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Federalismo Servizio - 25 settembre 1994
Brian BEEDHAM sur le document CDU

Le débat sur l'Europe a deux vitesses

EVITER LE FACE-A-FACE AVEC L'ALLEMAGNE

par Brian BEEDHAM, membre du Comité éditorial de "The Economist"

Le Monde, Espace européen, samedi 24 septembre 1994

Dans l'Europe en train de se construire, c'est la France qui a le rôle le plus important, mais pas celui, hélas, qu'elle aimerait jouer. Les Français, en effet, doivent revoir des certitudes vieilles de quarante ans sur leur position en Europe. Ce réexamen, trop longtemps éludé, ne peut plus être retardé, et semble mener à une conclusion institutionnelle différente de celle tirée par Edouard Balladur.

Depuis la réunification de l'Allemagne, la parité franco-allemande, considérée autrefois par la France comme la pierre angulaire de l'Europe, n'existe plus. L'Allemagne réunifiée, avec une population 40% plus importante que la France, a déjà un revenu national presque supérieur de 50% et un excédent commercial annuel, en juin dernier, deux fois et demi plus élevé. Cette disparité économique s'approfondira en même temps que la partie orientale de l'Allemagne retrouvera l'efficacité de l'économie de marché. Et, probablement, la contribution de l'Allemagne aux fonds destinés aux régions les plus pauvres d'Europe va s'accroître. C'est seulement sur les questions militaires que la France se tient à peu près au niveau de l'Allemagne, mais les données économiques laissent à penser que cela ne durera pas.

Si "l'approfondissement" de l'Union européenne prend la forme voulue par beaucoup, ces statistiques se traduiront en termes politiques. Un aspect essentiel de cet "approfondissement" est l'augmentation du nombre de décisions prises à la majorité des votes. Certains Allemands ont suggéré que l'Allemagne, de loin le plus grand pays d'Europe, devrait avoir plus de voix que la France (et que n'importe quel autre pays). Ce qui n'est pas totalement absurde. Le système permet déjà aux grands pays d'avoir plus de voix que les petits. Pourquoi ne reconnaîtrait-on pas alors la puissance allemande ?

Même si cela ne se produit pas, la puissance de l'Allemagne s'accroîtra indirectement de toute façon. Au sein de l'UE, comme dans toute autre association de même type, la puissance économique produit des influences politiques: un pays en soutient un autre s'il pense que ce dernier peut lui apporter de l'aide. Et l'élargissement actuel de l'UE met un surplus d'énergie dans le moteur allemand. Dans la première fournée des nouveaux membres, l'Autriche, la Suède et la Norvège appartiennent à la même zone culturelle que l'Allemagne. La seconde fournée, en Europe centrale et orientale, fera largement partie de la zone d'investissements allemands. C'est de cette façon que se constituent les blocs de vote.

Cela implique deux choses pour la France. L'une est que la création d'un petit noyau interne de pays engagés dans une unification plus rapide (comprenant la France, l'Allemagne et probablement le Bénélux) serait excessivement dangereuse. La France ne pourra pas compter sur le soutien des Pays-Bas et du Luxembourg, ni peut-être même de la Belgique. Une union plus rapide prendrait alors la forme préconisée par l'Allemagne, et non celle voulue par la France. Avec ce déséquilibre des forces de l'après-réunification, la France ne peut prendre le risque, comme autrefois, d'être seule face à l'Allemagne. Elle a besoin de la présence rassurante des autres grands pays comme la Grande-Bretagne et l'Italie.

De plus, si un tel noyau ne voit pas le jour, l'UE aura des difficultés à renforcer sa structure constitutionnelle. La Grande-Bretagne est la plus réticente à aller dans ce sens, en partie parce qu'elle redoute le poids du vote "allemand". Il semble que ce soit aussi l'avis de l'Italie. La plupart des nouvelles recrues de l'Europe du Nord et de l'Est, attachées à préserver leur identité nationale, montreront probablement la même réticence. Dans cette Europe élargie, la tendance constitutionnelle semble donc être la mise en place d'une trame plus lâche. Evidemment, rien de cela ne serait inquiétant si l'on supposait que les intérêts allemands et français étaient fondamentalement les mêmes. La route vers un condominium franco-allemand serait alors ouverte. Mais, indubitablement, les leçons de l'après-réunification montrent que la communauté d'intérêts entre la France et l'Allemagne est plus lointaine qu'elle ne l'a jamais été.

La fin du communisme a ouvert une région d'Europe dans laquelle l'histoire et la géographie se combinent plus en faveur de l'Allemagne que de la France. A quoi s'ajoutent les différences d'analyse et d'objectifs. Le point de vue allemand sur la façon de traiter l'éclatement de la Yougoslavie différait du point de vue français. L'intérêt à l'égard de la Russie postcommuniste n'est pas de même nature en France et en Allemagne, etc.

Dans ces circonstances, prétendre que les politiques étrangères des deux pays s'orientent dans la même direction, à la même vitesse, relève du mysticisme. Et, en cette fin de XX· siècle, il serait de la dernière ironie que les Français, le peuple le plus lucide d'Europe, décident de leur avenir par un acte de mysticisme.

 
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