Au Zaire, "la honte" des parachutages.
La réaction, très franche, d'Emma Bonino
Très peu de réfugiés hutus passaient hier du Zaire au Rwanda, alors que vendredi près de dix mille personnes avaient franchi le poste frontière. Dans le meme temps, la force internationale humanitaire qui doit intervenir dans la région, s'est formellement constituée, dans la nuit de vendredi à samedi. Emmené par le Canada, elle est constituée par 14 pays qui attendent, en début de semaine, le rapport du général canadien Maurice Baril, actuellement en Afrique, pour savoir la forme que prendra l'intervention.
Ces derniers hours, les Quatorze sembmaient souhaieter un simple parachutage de vivres aux réfugiés. Une décision qui fait bondir Emma Bonino, commissaire européenne chargée de l'aide humanitaire. Dès les premiers jours de la crise, avec un franc parler inhabituel, cette italienne de 48 ans interpellait les dirigeants de la planète pour qu'ils interviennent. Le JDD lui a demandé sa réaction.
- Je suis stupéfait, et le mot est faible. Franchement, c'est incroyable. Il y a 48 heures encore, et lundi au conseil des affaires générales, les Anglais soutenaient la thèse américaine disant que l'operation militaire était décidée mais que l'on ne pouvait pas déployer les troupes, car on ne savait pas où ni combien étaient les réfugiés. Cela pouvait déjà paraitre incroyable de ne pas retrouver des groupes de centaines de miliers de personnes avec les techniaues militaires actuelles...
Tout à coup, je découvre que l'on passe à une operation de parachutage très ciblée. Alors? Ils les ont trouvés ou pas? C'est une région couvrant une distance équivalente à celle qui separe Venise de la Sicile, on ne fait pas des parachutages à l'aveuglette. Ce qui veut dire: on sait où il s sont, mais on ne veut pas s'en meler. D'abord on les a bombardés avec des vraies bombes, et maintenant avec des biscuits protéinés...Vraiment, les pouvres, ils auront tout eu.
C'est une vraie honte! La vérité, c'est que l'on ne veut rien faire, point à la ligne.
- Que vous inspire la lourdeur administrative des organisations internationales?
- Il serait erroné de se cacher derrière cette pesanteur. A d'autres moments, où la volonté politique était plus claire, cette lourdeur, comme par hasard, n'a pas existé.
L'opération américaine au nord de l'Irak par example s'est décidée en quatre coups de fils. Dans une situation d'urgence, quand il y a une volonté politique, on trouve des solutions d'urgence. J'ai l'impression que les difficultés bureaucratiques, voire techniques, servent d'alibi à une décision de non intervention.
- Mais n'avez-vous pas le sentiment que l'on a surévalué les dangers d'un désastre humanitaire?
- Je ne crois pas du tout. D'abord parce-que les réfugiés sont rentrés au Rwanda suite à une décision de M. Kabila (le chefs des rebelles zairois, NDLR) de bombarder un camp. S'il ne l'avait pas fait, combien de temps les réfugiés auraient-ils pu rester sur place? J'estimequ'ilétait de notre devoir de sonner l'alerte comme on l'a fait. Dans ces conditions et sans assistance, il ya vraiment danger. Quand nous avons cité le chiffre de 1,2 milion de réfugiés, on a dit: les agences humanitaires font de la surenchère. Franchement, nous étions sur place. Et admettons que cela ait été de la surenchére, qu'ils aient été 1 million. 4 à 500 000 sont rentrés, très bien, mais où sont les autres? Maintenant, de tout évidence, on les a trouvés. Dans certaines capitales, on souhaite se limiter à satisfaire l'opinion publique. Il serait plus cohérent et plus trasparent d'avoir le courage de dire: on ne va rien faire, pour telle ou telle raison. il faudrait avoir l'honneté de le dire.