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Federalismo Servizio - 26 ottobre 1994
La question hungaro-roumaine.

L'INEXTRICABLE MALENTENDU HUNGARO-ROUMAIN

par Pal Bodor

(Le Monde, 22-10-1994)

Depuis le siècle des Lumières, une séduisante illusion prétend qu'il suffit d'éclairer les gens sur la vérité pour que celle-ci s'allume en eux, telle une ampoule électrique. Or il n'en est rien. Surtout pas en politique, qui, du moins en Europe centrale et orientale, est du domaine des sentiments. Et les sentiments sont imperméables aux arguments de la raison. Comme il est impossible de persuader quelqu'un d'aimer, il est impossible de dissuader qui que ce soit de haïr.

Une idée généreuse veut que la plupart des conflits viennent de la non-connaissance de l'autre. Les habitants de Sarajevo se connaissent fort bien, ils n'ont même pas besoin d'interprète pour se comprendre et pourtant, ils s'entre-tuent. Tout comme les guelfes et les gibelins, les protestants et les catholiques d'Ulster, les Yéménites du Nord et ceux du Sud. Ce qui veut dire que le moindre signe distinctif (fût-ce un emblème d'équipe de football) suffit à produire la haine organisée. A qui s'étonne du conflit chiito-sunnite, je dirais: Qui sait si les chiites ne sont pas les huguenots d'Allah ?

Que le bien-être puisse en soi servir d'antidote contre la haine est pure superstition. Depuis cinq siècles, le PNB monte en flèche en France, mais les ressentiments français ne sont pas totalement apaisés. M. Le Pen aura toujours des chances.

Prenons les rapports roumano-hongrois. Ils sont aussi lourds de séquelles qu'une grippe endémique. A ce sujet, je ne peux pas imaginer de pourparlers, à quelque échelon que ce soit, qui débouchent sur un résultat substantiel, à long terme. Les pièges

ne se conforment pas au protocole.

En ce qui concerne le traité d'amitié roumano-hongrois, dans l'impasse depuis la chute du communisme dans les deux pays, il ne se heurte qu'à deux obstacles qui sont... la Roumanie et la Hongrie. Bien sûr, les deux se défendent de le saboter. La Roumanie tient absolument à ce que l'autre partie réaffirme par écrit l'intangibilité des frontières. Une mesure que le nouveau gouvernement de coalition, dominé par les socialistes (ex-communistes réformateurs), se montre désormais enclin à accepter.

Dialogue de sourds

Il n'en reste pas moins, que cette revendication exaspère quelque peu la Hongrie; celle-ci affirme depuis des années qu'elle a si souvent déclaré le principe de l'inviolabilité des frontières qu'elle en a assez. N'est-il pas suspect, celui qui proclame quotidiennement qu'il n'escaladera pas la palissade ? Que l'autre partie daigne enfin honorer ses promesses réitérées depuis sept décennies : garantir les droits des minorités selon les normes européennes. A quoi la Roumanie répond qu'elle est un paradis terrestre pour les minorités et que les Hongrois de Transylvanie y vivent comme dans le giron d'Abraham, mieux que les Roumains et surtout mieux que les Roumains en Hongrie.

Le ping-pong politique n'a pas de terme. Budapest argue que les Roumains de Hongrie ne sont, selon les estimations les plus larges, que vingt-cinq mille. Et qu'ils ont toujours vécu dans les cadres de l'Etat hongrois. Comment pourrait-on comparer leur sort à celui d'environ deux millions de Hongrois de Roumanie, vivant dans l'Etat roumain depuis le traité de Trianon en 1920 ? Et Bucarest de répliquer, en prétendant, selon la constellation politique du moment, qu'avant 1918 deux cent mille ou un demi-million de Roumains vivaient sur le territoire de la Hongrie actuelle, » le déficit étant dû à la magyarisation . De quoi faire rire Budapest, qui ose une question : » Et pourquoi ne rétablissez-vous pas l'université hongroise de Transylvanie fermée en 1959 ? Bucarest, furieux: » Qui a vu une université fonctionner dans la langue d'une minorité ? . Budapest fournit la liste complète. Bucarest: » Celui qui obtient un diplôme en une langue autre que celle de l'Etat, risque de se trouver défavorisé. Les Hongro

is de Roumanie s'indignent: » Laissez-nous opter pour ou contre ce désavantage. Tant que subsistait l'université, avant 1959, ceux qui y avaient obtenu leur diplôme en hongrois se sont avérés compétitifs. Bucarest: » Mais comment imaginez-vous que quelqu'un qui fasse ses études universitaires en hongrois puisse se faire embaucher comme ingénieur dans une usine roumaine ? Les Hongrois, » Comme après Trianon, des milliers de médecins, d'ingénieurs et de juristes étaient restés ici en possession d'un diplôme hongrois et ont fait leur travail plutôt bien. Les Roumains: » Oui, mais ici, c'est maintenant la Roumanie et le roumain est la langue de l'Etat. Apprenez le roumain ! Les Hongrois: » Bien sûr, nous avons tout à fait intérêt à l'apprendre mais à l'école hongroise ! . Bucarest : » C'est un non-sens. Et ainsi de suite.

Bucarest s'alarme des prétentions hongroises à l'autogouvernement et à l'autonomie (» Premier pas vers la sécession ) alors que les Hongrois se froissent quand le gouvernement nomme des préfets roumains à la tête des deux départements peuplés à 70 ou 80 % de hongrois. Bucarest s'inquiète car à Budapest certains reparlent de Trianon (» irrédentistes, révisionnistes ! ), tandis que des journaux hongrois citent des feuilles roumaines qui tantôt crient à l'imminence d'une agression militaire hongroise, tantôt réclament l'extension des frontières de la Roumanie jusqu'au fleuve Tisza en Hongrie.

Rêverie et réalisme

L'opinion hongroise veut ignorer qu'en Transylvanie, dès le milieu du dix-huitième siècle, seul le tiers de la population était d'ethnie magyare. De son côté, l'opinion roumaine ignore totalement qu'on 1930 encore seul le tiers de la population dans la plupart des villes de Transylvanie était d'ethnie roumaine.

Les rapports roumano-hongrois sont au moins aussi inextricables que les rapports hungaro-roumains. Les Hongrois reprochent aux Roumains d'être peu généreux dans leur position de possesseurs. Les Roumains, eux, prétendent que les Hongrois ne se sont toujours pas résignés au traité de paix de Trianon de 1920. Cette question fournit à profusion de la poudre politique, des deux côtés. En Roumanie, beaucoup ont le sentiment que les Hongrois rêvent toujours de l'empire de saint Etienne, le fondateur de l'Etat hongrois au neuvième siècle : tout en rabâchant les droits des minorités, ils aspireraient au leadership dans le bassin des Carpates.

Politique extérieure et intérieure s'imbriquent inévitablement dans cette région. Bucarest aimerait que les Hongrois de Roumanie se déclarent Roumains hungarophones. Probabilité : nulle. Les Hongrois aimeraient retrouver en Roumanie le même chez-soi que chez eux. Probabilité: nulle encore. Ce qui, aux yeux des Roumains paraît trop de liberté est, aux yeux des Hongrois, trop peu de liberté. Les Roumains estiment que les prétentions hongroises mettent en péril leur souveraineté nationale et leur intégrité territoriale. Les Hongrois ont le sentiment que la panique ressentie par la majorité dans le pays voisin devant les aspirations à J'autonomie culturelle, intellectuelle et politique des segments de la nation hongroise met en danger la survie de millions de Magyars réduits à la condition minoritaire.

La conférence sur la stabilité en Europe de M. Balladur, inaugurée en mai à Paris, entend » rendre à notre continent sa confiance en soi . C'est bien beau car cela sous-entend que l'Europe en avait. Assez pour avoir déclenché toutes les guerres mondiales. Le premier ministre français prédit que le pacte de stabilité revêtira un » caractère solennel . Solennel, il le sera, nous en sommes convaincus. Du reste, les lois sont toujours nos empreintes, nos portraits négatifs. Les dix commandements dénotent que depuis que l'homme vit sur terre, il tue, vole, ment et n'honore ni son père ni sa mère.

Je souhaite plein succès au plan Balladur. Les dix commandements politiques sont indispensables, fussent-ils continuellement trangressés. Il n'en sont que plus nécessaires. Il serait bon que désormais personne ne tue, ne vole, ni ne dissimule sous des mensonges l'avenir stable de l'Europe. Peut-être M. Balladur a-t-il raison. Sans rêverie, il n'y a peut-être pas de réalisme politique.

* Pal Bodor est écrivain et journaliste au premier quotidien hongrois, Nepszabadsag. Il a vécu en Roumanie jusqu'en 1983.

Pal BODOR

 
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