UE Espagne pêche prév/Les pêcheurs espagnols craignent des conflits avec d'autres pays
Par Dominique ORIN
MADRID, 17 avr (AFP) Les pêcheurs espagnols craignent que l'accord entre Bruxelles et Ottawa, réduisant notablement les quotas alloués aux chalutiers communautaires, soit le prélude à d'autres conflits alors que s'ouvrent d'importantes négociations avec le Maroc.
"Si l'UE a été incapable de défendre nos intérêts dans une zone de pêche internationale, que va t il se passer pour les eaux territoriales marocaines", où opèrent 700 bateaux espagnols, s'est inquiété lundi Reinaldo Iglesias, un responsable de la Coopérative d'armateurs de Vigo (nord ouest), l'une des plus importantes d'Espagne.
Pour renouveler son accord de pêche avec l'Union européenne, Rabat revendique une réduction maxima des captures (de 30 à 65 % sur trois ans) et le déchargement des prises communautaires dans les ports marocains.
Environ 80 % de la flotille espagnole pêchant dans les eaux marocaines et formée essentiellement par de petites entreprises familiales sont originaires d'Andalousie (sud).
Selon le ministre de la Pêche du gouvernement régional andalou, Paulino Plata, il sera "très difficile de parvenir à un accord avec le Maroc en raison de sa position intransigeante et très éloignée de la nôtre". En cas d'échec des négociations avec Rabat, 70.000 personnes perdraient leurs emplois en Espagne, a affirmé Arsenio Fernandez de Mesa, responsable des questions de pêche du Parti populaire (PP, conservateur), principale formation de l'opposition.
Des pays comme l'Argentine, le Chili et le Brésil pourraient également suivre l'exemple du Canada, a soutenu M. Fernandez de la Mesa. Quelque 150 navires congélateurs à capital espagnol pêchent près des côtes argentines et certains au delà des eaux territoriales de ce pays.
Dans les milieux halieutiques argentins, on s'est montré fort satisfait de la position d'Ottawa dans la guerre du turbot. "C'est ce qui fait craindre d'autres conflits", a indiqué un porte parole d'une association de pêcheurs.
D'après des experts, la flotte de pêche espagnole est victime de sa puissance, adaptée à la très importante consommation de
poisson en Espagne. Ce pays, avec 40 kilos par habitant et par an, est le plus gros consommateur de poisson au monde après le Japon.
Limités par un littoral surexploité, les pêcheurs espagnols ont de tout temps été conduits à opérer hors des eaux de leur pays. Sur des captures totales de 586.000 tonnes par an, près de 410.000 proviennent de zones de pêche internationales.
90 % des 18.900 bateaux espagnols se consacrent à la pêche artisanale qui emploie 60 % des marins. Mais ses captures ne représentent que 30 % du total, alors que celles des 500 bateaux congélateurs de la flotte de haute mer atteignent les deux tiers.
Les restrictions imposées en 1977 par l'entrée en vigueur des zones économiques de 200 milles et l'appartenance de l'Espagne à l'UE depuis 1986 ont obligé la flotte espagnole à réaliser plusieurs restructurations avec un coût social élevé dans des régions comme la Galice (nord ouest) et l'Andalousie.
En outre, les professionels espagnols sont de plus en plus confrontés à la montée en puissance des flottes de pêche des pays en voie de développement, désormais peu enclins à céder leurs droits de pêche, notamment aux navires espagnols.
La réduction des quotas de turbot, prévue par l'accord entre Bruxelles et Ottawa, entraînera la suppression de 5.000 à 6.000 emplois en Galice, selon les calculs des armateurs de la Coopérative de Vigo. Près de 500.000 personnes vivent encore directement ou indirectement de la pêche en Espagne.