BRUXELLES - Le commissaire européen chargé de l'action humanitaire, Emma Bonino, a accusé mardi à Bruxelles le chef des rebelles zaïrois, Laurent-Désiré Kabila, d'avoir transformél'est du Zaïre en "véritable abattoir" et de pas "être à sa place" pour diriger ce pays. "Des violations massives des droits de l'homme ont été perpétrées dans les territoires contrôlés par les rebelles", a déclaré Mme Bonino lors d'une conférence de presse. "Un carnage incompréhensible" s'y est produit et "ces régions ont été transformées en véritable abattoir", a-t-elle ajouté. Soit l'Alliance de M. Kabila "ne contrôle pas ses troupes, soit elle est directement impliquée dans la chasse aux réfugiés hutus", a-t-elle dit, en accusant également les pays voisins, dont le Rwanda, de "ne rien faire" pour empêcher ces actions, "voire de les encourager". "Quelqu'un qui a ce type de palmarès n'est pas à sa place à la tête d'un pays, celui qui est à l'origine de ce massacre ne devrait pas avoir de responsabilités si nous voulons la paix au
Zaïre", a-t-elle ajouté. Mme Bonino a affirmé que l'Alliance faisait de "l'obstruction" systématique aux missions humanitaires dans l'est du Zaïre ainsi qu'à la mission d'enquête de l'ONU dans cette zone. Cette politique est destinée selon elle à empêcher les organisations humanitaires et internationales d'être "les témoins des violations aux droits de l'homme" qui s'y produisent. La mission d'enquête de l'ONU sur les massacres dans l'est du Zaïre est bloquée depuis depuis lundi au Rwanda, les rebelles de Laurent-Désiré Kabila ne l'ayant toujours pas autorisée à se rendre à Goma pour commencer ses investigations sur le terrain, selon un porte-parole de l'ONU à Genève. Formée de rapporteurs spéciaux des droits de l'homme des Nations unies, la mission est arrivée le week-end dernier à Kigali, d'où elle souhaite se rendre le plus vite possible dans l'est du Zaïre, notamment pour y fouiller des fosses communes présumées. Mais les obstacles mis par les rebelles à son travail n'ont toujours pas été levés après plu
sieurs jours de négociations dans la région et depuis Genève. Les rapporteurs des droits de l'homme veulent enquêter dans la région des anciens camps de réfugiés des Nord et Sud Kivu --à Goma et Bukavu notamment--, à la frontière du Rwanda. Ils veulent aussi se rendre au sud de Kisangani, plus à l'intérieur du Zaïre, où des tueries se seraient produites le mois dernier et continueraient en partie aujourd'hui parmi quelque 100.000 réfugiés rwandais qui ont fui depuis octobre l'offensive victorieuse des rebelles. Une réunion du Conseil de sécurité sur les obstacles mis au travail des organisations humanitaires au Zaïre était prévue mardi soir à New York. Selon Mme Bonino, un document à la rédaction duquel elle a participé y sera discuté. "La communauté internationale ne peut plus rester silencieuse", a-t-elle déclaré. S'il n'est pas mis fin au "niveau actuel de violence, il est difficile d'imaginer la stabilité pour le Zaïre", a-t-elle dit, en se montrant cependant pessimiste sur l'envoi d'une force multinatio
nale au Zaïre. "Je ne sais pas si c'est encore possible", a-t-elle dit. Elle s'est déclarée en désaccord avec l'analyse selon laquelle "la bataille pour Kinshasa déterminera l'avenir du Zaïre". "Les événements à l'est sont plus importants pour l'avenir de ce pays".