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Conferenza Emma Bonino
Partito Radicale Maurizio - 7 dicembre 1995
INTERVENTION DE MME EMMA BONINO, COMMISSAIRE EUROPEEN A LA CONFERENCE DE L'ICMC (CHECK AGAINST DELIVERY)

C'est un grand plaisir pour moi d'être accueillie aujourd'hui parmi vous.

Replacer la dimension éthique au centre du débat, lorsqu'on traite des problèmes et des tensions qui secouent notre époque et nos sociétés, est aujourd'hui essentiel. Cela nous engage à réitérer les valeurs que nous partageons, en tant que motivation et fondement de l'action politique, quel que soit notre parcours et nos convictions idéologiques, et au delà des distinctions - souvent artificielles - entre société "laïque" et monde "confessionnel".

Dans cette optique, cette Conférence constitue une contribution importante à l'analyse d'un problème - celui des mouvements de population - qui dépasse désormais la dimension inter-étatique, et va sans doute constituer une priorité dans les années à venir pour l'ensemble de la communauté internationale.

Les migrations qui constituent l'un des thèmes principaux de cette Conférence, et les mouvements de population dont le Commissaire européen chargé de l'aide humanitaire est censé s'occuper, ne coïncident pas toujours; et pourtant elles ont quelque chose en commun: les unes et les autres sont le résultat d'une contrainte. C'est l'indigence, que l'on appelle pudiquement sous-développement, qui pousse des multitudes de gens à quitter les pays pauvres pour trouver un travail dans les pays riches; ce sont surtout les conflits armés de nos jours - véritables catastrophes causées par l'homme - qui ont poussé environs 50 millions d'êtres humains à fuir leurs foyers, vers des camps de réfugiés, le plus souvent à l'étranger. Les réfugiés, pourrait-on objecter, ne sont pas des émigrés au sens propre. Malheureusement, je vous répond, ils le deviennent, car nous avons des communautés - voire des peuples entiers, comme c'est le cas avec le deux millions de rwandais ayant quitté leur pays en 1994 - dont l'exil et la

détresse semblent s'éterniser.

La souffrance, voilà le trait commun de toute migration d'êtres humains. C'est pourquoi on ne cesse pas de répéter qu'il faudrait à tout prix intensifier les efforts de prévention des crises - économiques aussi bien que politico-militaires - pour ne pas se retrouver face à des situations presque ingouvernables où la dignité humaine est bafouée.

En tant que responsable d'ECHO, l'Office Humanitaire de la Communauté Européenne, créé en 1992 - permettez-moi de vous présenter brièvement notre travail.

En 1994 le montant total de l'aide humanitaire consentie par la communauté internationale a dépassé le 3 milliards d'Ecu, dont deux tiers souscrits par l'Union et ses Etats membres. La Communauté en tant que telle, à travers ECHO, a contribué avec 764 millions d'Ecu, en intervenant dans une soixantaine de pays et notamment en ex-Yougoslavie et dans la région africaine dite des Grands Lacs: Rwanda, Burundi, Zaïre, Tanzanie.

L'aide accordée par ECHO passe à travers les acteurs traditionnels de l'humanitaire, à savoir les organisations non gouvernementales, les organismes internationaux tels la Croix Rouge, et les agences spécialisées des Nations Unies avec lesquels la Commission Européenne a établi des rapports de partenariat.

Quant aux principes, l'aide d'ECHO est octroyée de manière neutre, impartiale et sans discrimination - en dehors de toute logique d'ordre politique - sans passer par les gouvernements concernés.

En tant que Commissaire pour l'aide humanitaire j'ai aussi des soucis, que je vais essayer de vous illustrer le plus franchement possible.

Tout d'abord, face à cette véritable explosion de la demande d'intervention humanitaire à laquelle nous assistons depuis quelque temps, je me demande si l'on trouvera dans les années à venir assez de ressources financières pour garder ce rythme. Je constate plutôt, pour ma part, les premiers signes d'une certaine fatigue chez les pays donateurs et chez l'opinion publique.

Ce n'est pas très étonnant. Car le retour à la barbarie que l'on enregistre dans la majorité des conflits contemporains, ou le détournement systématique de l'aide à des fins politico-militaires, sont des phénomènes qui démontrent les limites de l'action humanitaire: qui n'est jamais - à elle seule - la solution d'aucune crise. La solidarité ne peut pas remplacer à la fois la politique et la diplomatie.

Nous voici revenus au point de départ, à savoir la prévention des crises. En réalité, les problèmes de résolution des conflits - ou plus souvent de "containement", selon une expression à la mode pendant la Guerre Froide - ont toujours existé. Mais c'est surtout suite à l'éclatement de l'équilibre bipolaire que la prévention des crises est montée de rang dans les priorité de la communauté internationale.

Les données de la nouvelle situation s'imposent à tout observateur averti:

* multiplication de foyers de crise au niveau régional et sub-régional, sans que les grandes puissances interviennent avec leur rôle modérateur et de "containement";

* diffusion de phénomènes de conflictualité ethnique, nationale, religieuse, économique; ayant parfois des retombés disproportionnées (en termes de réfugiés, par ex.);

* absence d'intérêt, ou de détermination, ou d'initiative des instances étatiques et internationales dans l'approche à ces situations de conflit, dans la mesure où elles ne modifient pas les équilibres géopolitiques, et ne constituent pas une menace directe à la sécurité;

* explosion conséquente des retombées humanitaires de ces crises localisées et (ce n'est qu'une provocation) "autorisées";

* diffusion médiatique dans l'opinion publique de l'angoisse engendrée par la souffrance des victimes, grâce au "village global" (on parle désormais d'"effet CNN");

* interventions difficiles et couteuses "après coup"; et instances budgétaires de plus en plus préoccupées, partout dans le monde, par la "pérennisation" de crises intraitables politiquement et insoutenables financièrement.

Tel est le défi auquel sont confrontées aujourd'hui les instances humanitaires. Je ne voudrais pas répéter ici cette lapalissade qui consiste à constater que la prévention des crises serait plus efficace et moins couteuse que l'intervention humanitaire ex-post.

La vraie question, à mon avis, c'est qu'il existe un rapport de causalité indirecte entre la prévention des crises et l'intervention humanitaire. Dans la plupart des cas, aujourd'hui, l'action humanitaire est le résultat inévitable de l'absence ou de la faillite des efforts de prévention. De même, en cas de crises "pérennisées", telles que nous les avons veçues en ex-Yougoslavie ou dans la région des Grands Lacs, l'humanitaire sanctionne et témoigne de l'incapacité de la communauté internationale de déployer des instruments efficaces de résolution des conflits.

Je sais qu'un débat s'est instauré sur le cadre et les moyens d'une action préventive de la part des instances humanitaires elle-mêmes. On entend beaucoup parler de "third track diplomacy" (le "deuxième track" étant celui de la diplomatie économique), pour indiquer les efforts - louables - déployés par certaines organisations non gouvernementales afin de mettre ensemble, dans un cadre non officiel, les responsables politiques des parties en conflit. Et je constate que certaines organisations développent une tendance à se spécialiser dans ce domaine.

Il s'agit, je le répète, d'efforts louables. Mais il faut être clairs dans nos esprits: l'humanitaire n'a pas les instruments de la prévention. Qui, comme moi, continue à croire à la primauté d'une politique basée sur des valeurs,, ne peut que souhaiter que les raisons de la politique - y compris les considérations d'ordre économique et de sécurité y afférant - l'emportent toujours dans des situations conflictuelles.

Dans un monde idéal, la diplomatie préventive et la prévention devraient réduire les interventions humanitaires à des activités marginales et ponctuelles. Hélas, ce n'est pas le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.

J'en tire, quant à l'Union Européenne, les considérations (sombres) qui s'imposent. La surexposition de l'Union dans l'humanitaire (explosion du budget d'ECHO, mais aussi des contributions bilatérales des Etats membres) témoigne sans doute du désir de présence et de solidarité de l'Europe dans le monde. Mais elle est aussi la conséquence de l'impuissance, jusqu'ici, à mettre sur les rails une Politique Etrangère et de Sécurité Commune efficace et digne de ce nom.

J'espère que la nouvelle conférence intergouvernementale qui va être convoquée en 1996 puisse parvenir à combler les innombrables vides - de structures, de processus de décision, de volonté politique - malheureusement constatés dans l'après-Maastricht.

En attendant, pour faire face aux multiples urgences que nous entourent avec le maximum d'efficacité mais aussi d'humanité, il faut faire appel aux valeurs morales les plus nobles que chacun de nous connaît: les valeurs universelles de la civilisation chrétienne aussi bien que les idéaux qui ont inspiré la rédaction de la Charte des Droits de l'Homme.

 
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