Par Ignace DALLE RABAT, 23 avr (AFP) - Les négociations entre le Maroc et l'Union européenne pour la conclusion d'un nouvel accord de pêche, qui reprennent lundi à Rabat, risquent d'être très ardues, voire de ne pas aboutir, en dépit de la volonté affichée de part et d'autre de trouver un compromis avant le 30 avril, date d'expiration de l'accord actuel.
Les deux premiers rounds de discussions, qui avaient eu lieu fin mars et début avril à Bruxelles et Rabat, ont surtout permis au Maroc d'expliquer comment il entend protéger ses ressources halieutiques.
Parmi les conditions posées par le Maroc, dont au moins 150.000 ressortissants vivent de l'industrie de la pêche, figurent notamment la réduction des captures - de 30 à 65 pour cent sur trois ans, selon les espèces -, le déchargement des prises
communautaires dans les ports marocains et une augmentation substantielle du prix des licences et des redevances trimestrielles.
S'appuyant sur de solides études scientifiques, les responsables marocains paraissent d'autant plus déterminés qu'ils sont désormais soumis aux pressions des armateurs marocains qui, en quelques années, se sont développés et organisés et affirment sans complexe leurs revendications.
Ainsi, comme le souligne l'hebdomadaire La Vie Economique "l'offre marocaine est à prendre ou à laisser".
Du côté européen, c'est-à-dire essentiellement espagnol, sans nier la nécessité de réduire progressivement le volume des prises, du moins pour certaines espèces - céphalopodes et crevettes -, on entend que soit prise en compte la dimension sociale de ce dossier.
Des dizaines de milliers d'emplois sont en effet en jeu en Espagne, dont près de 550 bateaux pêchent actuellement dans les eaux territoriales marocaines.
Très mécontents de l'accord intervenu récemment sur le turbot entre le Canada et l'Union européenne, les armateurs espagnols auraient l'intention de se montrer durs dans les discussions et de n'accepter qu'un minimum de concessions.
Pour le Maroc, qui a accueilli avec satisfaction l'issue du bras de fer entre Ottawa et Bruxelles, l'intransigeance espagnole n'est pas de mise et l'on rappelle volontiers ici les récentes déclarations de la Commissaire européenne à la Pêche, Mme Emma Bonino - attendue d'ailleurs dimanche soir à Rabat - selon laquelle "il faut réorganiser le secteur de la pêche qui traverse une crise structurelle grave".
"Cela ne sera pas facile et sera coûteux en termes financiers et d'emplois, avait-elle ajouté, mais si nous voulons sauver la pêche pour les prochaines générations nous n'avons pas d'autre choix".
Devant l'importance des enjeux, certains organes de presse marocains n'excluaient pas que les négociations n'aboutissent pas avant le 30 avril. Le Maroc aurait alors la possibilité soit de proroger momentanément l'accord pour certaines espèces soit de suspendre la délivrance des licences.
Quant à l'UE, un de ses porte-parole, Marco Zatterin, aprécisé vendredi à Bruxelles que si les négociations n'aboutissaient pas le 30 avril, les pêcheurs espagnols cesseront leurs activités dans les eaux marocaines et bénéficieront de compensations financières.
Le Maroc devra cependant prendre en compte les discussions sur un accord d'association avec l'UE qui vont démarrer prochainement. Car, même s'il n'y a juridiquement aucun lien entre les deux négociations, il est clair que les résultats de l'une ne pourront qu'influer sur ceux de l'autre.