(Agence EUROPE, 26-8-94)

Emanuele Gazzo est décédé ce jeudi 25 août dans la matinée, à la suite de complications pulmonaires dans le contexte d'un affaiblissement général. Il avait 86 ans. Dans notre bulletin du 21 juillet, il avait publié le dernier de ses éditoriaux qui ont pratiquement accompagné l'histoire de l'intégration européenne depuis que la Communauté existe; ainsi, jusqu'au dernier mois de sa vie il avait commenté et expliqué les cheminements et les avatars de la construction européenne; il était resté jusqu'à la fin parfaitement lucide et combatif, ses derniers éditoriaux sur la désignation de Jacques Santer comme futur président de la Commission européenne sont apparus comme une contribution essentielle à la clarté du débat dans cette affaire importante et délicate.

La construction européenne, parmi ses difficultés et obstacles, a toujours eu une chance: de disposer d'hommes exceptionnels entièrement dévoués à sa cause, Robert Schuman, Konrad Adenauer, Alcide de Gasperi, Paul-Henri Spaak, Jean Monnet, et ainsi de suite jusqu'à Jacques Delors. Emanuele Gazzo appartenait à la même race. Les qualités intellectuelles ne sont pas suffisantes pour jouer un tel rôle: il faut aussi la force morale, le courage, la ténacité, la générosité. Emanuele Gazzo a prouvé qu'il les avait. Ses éditoriaux ne se limitaient pas à commenter et expliquer; ils avaient aussi le caractère d'une impulsion à agir, ils redonnaient de l'espoir dans les moments difficiles, ils ont sans doute suscité quelques vocations et d'une façon ou d'une autre, ont eu une influence sur le déroulement des événements. Pour raconter et comprendre la construction de l'Europe au jour le jour, les historiens de demain mettront sur le même plan la documentation disponible et les milliers d'éditoriaux de M. Gazzo, publiés

dans cette même page à peu près chaque jour depuis le début de 1961, d'abord sous la forme de "notes et commentaires", ensuite à partir d'octobre 1966 sous la forme d'éditorial, laquelle a été maintenue jusqu'en juillet dernier.

Quel que soit le vide laissé par la disparition d'Emanuele Gazzo, l'Agence EUROPE poursuivra son action, qui est avant tout d'informer les milieux intéressés et l'opinion publique sur les affaires européennes. Nous n'avons pas attendu les débats sur la "transparence" pour la pratiquer sur le terrain; et nous continuerons à le faire, sans parti pris, en toute indépendance. Mais on ne remplace pas Emanuele Gazzo: il n'y aura plus, dans la première page de l'Agence EUROPE, l'éditorial auquel les abonnés étaient habitués. Cette formule d'un commentaire quotidien lui appartenait; il y aurait quelque indécence à vouloir la maintenir. L'Agence EUROPE utilisera à l'avenir d'autres formules pour prendre position, en dehors de l'information qui - elle - sera complète, neutre et objective, lorsqu'elle l'estimera nécessaire. D'autres formules, car - répétons-le - on ne remplace pas Emanuele Gazzo.

Ferdinando Riccardi

Emanuele Gazzo était né à Gênes (Italie) en 1908. Marié depuis 1942 avec Maria Ferrera il avait deux filles, Matina (rédactrice en chef adjointe de l'agence EUROPE) et Lidia, collaboratrice, et une petite-fille, Francesca. Il était devenu journaliste Professionnel en 1945. Il militait déjà dans les organisations fédéralistes, sans toutefois s'affilier à aucun parti.

En 1953, il a participé à la création à Luxembourg de l'agence EUROPE, dont il a été successivement rédacteur en chef, directeur général et vice-président délégué, ainsi qu'éditorialiste sans interruption.

Il a notamment obtenu le Prix du journalisme européen 1967, la médaille d'or au mérite européen en 1973, le prix Joseph Bech en 1980, le prix Européen Bentinck en 1981, le prix "journaliste européen" de l'Union des Fédéralistes en 1982, la plaque du mouvement Européen en 1989.

La rédaction et le personnel de l'AGENCE EUROPE ainsi que le personnci de L'IMPRIMERIE DE L'EUROPE s'associent à la douleur de la famille en cette heure triste.