La Commission fait le geste promis au Parlement, sans plus
ACCULÉ, JACQUES SANTER JOUE SON SEUL ATOUT: EMMA BONINO
Avec Emma Bonino, les vaches folles seront mieux gardées. Mais ferat-elle pardonner les fautes de Santer?
André Riche
Au démarrage de la Commission Santer, Emma Bonino membre du Parti radical italien, n'était pressentie que pour s'occuper de la politique des consommateurs, un minuscule portefeuille dans sa dotation en moyens humains et budgétaires. Elle reçut aussi la pêche et l'humanitaire. Bon placement!
La voici à nouveau promue: c'est sous son autorité, à I'ávenir, que s'organisera: la politique des consommateurs et la protection de leur santé. Telle sera désormais la dénomination officielle de la direction générale XXIV ou seront regroupés nombre de compétences et de services dont la dispersion et le cloisonnement sont pour beaucoup dans les cafouillages européens sur la vache folle. Finalement, les indiscrétions que "Le Soir" avait publiées le 27 janvier ne lui ont pas été préjudiciables. On pouvait y lire, dans le compte-rendu confidentiel d'un débat de la Commission, comment Mme Bonino s'était opposée (en vain) à l'entrée du maïs transgénique américain sur le marché européen. Mais la commissaire n'avait pas besoin de cette publicité.- Son profil de battante s'était déjà taillé dans les embruns de conflits difficiles sur la pêche et dans ses incursions tonitruantes sur le terrain humanitaire et diplomatique, en particulier au Zaïre et au Rwanda. A coté des réfugiés affamés, c'est la même femme de caract
ère qui devra veiller à la sécurité de notre trop abondante alimentation: un paradoxe mais aussi une garantie.
UNE COHÉRENCE NÉCESSAIRE
Il faut dire que, dans sa Commission affaiblie par la vache folle et par l'image évanescente de nombre de ses membres Jacques Santer n'avait pas trente-six solutions. Il abat donc sonprincipal, sinon son seul joker.
Les sept comités scientifiques qui ont à traiter de santé et d'alimentation seront dorénavant coordonnés par "la Bonino". Certains choix d'experts ont parfois été critiqués ainsi que la prépondérance de scientifiques britanniques: la composition des comités et les modalités de désignation seront revues. Les moyens de controle des décisions prises seront aussi accrus. Mme Bonino pique aussi au commissaire à I'Agriculture, Franz Fischler, très exposé à la critique, la supervision de l'Office d'inspection et de contrôle vétérinaire, qui s'élargira en "Office de contrôle et d'audit de la qualité des produits".
De cette maniera, les organes de législation, qui restent sous la houlette de Fischler, seront séparés des fonctions de contrôle et d'expertise scientifique. La promiscuité qui prévalait a induit des suspicions légitimes sur les priorités accordées aux règles de marché par rapport au principe de précaution sanitaire. Enfin, les avis scientifiques devraient être accessibles en permanence au public.
UNE MESURE PARTIELLE
Ces mesures suffiront-elles à apaiser la colère des députés? On peut en douter. Certaines de leurs exigences sont écartées d'un revers de main par Jacques Santer, en particulier l'idée de réclamer à Londres un remboursement des sommes versées par le budget communautaire pour contrer les effets de la crise de la vache folle. Les mesures annoncées hier ne couvrent d'ailleurs qu'une petite partie des critiques adressées à la Commission. A en croire le porte-parole de Jacques Santer, heureux d'annoncer qu'il n'était pas (encore?) viré, il n'y aurait pas de sanctions administratives. C'est seulement dans le jeu des réaffectations, dans le mois qui vient, que les fonctionnaires seront redéployés sur une base sélective. Certains sont hyperprotégés par leur gouvernement. Ainsi en est-il de Guy Legras, directeur général de l'Agriculture. Selon l'Elysée et le Quai d'Orsay, qui l'apprécient, les fonctionnaires de cette direction générale ont toujours agi sous l'autorité de la Commission et des commissaires. Autrement d
it, si démissions il devait y avoir, ce serait plutôt dans le camp des commissaires qu'elles s'imposeraient. Retour à la case départ de la censure. Une censure dont on apprenait hier qu'elle menaçait aussi le gouvernement Major, en particulier le ministre de l'Agriculture, M.Hogg, qui sera attaqué lundi par le Labour. Un réveil tardif.