AFGHANISTAN: VISITE MOUVEMENTÉE POUR EMMA BONINO

Prendre une photo peut nuire à la liberté! Emma Bonino l'a appris à ses dépens, lundi matin, à Kaboul, où le commissaire européen chargé de l'aide humanitaire et les membres de sa délégation ont été interpellés par les taliban pour avoir pris des photographies de femme. Un geste qualifié d'illégal qui a pris la tournure d'une bavure. Après avoir été retenue durant trois heures à un poste de police de Kaboul, Emma Bonino a finalement été relâchée.

Ils ont pris en photo des femmes, enfreignant ainsi nos lois et règlements et c'est pour cette raison qu'ils ont été interpellés, déclarait un responsable de la sécurité suite à cette arrestation. Dans les deux tiers du pays contrôlés par les milices islamistes, les femmes n'ont plus le droit à l'éducation et au travail, et elles sont obligées de porter un voile qui les couvre entièrement, en vertu des préceptes de la charia, la loi islamique.

Arrivée dimanche à Kaboul, la délégation devait évaluer les besoins de la capitale afghane ravagée par la guerre. Elle devait également évoquer la situation des hommes et des femmes ainsi que celle des droits de l'homme et examiner l'aide européenne à la lumière de la politique menée par les taliban à l'égard des femmes. Un élément clé de cette visite est de faire comprendre aux taliban que leur politique discriminatoire est inacceptable, et de leur montrer que nous faisons pression, déclarait un responsable.

De tels propos ont-ils mis le feu aux poudres? Toujours est-il que, l'incident clos, le commissaire a eu les entretiens prévus au ministère des Affaires étrangères. Elle a reçu des excuses sur place et elle pourra continuer sa mission sans aucun problème, a déclaré le porte-parole de la Commission Klaus van der Pas. Tout le monde ne l'a pas pris sur ce ton: pour Klaus Klinkel, le ministre allemand des Affaires étrangères, l'interpellation du commissaire européen témoigne d'un mépris cynique et constitue une gifle.

Dans le même temps, les taliban expulsaient d'Afghanistan trois membres de l'ONU pour avoir boycotté une réunion au cours de laquelle une femme de leur délégation avait reçu l'ordre de s'exprimer dissimulée derrière un rideau, a-t-on appris de sources onusiennes à Islamabad. Curieuse entrée en matière pour les taliban, qui réclament d'occuper le siège de l'Afghanistan à l'Assemblée générale des Nations unies, affirmant qu'il s'agissait de leur droit légitime. Le siège de l'Afghanistan à l'ONU est toujours occupé par des représentants de l'ancien gouvernement du président Rabbani, renversé le 27 septembre 1996. Mais le régime des taliban n'a été reconnu que par le Pakistan, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.

Sur le plan militaire enfin, les taliban ont revendiqué la prise de l'aéroport de Mazar-i-Sharif, jusqu'alors tenu par les forces de l'opposition, dans le nord de l'Afghanistan. Au cours de l'attaque, 12 soldats de l'opposition ont été tués et 25 autres capturés. Les milices islamistes, qui avaient déjà conquis l'aéroport au début septembre pour le perdre peu après, déplorent la mort de trois de leurs combattants. (D'après AFP et Reuter.)