Radicali.it - sito ufficiale di Radicali Italiani
Notizie Radicali, il giornale telematico di Radicali Italiani
cerca [dal 1999]


i testi dal 1955 al 1998

  RSS
sab 08 feb. 2025
[ cerca in archivio ] ARCHIVIO STORICO RADICALE
Conferenza Emma Bonino
Partito Radicale Maurizio - 29 gennaio 1996
JOURNAL DE GENVE ET GAZETTE DE LAUSANNE, page 14, foto Bonino

"L'EUROPE POLITIQUE, PASSAGE OBLIGÉ DE LA MONNAIE UNIQUE"

Convaincre les citoyens des avantages de l'euro ne sera possible que si les Quinze se donnent une véritable un commissaire européen pas comme les autres.

Propos recueillis par Roland Krimm et Patrick Nussbaum, journaliste à la Radio Suisse romande

Elle est insolente. On la dit rebelle. Elle est connue pour avoir défendu des causes comme le désarmement, l'abolition de la peine de mort, le droit à l'avortement et la dépénalisation de la consommation des drogues douces. Nommée à Bruxellespar... Syli Berlusconi, Emma Bonino est un commissaire européen pas comme les autres.

Chargée de la Protection des consommateurs et de l'Aide humanitaire, elle a la lourde tâche de vendre la monnaie unique aux 370 millions de citoyens européens. Entretien.

- L'euro dans trois ans, vous y croyez?

- Emma Bonino: Oui. Mais si on considère la monnaie unique sous l'angle strictement économique, ce sera l'échec. La monnaie unique doit être une étape vers l'union politique. Pour devenir un symbole palpable pour les Européens, elle doit être accompagnée par le rêve, le désir, l'amour de l'Europe. Ce n'est qu'à cette condition que cela marchera.

- Etiez-vous déjà convaincue de l'utilité de la monnaie unique avant d'arriver a Bruxelles?

EB - Je suis fédéraliste dans l'âme. J'ai siégé au Parlement européen avec Altiero Spinelli (député européen qui, en 1979, lança un projet d'Europe fédérale) quand j'étais plus jeune! Je n'ai jamais été d'accord avec ceux qui prétendent que l'Europe se fera grâce à l'économie. Aujourd'hui, j'en suis encore plus convaincue: l'Europe a besoin d'un volet politique.

LE RLE DE LA DIMENSION POLITIQUE

- Donc ce n'est pas la monnaie unique qui fera l'Europe?

EB - La monnaie unique seule, non. Quand j'étais parlementaire européen, j'ai eu de grandes discussions avec Jacques Delors, l'ancien président de la Commission européenne, qui disait que le processus politique découlerait de l'économie commune, de la monnaie unique. Entre-temps Jacques Delors reconnaît que l'union économique a des limites. Je suis entièrement d'accord avec lui: sans dimension politique, l'Europe n'ira nulle part.

- La monnaie unique est le seul dessein de l'Union européenne en cette fin de siècle. L'union politique, on n'en voit pas grand-chose pour le moment...

EB - Vous avez malheureusement raison. Cinq ans se sont écoulés depuis la signature du Traité de Maastricht. Les tragédies que nous avons connues en ex-Yougoslavie et ailleurs ont montré que sans politique de sécurité et de défense commune, l'Europe est incapable de prévenir les génocides à ses frontières. L'ex Yougoslavie est l'un des échecs de l'Europe. n faudra en tirer les leçons lors de la conférence intergouvernementale sur la révision du Traité de Maastricht qui s'ouvre prochainement.

- Revenons au projet économique puisque projet économique il y a. La monnaie unique est un processus technocratique. Les consommateurs ne seront-ils pas floués?

EB - Dès que je suis arrivée à Bruxelles, je me suis fait l'avocat des citoyens sédentaires, ces millions de personnes qui ne voyagent pas. J'ai dit à Yves-Thibault de Silguy, le commissaire chargé des Affaires économiques, que la monnaie unique n'est pas seulement l'affaire des chefs d'entreprise et des directeurs de banque. Si les consommateurs ne sont pas convaincus de l'utilité de la monnaie unique, ça ne marcherapas. Parce que pour ces millions de personnes, changer de monnaie ne sera pas simple.

Prenons l'exemple de ma mère. Elle est proeuropéenne. Ce qui en fait déjà un cas particulier! Elle ne voyage pas, n'utilise pas de cartes de crédit. Sa monnaie de référence, c'est la lire. Quand elle descendra de chez elle pour acheter des courgettes et des oignons, ce sera difficile de comprendre ce qui est cher et ce qui ne l'est pas. La monnaie unique va donc lui rendre la vie plus difficile.

DES AVANTAGES SURTOUT MACRO-ÉCONOMIQUES

- Comment dès lors comptez-vous convaincre le petit épargnant, le retraité, le consommateur de son utilité?

EB - Il y a un exemple très simple. Prenez un citoyen européen qui part en voyage à travers les quinze pays de l'Union avec 100.000 lires en poche. Sans rien acheter, il rentrera chez lui avec 50.000 lires. Le reste se sera envolé en commissions bancaires et frais de change. Le citoyen sédentaire - ma mère, la veuve de Carpentras, le pêcheur andalou - ne voyage pas lui, me direz-vous.

Mais les marchandises qu'il achète, elles, ont voyagé. Elles sont donc soumises aux fluctuations de change. La monnaie unique sera aussi une monnaie plus forte et plus stable. Elle sera compétitive face au dollar par exemple. n y a donc un certain nombre d'évidences. Même s'il est vrai que les avantages de la monnaie unique relèvent plutôt du domaine macro-économique.

- Il n'empêché que selon un récent sondage de la Commission, 44% des Européens estiment que la monnaie unique apportera plus de désavantages que davantages et qu'elle contribuera encore à creuser le fossé entre riches et pauvres...

EB - Franchement, je ne vois pas les désavantages de la monnaie unique. Je voudrais bien que quelqu'un me les explique. Mais il est vrai que la monnaie à une très forte valeur psychologique. Je pense que si demain on décidait de créer une armée européenne unique, nous devrions faire face au même scepticisme car l'armée implique la patrie, la nation...

L'EURO APPELLE UN VOLET POLITIQUE

- Précisément: près d'un Européen sur deux estime que la monnaie unique se traduira par une perte d'identité nationale...

EB - C'est justement pour cela que je dis que la monnaie unique appelle un volet politique. Pour rassurer le citoyen, il faut une Europe politique, démocratique. Ce qui n'est pas le cas pour le moment.

- Ce n'est pas comme cela que vous allez vendre l'euro aux sceptiques?

EB - La Commission ne pourra pas tout faire. On aura besoin des instances nationales, des associations de consommateurs. Tout le monde devra s'y mettre.

- Avez-vous pensé à mettre les écoles à contribution?

EB - Oui. Mais pour cela, je dois avoir l'accord des Etats. Je ne peux pas obliger le ministre italien de l'Education à introduire une heure de l'euro dans les classes, de la crècheà l'université. Mais j'ai des idées. L'autre jour, j'ai proposé de lancer un monopoly en euro. Ce pourrait devenir le cadeau le plus populaire pour Noël prochain. Entre-temps, une entreprise allemande m'a appelée pour me dire: nous sommes disponibles, avez-vous déjà une idée un peu plus précise?

Certes, le monopoly ne sera pas suffisant pour convaincre. Mais il pourrait créer des synergies, une dynamique. On pourrait également mettre sur pied des simulations de paiement en euros dans certaines grandes surfaces. Encore faudra-t-il trancher le problème des décimales. Les appellera-t-on euroni, eurini euriti?

- Que vous inspire le fait que la Suisse ne prendra vraisemblablement pas le train de la monnaie unique mot la fin du siècle?

EB - En 1865 déjà, la France, la Suisse, l'Italie et la Belgique avaient créé une union monétaire latine. a a marché quelques années. Nos ancêtres étaient beaucoup plus sages. Ils l'avaient fait sans déchirement, sans grandes conférences. Le fait d'être entourée de pays disposant d'une monnaie forte et de politiques fortes incitera peut-être la Suisse à les rejoindre. Je l'espère. n est toujours mieux d'être protagoniste, acteur, plutôt que demandeur.

 
Argomenti correlati:
stampa questo documento invia questa pagina per mail