Emma Bonino: "Les occasions de coopération avec les Français sont peu nombreuses"
PROPOS RECUEILLIS PAR B. E.
Vu de Bruxelles, le mouvement consommateur français vous semble-t-il unitaire?
De par la quantité et la diversité des associations qui représentent les consommateurs français, il est difficile de parler d'un mouvement unitaire. La multiplicité des organisations présente l'avantage de garantir le plus large, éventail d'opinions, base de tout dialogue fructueux. Mais les mouvements français restent très indépendants les uns des autres et leurs occasions de coopération sont peu nombreuses.
Qu'en est-il des mouvements des autres pays de l'Union?
La situation dans le reste de l'Europe est très variable Dans certains pays, le nombre d'organisations est très limité: une seule au Luxembourg et en Irlande par exemple alors qu'en Belgique, il en existe 15 de tailles bien différentes. Dans 9 pays - dont l'Allemagne, l'Italie et la Grande-Bretagne-, les associations se sont regroupées. Ainsi, en Belgique, le groupement des organisations de consommateurs constitue une structure informelle de coordination et de concertation regroupant la plupart des organisations auprès du Conseil de la consommation.
Le traité de Maastricht prend-il suffisamment en compte les questions d'ordre consumériste?
L'article 129a introduit par le traité de Maastricht prévoit pour la première fois la possibilité d'intervenir en matière de consommation en complétant les actions entreprises au niveau national. Il s'agit donc d'un changement de perspective important. Je suis convaincue que nous allons rapidement exploiter le potentiel que nous offre le cadre juridique actuel. Cela dit, nous suivons avec beaucoup d'attention les propositions faites en Belgique lors du Conseil consommateurs d'avril dernier de compléter le cadre juridique par un article nouveau dans le traité, qui imposerait de prendre en compte les intérêts du consommateur dans tout nouvel acte législatif européen.
Le droit européen en matière de consommation est-il complet?
Le droit européen est certainement très avancé, mais il est loin d'être complet. Il faut y travailler là où la nécessité est évidente: c'est ce que nous avons fait avec les directives sur la vente à distance, les prix à l'unité de mesure, les garanties après-vente, l'accès à la justice.
Le 15 octobre, la Commission commencera à évaluer les résultats d'une ample consultation lancée sur la question des services financiers. afin de proposer des améliorations à la législation. Et puis, il existe de nouveaux domaines comme, par exemple, la société de l'information. Nous devons nous assurer que les droits des consommateurs, lorsqu'ils utilisent des services nouveaux comme Internet, soient respectés.
Quelles leçons tirez-vous de la crise de la "vache folle", s'agissant des procédures d'alerte des consommateurs?
Cette question met en évidence la nécessité d'une transparence totale et d'une collaboration très étroite entre les administrations nationales et la Commission. La réaction de l'opinion nous a rappelé - et j'espère que tout le monde se souviendra de ce message - que le consommateur n'est pas disposé à se laisser tromper sur les questions d'alimentation.
Je voudrais dire également que les procédures d'alerte des consommateurs ont bien fonctionné. Très rapidement, la Commission a communautarisé le blocage des importations britanniques de bovins, de viande et de dérivés. En outre. quelques jours seulement après l'annonce britannique de mars, la Commission a mis en place un groupe de travail interservices, regroupant les services compétents de la Commission et ayant pour mandat de coordonner les informations disponibles sur le sujet. Depuis le 20 mars enfin, 14 comités spécialisés se sont réunis (cosmétiques, denrées alimentaires,...) permettant aux Etats membres de se rencontrer afin d'échanger leurs expériences. Dès le début de la crise, le Comité du consommateur a pu participer au débat; j'ai tenu, dès les premiers jours, à l'informer de tous les développements...