Regain de tension au Burundi, célébration prochaine du deuxième anniversaire du génocide au Rwanda, incertitudes sur le sort des réfugiés, en particulier au Zaire, déclarations contradictoires à propos du Rwanda: l'Afrique des Grands Lacs suscite toujours les inquiétudes de la communauté internationale et les assauts de bonne volonté. C'est ainsi qu'une importante mission s'envolera ce week-end pour la région, conduite par Emma Bonino, commissaire chargée des affaires humanitaires à la Commision européenne. Il s'agira, pour la première fois, d'une mission conjointe euro-américaine puisque Mm. Bonino sera rejointe à Nairobi par Bryan Atwood, directeur de l'USAID (Agence des Etats-Unis pour le développement international).La mission se rendra au Burundi, dans le camp de réfugiés de Ngara en Tanzanie et enfin au Rwanda. Tant pour les Européens que pour les Américains en effet, la situation humanitaire demeure préoccupante dans la région, où 1.700.000 réfugiés représentent un budget quotidien d'un million de dollars par jour, budget assumé pour moitié par l'Union européenne.
De plus en plus, les bailleurs de fonds souhaiteraient que ces sommes considérables soient affectées à des projets de développement, de réinsertion des réfugiés, plutôt qu'au fonctionnement de ces immenses camps où vivent des gens déracinés, soumis aux pressions psychologiques des éléments extrémistes. C'est pour quoi la situation intérieure du Rwanda et du Burundi intéresse Européens et Américains qui encouragent toutes les médiations pouvant mener à l'apaisement. A propos du Burundi, la tension monte à nouveau entre les rebelles hutus, bien décidés à harceler l'armée jusqu'à ce qu'elle rende le pouvoir au peuple et le gouvernement qui refuse absolument de négocier avec les génocidaires et tente de promouvoir le dialogue national entre toutes les parties, à condition qu'elles renoncent à la violence. Cette voie centriste, étroite et périlleuse, est suivie avec intérêt, et encouragée par les Occidentaux.
Au Rwanda, les bailleurs de fonds observent avec intérét les efforts déployes en vue d'encourager le retour des réfugiés. A Bruxelles, la délégation conduite par le Premier ministre Rwigema a expliqué que les missions d'information allaient se poursuivre dans les camps y compris ceux du Zaire afin de convaincre les réfugiés de rentrer. Tant en ce qui concerne la sécurité des personnes que la restitution des biens les ministres rwandais ont multiplié les assurances, répétant leur volonté de construire un Etat de droit. Sur les deux points qui preoccupent les pays donateurs, la présence des organisations non gouvernementales et la taxation de l'aide humanitaire, les Rwandais se sont expliqués nous ne pouvons pas permettre que l'on importe, pour revendre sur nos marchés, des produits que nous fabriquons nous-mémes, a souligné le Premier ministre, donnant l'exemple du savon, des cahiers scolaires, des houes....
Si le séjour en Belgique de la délégation rwandaise a permis de clarifier certains points, bien des questions demeurent en suspens, concernant notamment la justice: pourquoi les tribunaux ne fonctionnent-ils pas, pourquoi 67.000 détenus croupissent-ils toujours en prison ?
A ce sujet, le Premier ministre rwandais a expliqué qu'il avait d'abord fallu, pour éviter une justice expéditive, reconstruire l'appareil judiciaire: former des magistrats, des greffiers, des officiers de police judiciaire, mettre en place la Cour suprême et le Parquet; le Haut conseil de la magistrature qui nommera les juges doit encore êtredésigné, et ensuite, d'ici la fin du mois d'avril, les premiers procès pourraient commencer.
A propos des prisons, il a confirmé des informations déjà diffusées par le CICR, selon lesquelles des mesures avaient été prises pour élargir les espaces de détention, créer des centres spéciaux pour les femmes et les enfants, tandis que des commissions de triage tentent d'éviter l'em- prisonnement arbitraire d'innocents.
Répondant en bloc aux multiples critiques dont son gouvernement fait l'objet, M. Rwigema a demandé de ne pas juger son pays sur des incidents de parcours .
COLETTE BRAECKMAN