COMMUNICATION INTERNATIONALE ET AVENIR DES LANGUES ET DES PERLERS EN EUROPE, Andrea Chiti Batelli, Presses d'Europe, Nice 1987
Comment résister à la marée noire de l'anglais, qui réduira bientôt les autres langues européennes au rang de dialectes, antichambre de l'extinction.
Seule une stratégie apparaît gagnante: celle qui mise d'une part sur la création d'une puissance - l'Europe politique - capable de contrecarrer celle des Etats-Unis; et d'autre part sur l'adoption d'une langue planifiée, plus apte à s'opposer à l'anglais, à la fois de par sa facilité - qui permet de l'apprendre en au moins cinq fois moins de temps que l'anglais ou le français - et par sa "neutralité" (structure non flexionnelle mais plutôt agglutinante, voire isolante) qui la rend plus accessible aux pays du Tiers-monde, d'Afrique et d'Asie. Un tel idiome est l'Espéranto, la seule langue planifiée prête à être employée, hic et nunc, et qui a en plus l'avantage de constituer, grâce à sa rationnalité, un excellent moyen pour l'apprentissage des langues vivantes. C'est donc à partir de l'Espéranto - et d'aucune autre manière - qu'on pourra préserver le pluralisme linguistique de l'Europe, et par là l'héritage culturel de notre continent. Seule en effet une 'lingua franca' n'étant maternelle pour pers
onne met non seulement tout le monde sur un pied d'égalité, et permet d'éviter toute hégémonie, mais aussi ne possède pas - et c'est là l'essentiel - l'effet "glottophage" et par là "culturophage", qui est fatalement le propre de toute langue vivante assurant une telle fonction.
Toutefois, la force de l'anglais est désormais telle, et ses adeptes si nombreux et puissants (la politique des langues du Conseil de l'Europe en est un exemple frappant) que seulement l'Union politique de notre Continent pourra donner à ses peuples la force politique pour réaliser l'objectif que nous proposons - substituer à l'anglais une 'lingua franca' planifiée - qui représente le choix de politique culturelle le plus important de cette fin de siècle: c'est en effet la survie même de nos différentes Weltanschauung et ways of life qui en dépend.
Or l'Europe n'est pas encore unie en Etat fédéral, et il est fort probable que sa division continue encore, dans un proche avenir. L'Europe manque donc pour l'instant de la volonté politique nécessaire pour s'engager sur ce chemin. En attendant, force nous est donc de nous en tenir à un objectif plus modeste, celui suggéré, dans le domaine de la didactique des langues, par l'Institut de Cynerbétique de l'Université de Pader-born: l'usage de l'Espéranto, non comme fin en soi - c'est-à-dire comme 'lingua franca' - mais seulement comme instrument propédeutique dans l'enseignement des langues vivantes: usage dont les cybernéticiens allemands ont prouvé, par des expériences rigoureuses, les grands avantages didactiques. Les pédagogues et les "glottodidactes" ont, à dessein, entièrement méconnu et oublié cette suggestion. Il est bon donc, comme l'auteur s'efforce de le faire, de la mettre au tout premier plan.