'est pas souhaitable que les réglementations deviennent trop contraignantes, ni que les listes de substances à contrôler comportent l'ensemble des produits chimiques circulant sur le marché. Pour renforcer le nécessaire contrôler comportent l'ensemble des produits chimiques circulant sur le marché. Pour renforcer le nécessaire contrôle sur ces substances, nous devons privilégier une circulation fluide de renseignements adaptés entre les industriels et l'Etat.
Toutes ces actions requièrent pour le PNUCID des moyens importants qui, il faut le reconnaître, ne sont pas à la hauteur des missions difficiles, longues et coûteuses qui lui sont confiées. Nous sommes favorables à la mise en oeuvre d'une réflexion approfondie destinée A REVOIR LES REGLES DE FONCTIONNEMENT ACTUELLES DU PNUCID sur le plan budgétaire et financier et à vérifier si le Programme, à l'instar des autres programmes ou fonds des Nations Unies, devrait être organisé de façon à mieux garantir ses financements et à renforcer sa mission.
Misieur le Président,
La coopération et la solidarité doivent rester les maîtres mots de la stratégie de la communauté internationale dans la lutte contre les drogues. Nous espérons vivement que la prochaine session spéciale de l'Assemblée générale sur les drogues, au succès de laquelle nous voulons contribuer activement, sera l'occasion de réaffirmer ces principes avec détermination.
Je vous remercie.