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Conferenza Emma Bonino
Partito Radicale Alberto - 17 marzo 1998
54ème session de la Commission des Droits de l'Homme
Genève, 17 mars 1998

Intervention de Mme EMMA BONINO

Monsieur le Président,

Madame le Haut Commissaire,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi tout d'abord de souligner que c'est pour moi un privilège de

représenter la Commission Européenne à ce rendez-vous annuel; et de surcroît

dans une année si symbolique pour la défense des Droits de l'Homme.

Je voudrais aussi exprimer d'emblée le souhait que cet anniversaire ne se

traduise pas que dans une théorie de célébrations auto-référentielles, tout au

long de l'année.

Cinquante ans écoulés, depuis la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme,

cela fait un demi-siècle: des décennies qui auront marqué une avancée

spectaculaire pour l'humanité dans presque tous les domaines: de l'économie à la

technologie, de l'information à l'espace.

Pourtant, nous en sommes toujours, après un demi-siècle, à dénoncer des

violations massives des droits de la personne aux quatre coins de la planète et

la souffrance infinie des plus vulnérables : enfants, femmes et vieillards. A

cet égard, c'est un bien sombre anniversaire que nous célébrons aujourd'hui.

Il vaut mieux, je crois, saisir cette occasion pour effectuer un examen de

conscience et surtout un examen de notre conduite, dans l'espoir de rendre notre

action future plus efficace. Il faut re-examiner notre conduite à la fois dans

le contexte des principes d'universalité et d'indivisibilité - énoncés dans la

Déclaration de 1948 et développés à travers les Pactes - et par rapport aux

priorités fixées par la Conférence Mondiale de Vienne de 1993.

* * *

Pour ce qui est de l'Union Européenne, liberté, démocratie, respect des Droits

de l'Homme et des libertés fondamentales, Etat de droit, constituent autant de

principes fondateurs de l'Union et de chacun de ses Etats-membres.

En réaffirmant en 1997 l'ensemble de ces principes, le Traité d'Amsterdam a

attribué au Conseil la possibilité de déterminer - et éventuellement de

sanctionner - l'existence d'infractions "graves et continuelles" dans ce domaine

de la part d'un Etat-membre. C'est à dire que, loin de nous considérer exempts

d'erreurs ou de péchés, nous avons ressenti le besoin de placer - pour ainsi

dire - la barre assez haute, en nous engageant par ce traité à respecter les

droits de l'homme et les libertés démocratiques, qui seules garantissent

l'espace dans lequel ces droits s'exercent. Quoiqu'il arrive, dans n'importe

quel Etat-membre, il n'y aura pas d'exception au respect de ces principes.

Voilà ce qui nous permet, dans le processus d'élargissement de l'Union qui

s'entame, d'exiger, de la part des pays candidats à l'adhésion, le respect des

règles de la démocratie et notamment des droits de l'homme comme l'une des

conditions auxquelles on ne peut pas renoncer. Pour être membre de notre famille

européenne il faut pouvoir garantir et maintenir l'existence d'un Etat de droit,

dont les institutions démocratiques soient solides et où toute les minorités -

ethniques, nationales, religieuses, etc. - se sentent respectées. C'est avec ce

message que l'Union s'ouvre à ses voisins.

* * *

Ce sont les mêmes principes qui sont à la base de toute relation avec les pays

tiers. L'Union considère en effet le respect et la protection des droits de

l'homme comme des éléments essentiels dans ses relations avec les pays tiers, et

notamment dans ses relations contractuelles qui sont gérées par la Commission

Européenne, responsable à la fois de la négociation des accords et de la gestion

des mécanismes d'assistance financière.

La promotion des droits de l'homme et des principes démocratiques restera parmi

les pierres angulaires de la nouvelle Convention de Lomé - dont les négociations

vont être lancées prochainement - entre l'Union et 71 pays d'Afrique, des

Caraïbes et du Pacifique.

Dans l'ensemble des accords entre l'Union et ses partenaires, les droits de

l'homme et la démocratie deviennent désormais des ingrédients incontournables,

parmi les sujets d'intérêt commun. Cela est également vrai des instances de

dialogue politique, bilatéral et multilatéral: qu'il s'agisse de pays qui

partagent l'ensemble de nos principes et valeurs ou de pays dont les

institutions et les cultures juridiques s'éloignent de nos paramètres.

Dans tous les cas, l'Union s'efforce, notamment dans le cadre de l'assistance au

développement, de promouvoir le respect des droits de l'homme en envisageant et

en mettant en application des "mesures positives" conçues pour renforcer

l'indépendance du pouvoir judiciaire et des institutions parlementaires, pour

garantir des processus électoraux ou bien pour consolider la liberté

d'expression et celle de la presse .

* * *

L'Union Européenne, qui a toujours soutenu activement par son action

internationale l'esprit et la lettre de la Charte des Nations Unies et de la

Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, s'inspire aussi dans son action

ponctuelle du cadre de priorités fixé en 1993 à Vienne par la deuxième

Conférence Mondiale sur les Droits de l'Homme.

Elle s'efforce, dans ce cadre, d'apporter au travail de tous les organismes

internationaux, régionaux et non-gouvernementaux chargés de la défense des

droits de l'homme, la plus efficace des contributions possibles.

Cela vaut pour les contributions financières, qui placent l'Union parmi les

principaux bailleurs de fonds des activités en faveur des droits de l'homme.

Mais cela vaut aussi pour l'action politique d'appui, sans faille, à l'action de

toutes les agences et instances onusiennes qui sont en première ligne dans ce

domaine : qu'il s'agisse du Haut Commissaire pour les Droits de l'Homme - dont

je salue ici l'action vigoureuse -, de l'action de protection de l'UNHCR, des

Tribunaux ad hoc pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.

Un exemple éloquent de cette action est le rôle joué par l'Union en faveur de

l'institution d'une Cour Pénale Internationale permanente, pour laquelle cette

année sera cruciale. Il s'agit là d'une cause qui témoigne de la volonté de ne

pas se résigner à toutes les horreurs de la guerre contemporaine et notamment de

se battre contre l'impunité vis-à-vis des massacres de personnes sans défense,

des déportations, des camps d'extermination, des épurations ethniques, des

tortures, des viols; bref, contre la terreur utilisée pour briser la résistance

des collectivités. La Conférence diplomatique qui s'ouvre à Rome au mois de juin

prochain est appelée à décider l'établissement de cette nouvelle instance

juridictionnelle. Je dis bien : à décider, pas à marquer une énième étape

procédurale après de longues années de pourparlers et négociations. Peut-on

imaginer une meilleure contribution au 50ème anniversaire que nous célébrons

aujourd'hui ?

* * *

Tout cela étant, il serait une imposture d'affirmer que le respect des droits de

l'homme se propage dans le monde sans difficultés majeures. Mon expérience de

Commissaire européen à l'aide humanitaire, qui m'oblige à confronter tous les

jours les intentions et les déclarations du dimanche avec la réalité du terrain

de tous les jours, ne me permet pas d'être optimiste.

On sera tous d'accord depuis cette tribune - à quelques nuances près - pour voir

dans le respect des droits de l'homme l'une des conditions préalables "les plus

propices à la paix, à la sécurité, à la démocratie et au développement" - je

cite ici le dernier Conseil Européen. Pourtant, trop souvent par ailleurs, on

écoute avec bienveillance les propos de ces dirigeants de pays issus d'un

conflit, qui nous expliquent que pour créer les conditions les plus propices à

la paix, à la sécurité et au développement ils sont obligés de mettre les droits

de l'homme entre parenthèses - ou de les violer tout court. Ces dernières

années, on a entendu souvent ce "leitmotiv" et on l'entendra - je le crains -

encore.

Pourquoi on arrive si rarement à conjuguer les principes, la morale, avec

l'exercice de la diplomatie? C'est la Realpolitik, on répond à chaque fois;

c'est la recherche du réalisme qui nous impose de donner la priorité aux

intérêts des Etats par rapport aux valeurs, soient-elles universelles.

Même le régime autoproclamé des Taliban, qui d'après Madeleine Albright "is

determined to drag Afghan women from the dawn of the XXI century back to the

XIII", même ces fanatiques qui transforment leurs obsessions en lois, ont réussi

à jouir de la bienveillance de certains adeptes de la Realpolitik. Il aura fallu

une campagne internationale d'opinion pour qu'on se rende enfin compte, aussi

dans quelques chancelleries, qu'à Kaboul, en privant l'univers féminin de ses

droits, on bafoue - par la loi - la Déclaration Universelle des Droits de

l'Homme, en ressuscitant au passage les fantômes de l'apartheid et de

l'esclavage.

Je reste, en ce qui me concerne, une adepte de l'Idéalpolitik: d'une diplomatie

solidement ancrée dans la morale, la seule que l'on peut toujours expliquer et

défendre, la tête haute, devant les Parlements et l'opinion publique.

 
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