KINSHASA, 11 nov (AFP) - Tandis que plus d'un million de réfugiés sont menacés de famine et d'épidémie dans l'est du Zaïre, les délégations des Nations unies et de l'Union européenne sont engagées dans une course contre la montre. Les deux délégations ont discuté durant le weekend à Kinshasa avec les dirigeants zaïrois et doivent se rendre à Kigali pour tenter de persuader le Rwanda d'autoriser le passage d'une aide d'urgence vers l'est zaïrois. Mais tandis que la délégation de l'UE a demandé au Conseil de sécurité de tenir une nouvelle réunion d'urgence pour décider de l'envoi d'une force multinationale, les Nations unies sont, de leur côté, prêtes à patienter si nécessaire. Raymond Chrétien, qui dirige la délégation de l'ONU, a indiqué samedi soir que le secrétaire général de l'organisation internationale, Boutros Boutros-Ghali lui avait demandé de faire "dans les dix prochains jours" un rapport sur un plan "centré sur l'aspect humanitaire", mais comprenant un "volet militaire nécessaire". Le commissaire
européen aux affaires humanitaires, Mme Emma Bonino, qui dirige la délégation européenne, a au contraire estimé dimanche que ce délai était trop éloigné. Elle a rappelé que des gens mouraient déjà dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu, et que des milliers d'autres subiraient le même sort si une action n'était pas entreprise d'urgence. Mme Bonino, qui s'exprimait lors d'une conférence de presse à Kinshasa, s'est déclarée "déçue et désolée" du comportement des instances internationales qui "piétinent pour une décision afin de sauver des milliers de vies humaines". C'est déjà "trop tard et trop en retard", a-t-elle ajouté. Le Conseil de sécurité de l'ONU a accepté samedi d'ouvrir la voie à l'intervention d'une force multinationale dans l'est du Zaïre, mais a reporté son feu vert. Bien que le conseil puisse théoriquement prendre une décision définitive à tout moment, il pourrait attendre le rapport de M. Chrétien avant de se prononcer. L'actuel président du Conseil européen des ministres du développement, l'
Irlandaise Joan Burton, a estimé lors d'une conférence de presse qu'il serait "trop tard" si l'on attendait le rapport Chrétien jusqu'au 20 novembre. Elle a demandé au Conseil de sécurité de "se réunir à nouveau pour mettre en place les mécanismes d'une opération d'urgence dans des conditions de sécurité appropriées". "Nous pensons qu'il est possible d'organiser tout de suite, dans une très courte période, une opération qui sauvera de nombreuses vies", a-t-elle ajouté. M. Chrétien a indiqué samedi qu'il avait fait une proposition au ministère zaïrois de l'Intérieur pour l'acheminement d'une aide d'urgence aux réfugiés qui "meurent comme des mouches". En attendant une réponse, il s'est rendu dimanche à Kampala et a exprimé l'espoir de pouvoir retourner à Kigali pour de nouvelles discussions. Il a insisté sur le fait que le problème le plus urgent était l'acheminement de l'aide, se plaignant qu'"il se pose plus de problèmes qu'il n'apparait de solutions" dans ses conversations avec les dirigeants de la région.
Les délégations européenne et onusienne ont rencontré le Premier ministre zaïrois Kengo Wa Dondo, ainsi que les ministres de l'Intérieur, de la Défense et des Affaires étrangères. Elles ont demandé au Zaïre d'autoriser le passage de l'aide sur son territoire, estimant pareillement que l'objectif à long terme est le rapatriement des réfugiés rwandais. Beaucoup d'entre eux ne veulent pas regagner leur pays par peur de représailles, après le génocide de 1994 au cours duquel plus de 500.000 personnes, membres de la minorité tutsie et opposants hutus avaient trouvé la mort. Les deux délégations ont également estimé qu'aucune aide humanitaire ne pourrait être acheminée sans la présence d'une force militaire de protection dans l'est du Zaïre en crise. "Il ne s'agit pas de retourner au statu quo et de construire de nouveaux camps. Tout le monde est d'accord pour considérer que cela ouvrirait la voie à une nouvelle instabilité. Mais les personnes qui ont besoin de nourriture doivent l'obtenir maintenant", a déclaré
Mme Burton.