KINSHASA/BRUXELLES 10/11 (REUTER-BELGA) = Emma Bonino, commissaire européen chargée des questions humanitaires a déclaré à l'issue de sa rencontre dimanche avec des membres du gouvernement zaïrois que le rapatriement des réfugiés hutus devait se faire sur la base du volontariat. Peu avant, l'envoyé spécial de l'ONU, Raymond Chrétien, avait quitté Kinshasa, déplorant les obstacles imposés aux organisations qui tentent de faire parvenir des vivres et des médicaments au million de réfugiés et de Zaïrois qui fuient la rébellion tutsie dans l'est du pays. "C'est mon devoir d'appliquer les conventions humanitaires", a lancé Mme Bonino, après avoir dénoncé les atermoiements du Conseil de sécurité de l'Onu pour l'envoi d'une force multinationale dans la région des Grands-Lacs. "Le rapatriement volontaire, c'est possible de l'obtenir. Je suis opposée à tout rapatriement forcé", a-t-elle affirmé. La position officielle du Zaïre est que les réfugiés doivent être renvoyés au Rwanda et au Burundi et être assistés sur pla
ce. Kinshasa refuse donc que l'aide humanitaire soit distribuée depuis son territoire. Le Rwanda a bien autorisé dimanche l'aide humanitaire à être acheminée à partir de son sol vers les réfugiés du Kivu. Mais les organisations humanitaires ont précisé qu'elles devaient d'abord obtenir la même autorisation des rebelles tutsis qui contrôlent la zone frontalière - dont la ville zaïroise de Goma - et qu'elles étaient en train de négocier. "Nous avons bon espoir de conclure un accord dans la soirée ou lundi matin", a déclaré à Reuter Samantha Boulton, porte-parole de Médecins sans frontières (MSF). Le Zaïre a par ailleurs demandé que le mandat de la force multinationale envisagée par l'Onu ne soit pas strictement humanitaire. "Ce mandat doit être à la fois humanitaire et politique pour couvrir tous les aspects de la situation actuellement sur le terrain", a déclaré le ministre zaïrois de l'Intérieur, Kamanda wa Kamanda. "La dimension politique de ce problème est dominante. Il faut que les Nations-Unies s'attaque
nt à cette dimension politique essentiellement", a ajouté ce dernier. Avant de quitter Bruxelles avec une délégation européenne, Mme Bonino avait indiqué qu'elle se rendait au Zaïre pour avoir un aperçu de la situation et qu'elle souhaitait ensuite visiter les camps de réfugiés de l'est du pays. Elle a évoqué la difficulté d'expliquer le but de sa mission aux réfugiés, livrés à eux-mêmes depuis une semaine, les organisations humanitaires ayant été contraintes de fuir l'avancée des rebelles tutsis au Kivu pour s'établir au Burundi et au Rwanda voisins. "Comment puis-je leur dire que le Conseil de sécurité ne voit pas (...) n'écoute pas (...) ne s'en soucie pas", a-t-elle confié samedi. La Commission européenne avait demandé au Conseil de sécurité de l'Onu de créer d'urgence une force multinationale pour intervenir au Kivu. Mais les Etats-Unis, échaudés par l'échec de leur débarquement en Somalie, ont demandé davantage de temps pour étudier les modalités de l'opération. Devant l'extrême urgence de la situation
, le Conseil a décidé d'envoyer dans la région une force multinationale d'intervention humanitaire. Mais ses membres ne sont pas parvenus à dire quand et comment. Ils ont donc donné jusqu'au 20 novembre au secrétaire général de l'organisation, Boutros Boutros-Ghali pour définir le "concept" de cette force. "Le temps que l'Onu décide de ce qu'il faut faire, ils seront tous morts", a prédit un haut-responsable de l'Onu au Burundi, sous couvert de l'anonymat. "Les Etats qui empêchent le déploiement de cette force provoquent un scandale international", a quant à elle déclaré Mme Bonino. A Bruxelles, le secrétaire d'Etat belge à la coopération, M. Reginald Moreels, a admis que la résolution des Nations Unies était san,s doute un pas dans la bonne direction, mais il a déploré les tergiversations autour de la mise en place concrète d'un plan d'action, estimant que la date du 20 novembre paraissait bien éloignée au vu de la rapide dégradation des conditions d'existence des populations menacées. Les Nations-Unies ont
par ailleurs affirmé dimanche qu'elles craignaient pour la vie de 100.000 réfugiés hutus burundais portés disparus depuis le mois dernier. Comme les autres réfugiés, ils se sont enfuis de leurs camps le mois dernier et sont depuis sans vivres et sans eau potable. Eclipsés par le million de réfugiés hutus rwandais de Goma, les réfugiés burundais ont été oubliés par le monde extérieur et sont dépourvus de protection et d'aide humanitaire depuis trois semaines, a indiqué un envoyé du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) de l'Onu. "La communauté internationale parle des réfugiés rwandais de Goma, mais ils oublient de mentionner les réfugiés coincés dans la région de Bukavu et d'Uvira", a lancé Hitoshi Mise, représentant du HCR au Burundi. Uvira a été la première ville de l'est du Zaïre à tomber aux mains des rebelles tutsis.