par Lucas Delattre

SOMMAIRE: Dans un communiqué publié vendredi 2 septembre, le ministre des affaires étrangères allemand Klaus Kinkel, par ailleurs président du Parti libéral FDP, a pris ses distances avec les options européennes de ses partenaires chrétiens-démocrates. Ceux-ci avaient proposé, jeudi, (le Monde du 3 septembre) un plan visant à mettre en place rapidement une » Europe à géométrie variable , articulée autour d'un petit

» noyau dur de cinq pays, excluant notamment l'Italie.

(Le Monde, 5-9-94)

» Oui à une Europe forte et capable d'agir. Mais celle-ci ne doit pas se limiter à un petit groupe d'Etats au sein de l'Union européenne : cette mise au point de Klaus Kinkel relance vivement le débat sur l'avenir de l'Europe au sein de la coalition au pouvoir à Bonn. Dans un geste inhabituel, le ministre des affaires étrangères affiche ainsi son désaccord avec les dirigeants parlementaires chrétiens-démocrates de la CDU-CSU, auxquels il reproche d'utiliser les termes d'» Europe à géométrie

variable et d'» Europe à plusieurs vitesses , » qui sont chargés de trop de concepts ne correspondant pas à notre politique européenne .

Ces nuances d'interprétation entre les partis au pouvoir à Bonn sont nouvelles. Il existe en effet, comme le rappelle Klaus Kinkel lui-même, un large » consensus au sein de la coalition sur les questions européennes, que le ministre estime menacé par la nouvelle initiative de la CDU-CSU. Celle-ci, selon lui, ne représente qu'une » proposition parmi d'autres et n'engage que la responsabilité de ses auteurs.

Invité à s'exprimer sur le sujet, le porte-parole du gouvernement de Bonn, Dieter Vogel, n'a pas, pour sa part, constaté de » divergences avec le document des élus de la CDU-CSU, tout en soulignant que la préparation de la conférence intergouvernementale européenne de 1996 susciterait » bien d'autres contributions de ce genre .

Pas d'exclusive

Sans doute Klaus Kinkel souhaite-t-il rappeler sa prééminence en matière de politique étrangère, à moins de deux mois des élections générales et alors que le parti qu'il préside, le FDP, est traversé par de graves interrogations sur son avenir. Mais il cherche aussi à rassurer les capitales de pays aussi importants que l'Italie, exclus du » noyau dur de la future Europe telle que la conçoivent les chrétiens-démocrates : » Nous avons lié notre présidence européenne à celle de la France, mais aussi à celles de l'Espagne et de l'Italie, qui vont suivre [...] Je tiens à le répéter, étant donné tout ce qui peut être dit et prêter à malentendu sur le rôle de la France et de l'Allemagne.

L'Europe, selon Klaus Kinkel, ne doit pas comprendre de

» noyau dur à caractère exclusif, même s'il est le premier à vanter, en d'autres occasions, le » rôle moteur de la France et de l'Allemagne en Europe, et qu'il est partisan du renforcement de l'intégration des pays qui souhaitent » aller plus vite que les autres . Il rappelle, dans son communiqué, tout l'espoir qu'il place à l'entrée dans l'Union, au Ier janvier 1995, des nouveaux pays membres que sont la Suède, la Norvège, la Finlande et l'Autriche. Ceux-ci pourraient être tentés de dire non à l'Europe s'ils avaient le sentiment, par avance, d'être exclus du » noyau dur .

Pour le ministre allemand, l'Europe doit être entendue au sens large, et s'il accepte de parler de » noyau , c'est pour dire que » l'Union européenne doit être le noyau de l'Europe . En d'autres occasions, Klaus Kinkel avait déjà parlé d'une Europe » conçue comme un tout , une » Gesamteuropa baignée au nord par la mer Baltique et au sud par la Méditerranée, et dont la frontière orientale s'arrêterait à la Russie.

Lucas DELATTRE