VACLAV KLAUS: "LA TRANSITION EN EUROPE CENTRALE EST UN SUCCES".
UN ENTRETIEN AVEC LE PREMIER MINISTRE TCHEQUE.
Propos recueillis par Laure Mandeville
(extrait d'un entretien du Figaro, 4-10-1994)
Optimisme. Tel est le sentiment qui habite actuellement Vaclav Klaus, le bouillant premier ministre de la République tchèque.
» Je suis optimiste parce que la transition des pays d'Europe centrale est globalement un succès, explique celui que l'on appelle parfois le » Thatcher tchèque en raison de ses options ultra-libérales. La République tchèque est devenue une démocratie politique tout à fait comparable aux démocraties occidentales. Il ajoute : » Nous avons aussi construit une véritable économie de marché. Savez-vous que la privatisation de l'économie tchèque sera achevée d'ici la fin 1994 ! Il ne restera plus que des choix résiduels à faire, sur la privatisation des transports aériens, du rail ou des télécommunications, comme en France ou en Belgique.
Vaclav Klaus se dit donc quelque peu agacé par le » pessimisme exagéré de l'Occident. » Les Occidentaux ont tendance à exagérer les risques d'instabilité qui menacent la région, affirme-t-il. Ils voient l'Europe centrale avec les lunettes de Sarajevo. Inconsciemment, ils analysent le drame yougoslave, comme un syndrome post-communiste, quelque chose susceptible d'être généralisé ailleurs. Ils oublient que Sarajevo est l'exception, que c'est un phénomène unique. Alors ils multiplient les pactes de stabilité, les conférences. Tout cela est un peu exagéré.
Autre sujet d'optimisme : L'Europe. Ses rencontres avec les responsables français, et notamment avec Édouard Balladur, ont été, » très positives , insiste-t-il pour bien marquer la
disparition des tensions franco-tchèques. Il y a un peu plus d'un an, lors d'une tournée d'Alain Juppé en Europe centrale, Prague avait accusé Paris de freiner son adhésion à l'Union européenne. » Edouard Balladur a clairement dit que la France est en faveur d'un élargissement de l'Union européenne, note aujourd'hui avec satisfaction M. Klaus. La seule question reste de savoir à quelle date et selon quel rythme.
Le chef du gouvernement de Prague s'est réjoui de l'ouverture d'un nouveau débat sur l'Europe. » L'initiative CSU-CDU, de même que les récents discours de MM. Balladur et Major, ont créé une nouvelle atmosphère, très productive. J'avais eu, dans les dernières années, le sentiment très désagréable que toute personne un peu critique du traité de Maastricht était taxée d'extrémisme. Mais l'Europe est un continent à plusieurs vitesses. Essayer de mettre tous les pays dans le même sac est artificiel.
Objectif : l'Union européenne
L'entrée dans l'Union européenne reste clairement l'objectif majeur. Et qu'on ne parle pas à Vaclav Klaus de l'entente de Visegrad entre la République tchèque, la Pologne, la Slovaquie et la Hongrie ! » Pourquoi me parle-t-on toujours de ce Visegad qui n'existe pas. Jamais, en deux ans et demi, je n'ai été invité à aucune réunion liée à cette entente. C'est un mythe occidental. Parlons plutôt du CEFTA (Central European Free Trade Area), la zone de libre-échange, qui s'est constituée entre ces quatre pays. Inflation maîtrisée, balance commerciale et budget équilibrés, investissements étrangers en plein essor, taux de chômage de 3,2 %... Dans les milieux du business occidental, on parle de plus en plus du miracle tchèque. Mais, quand on demande à Vaclav Klaus comment il a pu, lui, l'ultra-libéral, poursuivre sa réforme et rester populaire, alors que tous les autres pays d'Europe centrale rappelaient d'anciens communistes au pouvoir, il ne parle pas économie mais politique.
Le secret, dit-il, c'est de ne pas s'être uniquement contenté d'appliquer des recettes économiques. » Il fallait aussi avoir un projet d'ensemble, et un instrument pour le présenter, l'expliciter auprès de la population. J'ai créé un parti, le Parti démocratique civique, qui a accompli ce travail d'explication. Les Polonais, eux, n'ont pas jamais eu de parti de soutien aux réformes.
(...)
Propos recueillis par Laure MANDEVILLE