COULISSES BRUXELLES
l'obstacle marocain
Jamais les relations entre le Maroc et l'Union européenne n'ont été aussi tendues: après l'échec, fin août, des négociations entre Rabat et les Quinze sur la reconduction d'un accord de pêche vital pour plusieurs milliers de pêcheurs espagnols et portugais, le Maroc menace de boycotter la conférence euro-méditerranéenne de Barcelone des 27 et 28 novembre qui réunira, pour la première fois, l'ensemble des pays riverains de la Mare nostrum, Libye mise à part... Un tel boycott, s'il se concrétisait, enlèverait une partie de son intérêt à cette réunion censée mettre sur les rails une zone de libre-échange entre l'UE et les douze pays du sud de la Méditerranée à l'horizon 2010. Comme on le reconnaît à la Commission, "le Maroc a une grande capacité de nuisance. S'il ne vient pas, c'est une pièce essentielle de la politique méditerranéenne de l'Union qui manquera".
Ce n'est pas la première fois que Rabat joue ainsi la crise, essentiellement pour des raisons de politique intérieure. Ainsi, les négociations d'un accord d'association traînent depuis deux ans : le règlement d'un contentieux sur les tomates, début 1995, avait laissé espérer que les choses s'accéléreraient mais, depuis, Rabat refuse de poursuivre les discussions. L'arrivée à échéance de l'accord de pêche avec l'Union, en avril, a fourni une nouvelle occasion de psychodrame, Rabat voulant drastiquement réduire les droits de pêche accordés aux pêcheurs de l'Union -en échange d'une aide 645 millions de francs par an. Aucun terrain d'entente n'a pu être trouvé, le Maroc réclamant régulièrement son adhésion à l'Union ou au moins un traitement privilégié. Si bien que la méfiance à son égard n'a jamais été aussi grande à Bruxelles, méfiance avivée par la tentative -avortée- de Rabat d'organiser une préconférence de Barcelone avec les seuls pays arabes afin de préparer un hupothétique "front uni" ... Mais on ne veut
pas croire que Rabat mettra ses menaces de boycott à exécution : "Les Marocains ont trop à perdre dans cette affaire", estime-t-on à la Commission.
Jean QUATREMER