par Bertrand BOLLENBACH
BRUXELLES - Considéré comme irréversible par les décideurs européens, l'euro est devenu jeudi l'enjeu des préoccupations concrètes des consommateurs, banquiers, industriels et petits commerçants au cours d'une table-ronde organisée à Bruxelles. "La marche en arrière n'est plus possible, elle serait beaucoup trop coûteuse et périlleuse", a déclaré en introduction le commissaire européen aux finances Yves-Tibault de Silguy qui a encouragé ses invités à soulever les questions les plus "terre à terre". Il a été relayé par le commissaire européen pour la politique des consommateurs Emma Bonino qui a souligné que si l'euro était irréversible c'était la qualité des préparatifs concrets qui allait déterminer s'il s'agirait d'un "succès formidable" ou si on allait le "rater". Partant des bases imposées par le traité de l'Union européenne, les invités de la table-ronde -parmi lesquels de nombreux hommes d'affaires britanniques- ont débattu des questions concrètes laissées jusqu'ici dans le vague et sur les quelles la
Commission souhaite que des décisions soient prises en même temps que le choix des pays participants au printemps 98. Si la date d'introduction de l'euro est le 1er janvier 1999 avec la fixation irrévocable des taux de change avec les monnaies participantes, le traité ne prévoit pour la mise en circulation des billets et pièces qu'une date butoir qui est le 1er janvier 2002. Reprenant des objections de commerçants et industriels soulignant que cette date était "mauvaise" car coïncidant avec les fêtes de fin d'année, les inventaires et les changements de prix dûs aux soldes, M. De Silguy a estimé "à titre strictement personnel" que la meilleure période d'introduction pourrait être l'automne 2001. A l'inverse, un homme d'affaires allemand a estimé que la date du 1er janvier avait l'avantage de coïncider avec les exercices comptablesdes sociétés et d'être "parlante". "On pourra toujours discuter de la date idéale, mais ce qui compte c'est d'en fixer une le plus rapidement possible", a-t-il souligné. En ce qui c
oncerne la durée de la période de transition pendant laquelle il y aura la double circulation de l'euro et de la monnaie nationale, le sommet européen de Madrid a fixé une durée maximale de six mois. Mais de l'avis de la grande majorité des intervenants, cette période est trop longue car cela risque de provoquer des surcoûts importants pour le commerce et d'alimenter la confusion du consommateur. M. De Silguy a préconisé de ne pas aller au delà de "quelques semaines". La table-ronde a vu l'opposition entre représentants des organisations de consommateurs et milieux d'affaires sur la nécessité ou non d'une réglementation de la période de transition pour la facturation des transactions bancaires et pour le double affichage des prix. Après le 1er janvier 1999, les citoyens européens pourront choisir d'effectuer certaines transactions en euro ou en monnaie nationale. Les taux de change étant devenus fixes, il n'y aura plus de risque pour les banques mais il existera toujours des coûts de manipulation dont les dé
bats ont fait ressortir qu'ils devraient être plus ou moins imputés sur l'utilisateur. Quant au double système de prix censé être utilisé après l'introduction des billets et pièces, si les organisations de consommateurs tiennent à ce qu'il dure six mois -trois mois avant et trois après-, les milieux d'affaires ont fait valoir qu'il serait très difficile à réaliser dans nombre de secteurs (taxis, pompes à essence etc). Les intervenants ont fait écho à la proposition de Mme Bonino de faire passer l'information sur l'euro à un stade plus organisé et imaginatif. Le commissaire européen a ainsi recommandé l'introduction de jouets faisant intervenir l'euro, sa mention dans les nouveaux manuels scolaires, la diffusion de calculettes euro-monnaie nationale et l'organisation de simulations dans le grand commerce.