Un entretien avec Emma Bonino, commissaire européen
"IL FAUDRA ÉCHELONNER LES RETOURS"
propos recueillis par Guido Votano
Il était 18h30 à Bruxelles lorsque le président Clinton, en directe de la Maison Blanche, annonça au monde l'accord de paix signé à Dayton aux États-Unis. la même heure, ce même 21 novembre 1995, la Commission européenne, se confirmat comme le principal bailleur de fonds de l'aide humanitaire, décidait de consacrer un supplément de 110 millions d'ECUs à l'assistance aux réfugiés de l'ancienne Yougoslavie, ce qui fait au total 230 millions d'ECUs pour l'année 1995.
Symbole ou simple coïncidence: le retour à la paix n'est pas le retour des réfugiés, la fin de leur misère. Dans un rapport récent, Emma Bonino, commissaire européen responsable de ECHO -le bureau chargé de l'assistance humanitaire- exprime d'ailleurs de graves préoccupations au sujet de leur avenir et pense que la résorption de ce problème est une oeuvre de longue haleine.
Quels sont les prévisions sur le retour des 3.600.000 réfugiés dans l'ex-Yugoslavie et des 850.000 qui onttrouvé accueil dans d'autres pays de l'Union?
Emma Bonino: J'ai assisté plusieurs fois aux conseils des ministres de l'Intérieur pour demander aux gouvernements des Quinze de ne pas prévoir de retours cet hiver. Je comprends la poussée psycologique vers le retour et aussi les nécessités du recensement et du processus électoral qui va être mis en place. Mais il faudra échelonner les retours et les suivre de près, pour éviter des catastrophes humanitaires, des épidémies, ets. C'est la premièr fois que la Communauté se trouve devant une situation de cette ampleur.
Quels sont les structures de l'UE dans l'ex-Yougoslavie?
-En Croatie, nous avons l'European Community Task Force (ECTF), créé par le Conseil européen d'Edimbourg, nous sommes l'"agence leader" et nous gérons directement l'aide, en concertation entre ECHO, la ECTF, les ONG et le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR). Il en est de même en Serbie. Par contre, en Bosnie, zone de conflit plus dur, les Nations unies ont voulu garder le controle et l'agence leader est le HCR, qui travaille sur le terrain avec des ONG comme Médecins sans frontières et Oxfam. Notre rôle ici est celui de bailleurs de fonds.
La paix changera-t-elle votre travail?
- mon avis, il faut repenser notre organisation sur le terrain pour mieux s'adapter à la nouvelle situation. Même le mandat de structures comme l'ECTF est obsolète. Et nous avons aussi l'administration de Mostar, et le "Monitoring Group" qui s'occupe de la pré-reconstruction. Il faut davantage coordonner tous ces organismes dans une forme plus appropriée pou un processus de paix.
Le retour des réfugiés posera sans doute différents problèmes politiques. Dans vos documents, on peut lire l'engagement à ne pas financer des programmes qui puissent "représenter une incitation à regrouper artificiellement des communautés sur la base de clivages ethniques ou religieux". Est-ce que l'Europe aura vraiment voix au chapitre?
- Franchement, je ne le sais pas. Et c'est désespérant.