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Conferenza Emma Bonino
Partito Radicale Maria Federica - 7 dicembre 1999
Emma Bonino, une Européenne en campagne contre les » couloirs de la mort Emma Bonino - Le Monde (Horizons) - Samedi 4 décembre 1999 Emma Bonino, ancien commissaire européen à l'aide humanitaire, a rencontré, aux Etats-Unis, des condamnés à la chaise électrique qui attendent leur exécution. Militante de l'abolition de la peine capitale, elle livre au » Monde ses impressions. Il faut aller dans les prisons américaines , m'ont conseillé un jour les amis du bureau de New York de » Ne touchez pas à Caïn , une ONG (organisation non gouvernementale) internationale fondée par les radicaux italiens en 1993 et reconnue par les Nations unies. » Il faut parler à ces hommes et ces femmes morts-vivants, pour comprendre et pouvoir secouer les consciences, pour seconder la bataille des abolitionnistes américains. J'ai suivi ce conseil. Voici quelques-unes de mes impressions et des émotions suscitées par ce voyage insolite de l'Illinois à la Floride. L'abolition de la peine de mort - encore appliquée par
soixante-douze pays - énième manifestation d'arrogance du Nord vis-à-vis du Sud ? Les défenseurs de cette thèse seraient surpris de savoir que j'ai personnellement enregistré au cours de cette campagne, à laquelle j'ai consacré l'essentiel de mon temps ces derniers mois, les convictions abolitionnistes d'Abdelaziz Bouteflika, du président malien Alpha Oumar Konaré, du premier ministre marocain Abderrahmane Youssoufi, du chef de la diplomatie sénégalaise, le juriste Jacques Baudin. Parmi d'autres. Mais que dire de l'attachement à la peine de mort des représentants des Etats-Unis, pays symbole de la démocratie libérale et de l'état de droit et pays dont l'opinion, les juristes et même les politiques sont déchirés par cette question ? Pourra-t-on un jour faire basculer Washington dans le camp abolitionniste ? La Cour suprême fédérale qui avait affirmé l'inconstitutionnalité de la peine capitale en 1972 est revenue sur ce jugement en 1976, en l'annulant. Depuis lors, trente-huit des cinquante et un Etats amé

ricains ont rétabli la peine capitale dans leur législation, même si vingt-huit seulement exécutent les condamnations. Comme me le disait cet avocat rencontré à un colloque sur la peine capitale organisé par la Columbia University de New York : » Notre justice rappelle la roulette russe. Pour un même crime, on peut vivre ou mourir. Il suffit de se "tromper d'Etat" de naissance ou de résidence. La plus importante association américaine d'avocats, l'» American Bar Association , constatant le nombre alarmant d'erreurs judiciaires, a demandé elle aussi un moratoire des exécutions. Tout au long de ma carrière politique, les visites volontaires et involontaires de prisons, y compris aux Etats-Unis, ont été assez nombreuses ; cependant, jamais je n'avais vu quelque chose de comparable à la Cook County Jail, angoissante » ville carcérale près de Chicago, habitée par dix mille détenus et leurs gardiens : le plus grand pénitencier américain. Dans une petite bibliothèque située au coeur de cet épouvantable labyr

inthe éclairé au néon, je rencontre, pour la première fois de ma vie, un homme condamné à mort, Edgar Hope. Mains et pieds dans les fers, Edgar est un Noir au physique solide mais au regard éteint. Il a quarante ans, dont dix-huit vécus dans le » couloir de la mort , après sa condamnation pour avoir abattu un policier. » Votre visite est un véritable événement, explique Edgar, car d'habitude ma femme est la seule personne qui vient ici, quand elle peut. Sa femme, c'est une fille qui vit à New York, épousée en prison il y a deux ans, après une longue correspondance entamée à l'aide d'un cousin. Morne mais pas résigné, Edgar nous raconte l'histoire de deux compagnons qu'il a vu sortir vivants du » couloir , innocentés : Carl Lawson en 1996 et Anthony Porter en février 1999. » Porter dut attendre jusqu'à la veille de son exécution pour que l'on reconnaisse son arriération mentale et qu'on lui accorde une suspension de peine. Grâce à quoi, le vrai responsable du crime qu'on attribuait à Porter s'est confes

sé un jour à la télé. Nous avons tous été très heureux pour lui. Espoirs et remords se nourrissent réciproquement dans ces vies suspendues. » Je n'ai pas encore trouvé quelqu'un capable de comprendre, de l'extérieur ce qui se passe dans la tête d'un homme qui a rendez-vous avec le bourreau. Tout d'abord, j'ai de plus en plus de mal à me reconnaître dans le voyou de vingt-deux ans, vraie bête dangereuse, que j'étais au moment de mon crime. D'ailleurs, dès le moment de mon arrestation et des années durant, aucun des châtiments, aucune des humiliations que l'on inflige à ceux qui tuent un policier ne m'ont été épargnés. Y a-t-il quelqu'un, en dehors de l'aumônier, disposé à croire qu'il nous arrive de penser de manière obsessionnelle à nos victimes et de rêver d'une chance de nous racheter ? ON change de salle, mais je me retrouve à nouveau face à un homme noir aux fers, Victor Stafford, vingt-neuf ans, que tout le monde appelle » Cortez Brown , nom et prénom qu'il déclara aux policiers en 1989 et qui

sont restés dans les actes d'un procès à l'issue duquel il a été condamné pour avoir tué deux garçons de son âge au cours d'un affrontement entre gangs de quartier. » Mon procès ? J'avais un avocat d'office, obligé de suivre, je n'exagère pas, une cinquantaine d'affaires à la fois. Il n'a jamais trouvé le temps de rester à une audience jusqu'au bout, ni de consulter un seul témoin. Cortez a déjà vu partir deux voisins de cellule vers la chambre de la mort en 1995, James Free et Hernando Williams. » Hernando m'a fàit jurer de ne pas accepter mon destin. Et je vis, cramponné à ma fille de dix ans, pour laquelle je me suis converti à l'islam, et à mon assistante sociale, Lillie Muhammad, qui par miracle a réussi à faire accepter une demande de révision du procès. J'arrive en Floride le 10 novembre pour me rendre à la Broward Correctional Institution, pénitencier féminin construit dans la banlieue de Miami. Nous avons rendez-vous, moi-même et un petit groupe de journalistes, avec la détenue noire Andrea J

ackson, quarante et un ans, condamnée pour avoir tué un agent de police en 1983. Les gardiennes à l'air très sévère qui nous accompagnent ne cachent pas leur étonnement. Pourquoi venir d'Europe pour cette prisonnière si » normale , qui n'a jamais fait la une des journaux ou du petit écran ? LE personnage nous apparaît, en revanche, très inattendu, voire déroutant. Andrea Jackson a le corps d'une athlète ( » J'attends la mort en pratiquant toutes sortes de gymnastique ), elle aime, à la différence de tous les reclus, la solitude ( » Je suis ma compagne préférée et J'arrive à peine à tout faire : ménage, gymnastique, correspondance, la télé et surtout l'étude continuelle du dossier de mon procès. En quinze ans, j'ai déjà déposé cinq recours et obtenu, à l'aide d'un avocat bénévole, la suspension de mon exécution, déjà fixée. ), elle est heureuse de devenir grand-mère dans quelques mois, mais elle décourage les visites familiales ( » Trop de dépenses pour eux et trop de stress pour tous. ) Andrea aussi

garde avec son passé un rapport assez flou : » Quand je raconte mon crime, je ne sais plus si j'utilise mes propres souvenirs ou ceux que la relecture du dossier a imprimé dans ma mémoire. A l'époque, je me bourrais de drogues et d'alcool. Je me rappelle avoir résisté vivement à la tentative des policiers de me flanquer dans leur bagnole. J'ai abattu un flic et on m'a accusé de préméditation. Un meurtre prémédité en pleine rixe ? » Je n'ai pas peur de mourir, nous assure Andrea, mais je me bats bec et ongles pour vivre et contre cette supercherie, cette cruauté inutile qu'est la peine de mort. Depuis 1979 en Floride, quarante-quatre personnes ont déjà été exécutées, dont Judy Buenoano, en mars 1998, qui était une voisine d'Andrea Jackson. » Rien que pour attacher Judy à la chaise électrique, qu'ils appellent "Old Sparky"', Vieille Etincelle, ils lui ont cassé plusieurs côtes. Puis ils l'ont brûlée, comme un fusible. Tout le monde dit que ce fut long et horrible. Les témoins confirment que le suppl

ice de Judy Buenoano a constitué un nouvel épisode dans le roman noir de » Old Sparky . En 1997, le masque de tissu éponge qui comprimait le visage du condamné Pedro Medina prit feu, ce qui était déjà arrivé en 1990. En juillet dernier, l'affreuse agonie d'Allen Lee Davis - une séance de » torture à mort - a poussé un juge de Miami à faire circuler les images de cette horreur sur Internet. Un recours a été déposé auprès de la Cour suprême dénonçant l' » inconstitutionnalité de la chaise électrique pour son inhumanité. Les autorités de Floride ont suspendu les exécutions à l'électricité en attendant le verdict, mais elles disposent de toute façon d'une alternative avec l'injection létale. » Certes, ironise Andrea avant de rentrer dans sa cellule et dans sa carapace, mieux vaut être empoisonnée que grillée. D'ailleurs, dans ce pays, même les chiens à abattre ont droit à l'euthanasie. Mais il faudrait se rendre compte que donner la mort ne peut pas être un acte de justice. Oui, j'ai tué. Mais à un moment

où mon esprit était brumeux. Et j'ai demandé pardon à la famille de ma victime. Eux, ils tuent avec l'esprit le plus lucide du monde et dorment tranquillement. Je quitte Miami en passant par le bureau du professeur Gerlad Kogan, à la faculté de droit. Ce charmant septuagénaire, après une vie consacrée à l'administration de la justice, y compris comme Chief Justice et membre de la Cour suprême de Floride ( » Combien de fois ai-je demandé - et obtenu - l'application de la peine capitale ! ), a vécu une crise qui a fait de lui le plus prestigieux et le plus encombrant des abolitionnistes de Floride. Sa conversion ? » Elle est arrivée, raconte -t -il, en lisant les résultats d'une recherche sur les conséquences de l'utilisation par la justice américaine des tests génétiques durant ces dix dernières années. Grâce aux analyses d'ADN, plusieurs condamnés déjà assignés aux "couloirs de la mort" ont été innocentés. J'ai perdu le sommeil. Combien de vies aurait-on pu sauver si seulement ces tests d'ADN avaient é

té disponibles cinquante, quarante ou même vingt ans plus tôt ? Et combien d'innocents risquons-nous de tuer parmi les trois mille cinq cent soixante-cinq condamnés d'aujourd'hui ? Il faut simplement arrêter tout cela. Car on peut toujours réparer une erreur judiciaire en ouvrant la porte d'une cellule et en libérant l'innocent. Mais on ne peut pas ôter le couvercle d'un cercueil et dire au mort : "Sorry, vous pouvez rentrer chez vous maintenant". Emma Bonino

 
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