SOMMAIRE: Rejoignant la position française, les chrétiens-démocrates ont présenté hier un document favorable

à une Union européenne »à plusieurs vitesses .

(Libération, 2-9-94)

Sous le titre Réflexions pour une politique européenne, le Parti chrétien-démocrate (CDU) du chancelier Kohl a publié hier un vigoureux plaidoyer pour une Europe à »géométrie variable . Présentée comme sésame pour un élargissement d'ici l'an 2000 de l'Union européenne aux pays d'Europe de l'Est et pour insuffler un »nouvel élan à l'Europe, l'expression est si nouvelle, à ce niveau politique en Allemagne, qu'elle figure en français dans le texte. »La méthode de la "géométrie variable" devrait être institutionnalisée, de sorte que les pays volontaires et capables de poursuivre leur coopération et l'intégration plus avant que d'autres ne puissent pas être bloqués par les droits de veto d'autres pays membres , affirme le document.

Rédigé par une brochette de députés CDU et CSU (le pendant bavarois de la CDU), ce texte n'exprime pas officiellement l'opinion du gouvernement, mais pèse du poids du député qui l'a présenté hier, le président du Groupe parlementaire chrétien-démocrate Wolfgang Schäuble, souvent considéré comme dauphin de Kohl. Jouant de la liberté que lui permet ce statut ambivalent, le texte nomme aussi pour la première fois les pays habilités, selon lui, à former le »noyau dur de l'UE: l'Allemagne, la France, les Pays-Bas, la Belgique et le Luxembourg. D'autres Etats, telles l'Italie, l'Espagne ou la Grande-Bretagne pourraient rejoindre ce »noyau , estime le document, à condition qu'ils aient résolu »leurs problèmes actuels et en manifestent un réel désir.

Deux jours après qu'Edouard Balladur eut qualifié la géométrie variable de »vraie réponse au débat entre approfondissement et élargissement (lire également en pages Evénement), cette prise de position allemande peut se lire comme un »rapprochement de Bonn vers Paris, estimait hier un diplomate allemand. »Jusqu'à présent, nous avons toujours défendu l'idée qu'élargissement et approfondissement de l'Union pourraient et devraient aller de pair , poursuit-il, rappelant que les expressions »Europe à plusieurs vitesses ou »à géométrie variable étaient jusqu'à présent étrangères au vocabulaire officiel allemand.

L'impatience allemande d'ouvrir l'Union à l'Europe de l'Est oblige pourtant à certains »ajustements réalistes , déjà perceptibles cet été dans la bouche de Klaus Kinkel, reconnaissait hier un diplomate. Le 24 août, le ministre avait lui aussi employé, sans doute pour la première fois, l'expression »noyau fort de l'Europe , tout en maintenant que »notre préférence reste de garder »à bord »tous les douze puis les seize membres de l'Union (les 12 plus l'Autriche, la Suède, la Norvège et la Finlande, qui doivent adhérer le 1er janvier 1995). L'autre forte nouveauté du document de la CDU est de dater à l'an 2000 l'adhésion à l'UE de la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie ainsi que de la Slovénie. De l'avis de diplomates, cette date n'est toutefois qu'un étendard destiné à manifester la résolution de Bonn pour un élargissement qui figure, sans date, parmi les priorités de l'actuelle présidence allemande de l'Union européenne.

L.M.