Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
dom 23 feb. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Emma Bonino
Commissione Europea Letizia - 8 novembre 1995
La réforme de la politique étrangère et de sécurité commune: aspects institutionnels
Article de Mme Bonino publié sur la "Revue du Marché unique européen"

Dans son rapport sur le fonctionnement du traité sur l'Union, la Commission a constaté que l'expérience de la politique extérieure et de sécurité commune (ci-après: PESC) a été jusqu'à présent décevante et n'a pas permis à l'Union de développer une politique étrangère commune qui soit à la mesure de son poids politique et économique. Il est en outre indéniable que le manque d'initiative et de cohésion de l'Union, face aux conflits meurtriers qui se déroulent en Europe et dans le monde entier, a porté gravement atteinte à l'image et à la crédibilité de l'Union tant sur le plan international que vis-à-vis de l'opinion publique européenne.

Il est vrai que dans quelques capitales européennes une certaine vision des intérêts nationaux a souvent primé sur la volonté de mener une action conjointe, qui seule aurait pu apporter une contribution significative à la solution de crises extrêmement complexes. Toutefois, au-delà d'un manque de volonté politique, force est de constater que les mécanismes décisionnels existants dans le domaine de la PESC ne pouvaient pas favoriser la réalisation de prises de positions communes de la part de l'Union. Si l'on veut mettre fin à cette situation et préparer la relance du processus d'intégration européen, il faut dénoncer sans indulgence les limites de la situation actuelle et proposer des solutions qui soient cohérentes avec le cadre institutionnel existant et qui soient en même temps réalistes et ambitieuses.

L'action extérieure de l'Union européenne frappe particulièrement par un certain manque de cohérence ainsi que par l'absence d'une véritable stratégie globale; au lieu d'agir, l'Union semble plutôt réagir au coup par coup en fonction des événements extérieurs et des humeurs de l'opinion publique. Les raisons de cette difficulté de bâtir une véritable politique extérieure basée sur des intérêts communs sont naturellement multiples et tiennent entre outre aux différences historiques et culturelles qui subsistent encore entre les différents pays. Toutefois, il faut également constater que le traité de Maastricht, tout en assignant à l'Union la tâche de veiller à la cohérence de l'ensemble de son action extérieure dans le cadre de ses politiques en matière de relations extérieures, de sécurité, d'économie et de développement (article C), n'a pas créé un cadre juridique et institutionnel qui soit à la mesure de cet objectif.

Si l'on examine le Traité on remarque immédiatement l'absence d'objectifs clairs en matière de relations extérieures ainsi que la séparation artificielle qui existe entre relations politiques extérieures et relations économiques.

S'agissant du premier aspect du problème, on constate la grande hétérogénéité, l'absence de hiérarchie et parfois même une contradiction potentielle entre les objectifs que le Traité assigne à l'Union dans ce domaine. On passe de la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux et de l'indépendance de l'Union à la promotion de la coopération internationale (article J1); du développement du commerce international et de la réduction des entraves aux échanges (article 18) à l'insertion harmonieuse et progressive des pays en développement dans l'économie mondiale (article 130U); le tout sans préjudice du respect des droits de l'homme (article J1) ou de la lutte contre la pauvreté (article 130U). Les différents objectifs relatifs à l'action extérieure de l'Union, disséminés dans plus de douze articles différents, pour leur réalisation sont en outre étayés par des procédures décisionnelles, des instruments juridiques et des moyens de financement différents, ce qui n'est pas fait pour arranger les chos

es.

Il y a certainement dans ce domaine un effort de réflexion à faire pour que l'Union puisse donner, dans son action, des signaux politiques clairs aux pays tiers en soulignant par exemple la primauté que l'on accorde au respect des droits de l'homme ainsi qu'au respect de la règle de droit dans les relations internationales.

La séparation artificielle entre diplomatie économique, du ressort du pilier communautaire, et diplomatie politique, régie par le deuxième pilier, est un autre élément de faiblesse majeure de l'action externe de l'Union. Dans un monde qui est de plus en plus intégré sur le plan économique, il est presque impossible de conserver une séparation entre relations commerciales, coopération au développement et politique étrangère et de sécurité. Le soutien économique et la coopération technique que la Communauté apporte aux changements en Europe Centrale et Orientale n'est que l'un des multiples exemples d'action politique conduite par le biais d'instruments économiques.

Si elle n'arrive pas à assurer de façon appropriée la cohérence nécessaire entre les deux volets de l'action extérieure de l'Union en la dotant en outre de la personnalité juridique internationale, la Conférence intergouvernementale de 1996 manquera à l'une de ses tâches la plus essentielle et le deuxième pilier finira pour déborder sur le premier, conduisant ainsi à une régression progressive de l'acquis communautaire.

Dans cette optique, le débat auquel nous assistons entre communautarisation de la PESC (tout en prévoyant des procédures particulières à l'intérieur du pilier communautaire) et maintien de la séparation actuelle (tout en améliorant les mécanismes décisionnels au sein du deuxième pilier), n'est pas un débat purement académique mais témoigne d'une différence d'approche fondamentale puisqu'il est clair que la première branche de cette alternative est la seule qui, en assurant la cohérence plus générale du cadre institutionnel, peut garantir l'harmonie nécessaire entre diplomatie économique et diplomatie politique.

Au-delà du problème plus général de la cohérence de l'action externe de l'Union, il existe un problème clair et spécifique de fonctionnement défectueux des mécanismes de la PESC qui est à l'origine d'un véritable immobilisme de l'Europe sur la scène internationale; en d'autres termes, même lorsque l'Union arrive à identifier ses priorités et ses intérêts, les décisions et les actions nécessaires interviennent avec retard et ne sont pas à la mesure de l'attente et de l'annonce.

Les raisons de cette faiblesse de l'Union sur la scène internationale sont certainement nombreuses. Sans vouloir tout réduire aux aspects institutionnels, on peut néanmoins affirmer que le cadre normatif et les procédures prévus par le traité de Maastricht dans ce domaine n'étaient pas faits pour favoriser l'émergence d'une véritable volonté politique.

L'absence de tout centre d'analyse et de prévision commune a été le véritable point faible de l'Union dans le domaine de la PESC. A défaut d'une activité commune de synthèse et d'élaboration des différentes options, les Ministres des Affaires étrangères se sont souvent retrouvés à défendre tout simplement le point de vue de leur gouvernement ou de leur centre d'analyse dans un cadre classique de négociation internationale du type Nations unies.

En conséquence, il est désormais unanimement reconnu qu'il est nécessaire de créer une instance commune chargée des fonctions d'analyse, d'évaluation et de planification dans le domaine de la PESC; une telle instance aurait l'avantage de pouvoir mieux identifier les intérêts communs en utilisant les expériences et les réseaux d'informations à la fois nationaux et communautaires.

A cet égard, il convient cependant de veiller à ce que ce nouvel organe n'empiète pas sur les compétences des autres institutions, ne porte pas atteinte à l'équilibre institutionnel existant et ne constitue pas un élément de complication ultérieur en multipliant les instances de décision.

Afin d'éviter de tels risques et d'assurer la cohérence nécessaire entre diplomatie économique et diplomatie politique, il est essentiel, d'une part, que les tâches de l'instance en question soient limitées à l'analyse et à l'évaluation des informations sans déborder sur le droit d'initiative et, d'autre part, qu'un lien institutionnel soit créé entre ce centre d'analyse et la Commission en prévoyant que ledit centre soit placé sous l'autorité du Président de la Commission lui-même.

Cette dernière affirmation nous amène à traiter d'un autre sujet qui est au centre du débat sur la réforme de la PESC, celui de la représentation externe de l'Union. Ces derniers temps on parle de plus en plus de l'exigence de nommer un "Monsieur ou Madame PESC" qui seul(e) pourrait assurer la visibilité externe de l'Union en lui donnant un visage et une voix; on rappelle à cet égard la phrase très connue de Kissinger: "Je veux bien parler à l'Europe, mais donnez-moi un numéro de téléphone". En réalité, au-delà d'affirmations très générales, le mécanisme de nomination de ce Monsieur PESC reste extrêmement vague (Etats membres, Conseil, Conseil européen avec ou sans l'avis du Parlement européen) ainsi que son statut (Secrétaire général du Conseil, Super-ministre, Président ou Vice-Président de la Commission) et ses compétences (coordonner les analyses, prendre les initiatives, représenter l'Union, etc.).

A mon avis, l'ampleur qu'a pris le débat dépasse largement l'importance du problème et risque d'ajouter à la confusion. Si Monsieur Holbrooke a réussi à amener à la table des négociations les différentes parties en conflit dans l'ex-Yougoslavie, tout en étant un parfait inconnu pour la Communauté internationale, c'est parce qu'il représentait un Pays qui avait la détermination et les moyens d'arrêter le conflit; de la même façon, si l'Europe pourrait faire preuve à l'avenir de pareille détermination, son poids politique sur la scène internationale s'en trouverait renforcé et le problème de sa visibilité et de sa représentation externe perdrait beaucoup de son importance.

En tout état de cause, il me semble qu'il conviendrait d'exclure dès maintenant toute solution qui sortirait du cadre institutionnel existant et qui aurait pour résultat d'alourdir et de compliquer davantage le processus décisionnel sans résoudre pour autant les problèmes actuels de manque d'harmonie entre relations économiques et relations politiques avec les Pays tiers.

Pour ma part, en l'absence de propositions alternatives valables, je persiste à penser que la personne la plus appropriée pour assurer la cohérence de l'action externe de l'Union ainsi que sa représentation est le Président de la Commission lui-même, qui, étant donné la procédure prévue pour sa nomination, jouit par définition de la pleine confiance des gouvernements des Etats membres ainsi que du Parlement européen.

Les modalités de vote au sein du Conseil constituent l'autre thème central du débat sur la réforme de la PESC. Là aussi, il convient de partir d'une constatation simple, à savoir que le droit de veto empêche déjà dans une Union à quinze toute prise de position rapide et efficace; si l'on devait garder la règle de l'unanimité dans une Union à 25 ou 30 Etats membres, la PESC serait vouée à un échec complet et l'image de l'Union dans son ensemble en sortirait gravement affaiblie.

Quant à la manière de briser la puissance du veto, on peut envisager différentes possibilités qui vont de la majorité renforcée (en tenant compte le cas échéant de la population) à l'abstention constructive. Je n'ai pas l'intention de me livrer ici à une analyse détaillée des avantages et des inconvénients des différentes hypothèses qui feront l'objet de discussions approfondies lors des prochaines négociations; ce qui m'intéresse de souligner, c'est plutôt la nécessité de bien établir dès le début les limites de l'exercice afin d'éviter un glissement progressif vers une politique extérieure à la carte qui priverait l'Europe de toute crédibilité sur le plan international.

En d'autre termes, si l'on devait s'orienter vers la mise en place d'un mécanisme d'abstention constructive, visant à permettre la non-participation d'un Etat membre à une action commune ou à une position commune, il faudra qu'une telle possibilité se limite rigoureusement à des cas exceptionnels et dûment justifiés, sur des sujets sensibles, ayant trait aux intérêts vitaux du pays concerné.

Avant de terminer ces brèves considérations, il est peut-être utile d'ajouter quelques mots sur les perspectives de la politique de sécurité et de défense commune.

La défense représente, comme chacun le sait, le véritable noyau dur de la souveraineté nationale puisqu'elle implique des décisions qui mettent directement en jeu la vie des citoyens; il est donc tout à fait normal que les gouvernements et l'opinion publique prêtent la plus grande attention à toute perte de souveraineté dans ce domaine.

En même temps, c'est précisément en raison de la grande importance attribuée à la sécurité et à la défense qu'il faut que l'Union montre sa capacité d'assurer ses responsabilités à cet égard, d'autant plus qu'une politique extérieure commune ne serait pas crédible si elle n'était pas suivie, à terme, d'une politique de sécurité et de défense commune.

Dans ce domaine il convient, me semble-t-il, d'accepter les deux points suivants: d'une part, il n'apparaît pas envisageable ni souhaitable de remettre en cause dans la situation actuelle le rôle spécifique de l'OTAN; d'autre part, il n'est pas opportun d'affaiblir, en vue de permettre l'adhésion des Pays neutres, l'engagement de défense mutuelle figurant à l'article 5 du traité de l'UEO.

Ceci étant précisé, il me semble que, tout en respectant de telles exigences ainsi que les différentes sensibilités nationales dans ce domaine, on pourrait prévoir, dans le cadre de la révision du Traité, un calendrier bien établi pour l'intégration de l'UEO dans l'Union. Dans cette attente, et en vue de faciliter le passage vers une politique de défense commune, on pourrait attribuer à l'UEO un rôle accru dans certains secteurs relevant plus spécifiquement du domaine de la sécurité tels que le maintien de la paix, l'intervention humanitaire, la politique des armements et l'exportation des armes. Je suis consciente que de telles propositions peuvent paraître à présent excessivement ambitieuses; j'estime cependant qu'elles sont les seules qui permettraient à l'Union européenne de faire face aux redoutables enjeux auxquels l'Europe est aujourd'hui confrontée.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail