LUNDI 17 AVRIL 1995 (n 15757)page 9
EMMA BONINO: "LA CRISE EST STRUCTURELLE"
La commissaire italien chargé de la pêche, négociateur de l'accord avec le Canada, s'explique.
LE FIGARO. - Qu'est-ce qui a permis le déblocage, après six semaines de négociations?
Emma Bonino. - Vendredi, il y a eu accord sur tout sauf les quotas. Après de nouveaux contacts politiques le samedi, chacun a fait un geste: le Canada a proposé 5.000 tonnes d'ici la fin de l'année pour nos bateaux, soit plus qu'auparavant; et l'Espagne a cédé sur son principe selon lequel elle voulait autant que les Canadiens.
Nous avons passé la nuit à rédiger le texte final, et hier matin tout était réglé.
Dans votre analyse, y a-t-il un vainqueur et un vaincu?
Pou la Commission, deux points comptaient. Premièrement, nous avons obtenu la restauration du droit international en haute mer: il y a certes une zone de 200 miles, mais au-delà ce n'est pas le Far West où un seul pays serait à la fois policier et juge.
Et deuxièmement, sans recouir à la violence autre que verbale en cours de négociation, nous sommes arrivés à une distribution équitable des sacrifices.
Je ne sais pas comment se sentent les Canadiens, mais moi je me sens bien...
La Grande-Bretagne a tout au long du conflit penché en faveur des thèses canadiennes. Est-ce que la solidarité communautaire a été mise à mal?
Elle s'est opposée à d'eventuelles sanctions à un stade de négociation où il n'en était pas encore question. Cela ne m'a pas simplifié la vie pour la suite des pourparles.
Et la semaine dernièere une déclaration des Quinze a dû être transformée en texte au seul nom de la présidence française en raison de l'opposition d'un pays membre.
Je me demande ce que le Royaume-Uni attendrait de la Commission si un de ses bateaux était, par exemple, arraisonné par des Argentins...
Un prochain conflit de pêche est-il préprogrammé?
Nous devons aboutir avant le 1er mai à un accord entre l'Union et le Maroc. D'un côté, Rabat a investi dans sa flotte et entend à juste titre exploiter ses richesses. De l'autre, il y a la présence de 762 bateaux espagnols. Ce ne sera pas facile.
Mais c'est un problème général plus que ponctuel...
La crise est structurelle, et c'est un message difficile à faire passer. Il y a trop peu de poisson et trop de pêcheurs. Il faut prendre des mesures, même si elles sont douloureus
Propos recueillis par P.B. (Pierre BOCEV)