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Conferenza Emma Bonino
Partito Radicale Maurizio - 26 giugno 1996
AGRA EUROPE 5TH ANNUAL EUROPEAN FOOD LAW CONFERENCE
Sheraton Hotel Brussels - June 26 1996

Intervention de Mme Bonino

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs,

Merci aux organisateurs de cette cinquième conférence sur la législation européenne et les denrées alimentaires de me donner l'occasion de m'exprimer au cours de cette deuxième journée de travaux.

J'ai aujourd'hui l'intention de vous parler d'un aspect particulier de la protection et de l'information du consommateur dans le cadre de la législation communautaire relative aux denrées alimentaires et notamment du problème de la sécurité des denrées alimentaires.

Paradoxalement, alors que la production des denrées alimentaires devient de plus en plus sophistiquée, bénéficiant des avancées et de l'innovation technologiques, le degré de sécurité n'évolue pas, voire semble régresser dans certains cas. Alors que l'offre de denrées alimentaires augmente et se diversifie, que la stabilité sinon la baisse tendancielle des prix permet à un nombre plus grand de consommateurs de pouvoir accéder à des produits jusqu'alors réservés à un faible nombre, ces mêmes consommateurs ont des raisons de s'inquiéter à propos de la sécurité et de leur santé.

Des enquêtes effectuées ces dernières années par des organisations européennes de consommateurs ont montré que, pour plusieurs denrées alimentaires, le degré de sécurité est loin d'être optimal et que la santé des consommateurs pouvait même être parfois mise en danger.

Je citerai comme exemples certaines actions qui ont été réalisées à l'échelle communautaire et avec le soutien de la Direction générale "Politique des consommateurs" de la Commission européenne. Aucun des domaines étudiés dans le cadre de ces actions ne sort vraiment "indemne" de l'examen: contamination de la viande de poulet par salmonnelles et campylobacter, qualité microbiologique insuffisante de certains plats préparés, résidus de substances anabolisantes interdites dans la viande de boeuf, taux parfois élevés de nitrates dans certains légumes, hygiène et fraîcheur insuffisantes du poisson.

Prenons le cas de la viande bovine. L'enquête des consommateurs a confirmé que l'on continue à utiliser des substances interdites par la législation communautaire. Certes, leurs effets néfastes sur la santé humaine ne sont pas scientifiquement prouvés, mais on oublie de se demander "en quoi ces substances sont-elles nécessaires aux consommateurs? que leur apportent-elles?"

Dans ce même secteur, on constate l'utilisation afin d'accélérer la croissance des animaux de substances autorisées seulement à des fins thérapeutiques, dont certaines peuvent présenter un risque pour la santé humaine. Bien sûr, la Commission ne reste pas les bras croisés et propose de renforcer la législation applicable, mais quelle peut être la portée de cette démarche si les contrôles ne suivent pas (je reviendrai sur le sujet des contrôles ultérieurement).

Une double crise de confiance s'établit donc qui vise à la fois la législation communautaire et l'alimentation.

L'actualité de ces trois derniers mois, dominée par les effets de la crise liée au risque de transmissibilité de l'encéphalite spongiforme bovine à l'homme, renforce le malaise et la défiance des consommateurs vis-à-vis de certains produits, et met en évidence la difficulté de communiquer sur ce sujet dès lors que rien n'est certain du point de vue scientifique.

Je souhaite vous livrer quelques réflexions sur les voies qui me paraissent devoir être explorées afin d'établir ou de rétablir cette confiance. L'action devrait s'engager dans quatre directions au moins: la responsabilité, les contrôles, l'efficacité, la recherche de solutions alternatives.

* * * * *

La responsabilité tout d'abord. Un grand nombre des problèmes de qualité ou de sécurité que rencontrent les consommateurs concernent les produits agricoles non transformés, ou "primaires". Or le consommateur se trouve vis-à-vis de ces produits (produits agricoles, de la pêche et de la chasse) dans une situation défavorable par rapport à celle concernant lesproduits transformés. Dans ce dernier cas, il dispose d'une législation sur la responsabilité du producteur, donc du moyen d'obtenir réparation du dommage causé par une denrée alimentaire sans avoir à prouver la faute du producteur. En revanche, que dans le premier cas, il ne dispose de ce recours que si l'Etat membre dans lequel il se trouve a décidé de rendre applicable cette possibilité aux produits "primaires" en question.

En l'absence d'un tel principe, les garanties en matière de sécurité reposent sur les structures et procédures de contrôle mises en place par les Etats membres. Or il ne paraît ni logique ni réaliste de faire peser sur les autorités nationales de contrôle la responsabilité de garantir la sécurité et la qualité au lieu et place du producteur. Cette responsabilité doit être partagée.

Je suis donc persuadée qu'un équilibre doit être établi. Autrement dit, une implication du producteur dans la sécurité du produit qu'il met sur le marché, c'est à dire l'extension aux produits agricoles du principe de la responsabilité des produits défectueux me paraît être un facteur important pour le rétablissement de la confiance.

Concernant les contrôles, le problème tient en deux mots: les contrôles dits officiels sont de la compétence des autorités des Etats membres. Or, ceux-ci ne disposent pas tous des mêmes ressources et de la même capacité à affecter aux activités de contrôle, de sorte que, même dans un cadre de marché unique, les consommateurs sont placés dans des situations variables selon l'Etat membre sur le territoire duquel ils se trouvent et ne bénéficient partout du même degré de protection et de garantie en matière de sécurité.

Afin de garantir au consommateur un niveau minimum de contrôle dans toute l'Union européenne sur des sujets jugés prioritaires, il faut favoriser les formules visant à inciter les Etats membres à effectuer simultanément certains contrôles minimums. La législation communautaire comporte de telles formules dans lesquelles les Etats membres peuvent être amenés à réaliser des programmes de contrôles coordonnés.

Je considère qu'un réel effort doit être fourni, principalement par les Etats membres, pour rendre effective ces programmes coordonnés annuels.

J'ajoute à cela que l'organisation même des contrôles dans les Etats membres obéissant à des principes différents, des répartitions de compétences entre services parfois concurrents ne sont pas un facteur d'efficacité. Et puis, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les contrôles en particulier sanitaires sont réalisés par des organismes publics qui sont parfois plus attentifs aux intérêts des producteurs qu'à ceux des consommateurs.

Un mot encore sur la transparence appliquée aux contrôles. Des millions de carcasses d'animaux sont examinées chaque année, un grand nombre de tests sont réalisés pour s'assurer de la sécurité des produits, des milliers d'établissements sont inspectés... Les résultats de ces activités sont insuffisamment connus du public. L'absence de transparence dans le domaine des contrôles ne peut qu'accroître le malaise et affecter la confiance des consommateurs. La question de l'accès des consommateurs aux contrôles doit à mon avis être posée, ce qui signifie à la fois le droit pour les consommateurs de connaître les résultats des contrôles réalisés et la possibilité pour les organisations de consommateurs d'être associées, selon des modalités à définir, à l'exécution même des contrôles.

Améliorer l'efficacité de la législation. De quelle efficacité on parle ? En fait, jusqu'à présent, les initiatives législatives communautaires dans le secteur alimentaire ont eu comme premier objectif d'assurer la libre circulation des denrées alimentaires. La protection de la santé, de la sécurité et de la qualité constituent une référence dans l'établissement de critères définis par l'harmonisation en vue d'éliminer les entraves à la libre circulation.

Je constate que, au niveau communautaire, la sécurité dans le domaine alimentaire n'est pas traitée en tant que telle mais le plus souvent comme question liée à la qualité. De fait, s'il existe bien plusieurs éléments de législation concacrés spécifiquement à la qualité, surtout en ce qui concerne les produits agricoles, il existe peu de textes visant spécifiquement la sécurité.

Si l'on exclut la directive de 1992 relative à la sécurité générale des produits, la sécurité est plutôt un thème de type "transversal" dont on retrouve différents aspects disséminésdans plusieurs directives ou règlements communautaires.

Ainsi, les éléments de la législation relatifs aux additifs, arômes, édulcorants, colorants alimentaires, aux contaminants, pesticides, solvants d'extraction, matériaux et substances en contact avec les denrées alimentaires, l'hygiène ou les méthodes de traitement des denrées alimentaires, les nouveaux aliments, sont autant de composantes d'une "démarche sécurité" au niveau communautaire.

Cette situation d'éparpillement est-elle satisfaisante en termes d'efficacité? Ne vaudrait-il pas mieux concevoir une approche homogène?

L'accumulation ou la juxtaposition de réglementations générales ou sectorielles, notamment dans les domaines de la qualité et de l'hygiène, amène à des chevauchements ou des duplications inutiles, et parfois à des lacunes.

A cet égard, le domaine de l'hygiène en particulier pose un problème de cohérence entre les différents textes existants. La Commission est consciente qu'il faut veiller à la cohérence des dispositions règlementaires avec la mise en oeuvre des principes HACCP (analyses des risques et points de contrôles critiques) qui résulte de l'adoption de la directive hygiène en 1993. En effet, la généralisation d'une obligation de vigilance formalisée par l'obligation de se référer aux principes HACCP au niveau des entreprises alimentaires doit conduire à une simplification des règles d'hygiène quand elles sont incohérentes avec l'application de ces principes. De même, il faut veiller à la cohérence des dispositions d'hygiène à tous les stades de la chaîne alimentaire et s'assurer que les responsabilités de chacun des intervenants de cette chaîne et la mise en oeuvre de leurs obligations soient cohérentes et propres à assurer la protection du consommateur. Or actuellement la plupart des produits d'origine animale sont co

uverts à la production et à la transformation par des textes sectoriels véterinaires alors que le stade de la distribution au consommateur est couvert par la directive de 1993 sur l'hygiène qui en principe s'applique à tous les stades du cycle d'obtention des denrées alimentaires qui suivent la production primaire. Toutefois, en vertu du principe juridique de spécialité (la loi spéciale déroge à la loi générale), cette directive pourtant essentielle pour la sécurité des consommateurs ne couvre pas les denrées alimentaires auxquelles s'appliquent une réglementation plus spécifique.

L'enquête des organisations européennes de consommateurs sur la qualité bactériologique de la viande de poulet à laquelle j'ai fait allusion précédemment a mis l'accent sur ce problème et sur les incertitudes en ce qui concerne l'articulation entre réglementation générale et sectorielle. Dans le cas examiné, deux directives sectorielles s'appliquent, l'une aux viandes fraîches de volaille et l'autre à la protection contre certaines zoonoses, mais deux directives de caractère général sont aussi concernées, la directive hygiène et la directive contrôles officiels.

La question se pose donc de savoir s'il ne serait pas plus efficace et transparent dans un tel cas de rassembler les dispositions générales d'hygiène applicables à toutes les denrées alimentaires dans un même instrument, quitte à prévoir en annexe les règles spécifiques nécessaires contenues actuellement dans des instruments verticaux.

Les conclusions des travaux du groupe d'experts indépendants de simplification législative et administrative relatives à l'hygiène alimentaire contiennent des propositions dans ce sens. L'exercice s'avère cependant délicat car il faut éviter que le souci de simplification, qui implique des règles moins détaillées et moins contraignantes, n'aboutisse à des difficultés pratiques de mise en oeuvre et n'affecte l'efficacité recherchée.]

Comme je l'ai mentionné au début de mon intervention, la confiance des consommateurs vis-à-vis de la sécurité alimentaire passe certainement par la recherche de solutions alternatives en ce qui concerne principalement les produits agricoles.Compte tenu des nombreuses alertes en matière de sécurité et de santé, il faut s'interroger sur la nécessité de revenir partiellement sur le modèle de développement agricole que nous connaissons depuis plusieurs dizaines d'années. Dans ce contexte, je suis convaincue qu'il faut réserver au mode de production biologique des produits agricoles une place plus grande et donner toutes les chances aux producteurs désirant se lancer dans cette voie qui peut, dans une certaine mesure, constituer une alternative dans la recherche d'une garantie de plus de qualité et de sécurité pour le consommateur.

Il ne faut pas oublier que pour les produits qui ont été montrés du doigt par les consommateurs, qu'ils soient animaux (viande de boeuf ou de volaille) ou végétaux (nitrates dans les épinards et les laitues), les problèmes rencontrés sont en partie liés au mode de production (mode d'élevage intensif des volailles ou des bovins, culture hors sol de certains légumes dans des conditions climatiques défavorables).

* * * * *

Je ne voudrais pas clore mon intervention sans vous livrer certaines réflexion en matière d'étiquetage des denrées alimentaires.

Certes, l'information délivrée par l'étiquetage constitue un facteur de sécurité. En effet, même si le maximum de précautions ont été prises à tous les stades de la production, transformation et commercialisation des denrées alimentaires, il reste le problème du consommateur lui-même. En raison de son inexpérience, de sa sensibilité aux modes alimentaires et à la pression publicitaire, le consommateur constitue le point faible de la chaîne alimentaire.

L'étiquetage est donc lui-même un facteur de sécurité et c'est la raison pour laquelle les priorités de la Commission pour la politique des consommateurs 1996-1998 envisagent un réexamen des prescriptions en la matière, non pour démanteler ce qui existe mais pour évaluer les points sur lesquels une information a le plus de chance d'être comprise et utilisée par le consommateur au service de sa sécurité.

Voyons un exemple. Les allergies illustrent la nécessité d'aller plus loin dans l'information contenue dans l'étiquetage. Les allergies soulèvent une difficulté particulière d'étiquetage dans la mesure où le nombre des allergènes potentiels est sans limite, où la population des individus concernés par tel ou tel allergène est parfois très limitée et où les possibilités d'effectuer un étiquetage adapté sont matériellement réduites. C'est pourtant dans ces cas que l'information pourrait être pleinement mise à profit par les consommateurs concernés. Il paraît évident que les dispositions en vigueur ne permettent pas de résoudre ces situations et qu'elles doivent être complétées comme la Commission en a manifesté l'intention dans les priorités déjà citées.

Arrivant au terme de mon propos, je voudrais ajouter que les questions d'étiquetage constituent un sujet à la fois sensible pour les consommateurs et difficile pour la Commission. La raison en est qu'à mon sens l'étiquetage est un enjeu apparent car il est souvent utilisé comme un moyen de résoudre d'un point de vue technique des problèmes de fond sur lesquels on constate un blocage au niveau politique. Je citerai trois exemples qui illustrent cette situation à des degrés divers.

Les incertitudes ou les craintes diverses suscitées par la crise de l'ESB (BSE) dans le secteur de la viande bovine ont généré une demande d'étiquetage, portant principalement sur l'origine des produits, non seulement de la part d'organisations de consommateurs mais aussi de la part des professionnels (producteurs, négociants, bouchers ou distributeurs). Ces demandes concordantes émanant de milieux, dont les intérêts ne sont pas naturellement convergents incitent à être prudent quant aux suites à donner. Il ne faut pas perdre de vue, en effet, leurs implications sur le fonctionnement des échanges intra-communautaires et les risques d'utilisation des règles d'étiquetage à des fins "douteuses".

Autre exemple, la discussion dans le cadre de la proposition de directive relative auxnouveaux aliments et aux nouveaux ingrédients ("novel foods") sur l'étiquetage des aliments issus des applications de la biotechnologie, oppose les tenants d'un étiquetage supplémentaire systématique aux partisans d'un étiquetage limité aux cas où il est "significatif".

Enfin, l'adoption d'une proposition modifiant la directive "cacao et produits de chocolat" illustre également le rôle de l'étiquetage en tant que solution à des oppositions de fond, au travers du débat sur le caractère informatif suffisant de la liste d'ingrédients ou sur la nécessité d'une mention d'étiquetage complémentaire concernant l'adjonction de matières grasses végétales autres que le beurre de cacao.

Je ne suis pas convaincue que l'étiquetage doive jouer ce rôle et l'on ne peut pas espérer faire sauter les blocages en adoptant des règles d'étiquetage particulières. L'utilisation de l'étiquetage se heurte en effet à une double limite: une limite physique, liée à la configuration et à la dimension des supports et emballages, une limite d'ordre psychologique, liée à la disponibilité des consommateurs à prendre connaissance, comprendre et utiliser l'information qui leur est ainsi donnée.

En tant que Commissaire chargée de la politique des consommateurs, je compte apporter une contribution qui développe les thèmes que j'ai exposés devant vous: responsabilité des producteurs, coordination et transparence des contrôles, efficacité et cohérence de la législation, solutions alternatives.

La présentation prochaine par la Commission d'un Livre vert sur la législation communautaire relative aux denrées alimentaires constituera l'occasion d'aborder ces différents thèmes.

Monsieur le Président, Mesdames, Messieurs, je vous remercie de votre attention.

 
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